Eglises d'Asie

Synode sur la famille : quels enjeux pour l’Eglise en Inde ?

Publié le 17/09/2015




Alors que se prépare le Synode sur la famille qui aura lieu à Rome du 4 au 25 octobre prochain, les évêques catholiques indiens de rite latin ont rendu le rapport contenant les réponses de leur Eglise au questionnaire envoyé par Rome. Le synode sur la famille, dont le thème est « La vocation et la mission de la famille dans l’Eglise et le monde contemporain », …

… entend répondre aux défis pastoraux de la famille dans le contexte de l’évangélisation. Qu’en est-t-il en Inde où la société fait face à de rapides changements socioculturels et où la communauté catholique, qui compte 18 millions de fidèles, ne représente que 1,7 % de la population indienne ?

Les réponses au questionnaire, envoyé à 50 000 fidèles – membres du clergé, laïcs et religieux, parmi les 80 diocèses des 131 diocèses latins du pays – font ressortir un sentiment général de décalage entre les fidèles et l’Eglise, cette dernière étant perçue comme « déconnectée » de la réalité vécue par les familles. Autre dominante du rapport : le besoin de « compassion » exprimée par les fidèles, avec moins de jugement de la part des autorités ecclésiastiques. « Nous devons chercher à comprendre davantage les familles plutôt qu’à essayer d’être compris par elles, surtout à notre époque où les familles ont à faire face à de multiples difficultés », explique Mgr Thomas Menamparampil, archevêque émérite de Guwahati.

En effet, la société indienne fait actuellement face à de rapides changements culturels qui ne sont pas sans répercussion sur l’évolution sociologique de la famille, alors qu’elle-même est au cœur de la société indienne. Composée de multiples facettes, la cellule familiale contemporaine va de la famille traditionnelle représentant plusieurs générations, à la famille nucléaire ou monoparentale.

La communauté catholique, d’une grande disparité économique, connaît, comme la société indienne dans son ensemble, une vague migratoire importante, que ce soit à l’intérieur du pays ou à l’étranger, pour des raisons principalement économiques. Ces dernières années, elle a également été malmenée par des mouvements extrémistes, au nombre desquels se trouve le BJP, le parti nationaliste hindou, actuellement au pouvoir à New Delhi, qui a fait voter des lois anti-conversion dans plusieurs Etats de l’Union, intensifiant ainsi les violences antichrétiennes.

Dans ce contexte complexe, les principaux enjeux concernant la famille en Inde sont donc vastes et le rapport de l’Eglise latine indienne distingue quatre grands enjeux assez interdépendants : le phénomène migratoire et la famille, l’impact socioculturel des révolutions numériques sur les familles, la nouvelle évangélisation auprès des périphéries et le défi pastoral des mariages mixtes.

Depuis quelques années, l’Eglise catholique constate une augmentation significative du nombre des mariages interreligieux. En effet, les mutations professionnelles, les nouveaux moyens de communication permettent aux jeunes Indiens de rencontrer des personnes différentes de leur environnement traditionnel. Pour le P. Michael Peters, théologien et spécialiste des mariages mixtes en Inde, « les moyens de communication actuels permettent aux jeunes de rencontrer des personnes de religion, de culture ou de caste différente de la leur ». Il existe ainsi de plus en plus de mariages d’amour, où les questions de religion et de foi deviennent secondaires, par opposition aux mariages traditionnels arrangés.

Si, auparavant, l’Eglise catholique n’autorisait pas les mariages mixtes, aujourd’hui ce n’est plus le cas, puisque les jeunes gens peuvent solliciter une demande de dispense de disparité de culte, qui engage les conjoints dans le respect de la pratique de la foi du conjoint et la volonté d’élever les enfants dans la foi catholique. Si ces mariages mixtes sont une richesse pour l’Eglise, ils soulèvent néanmoins des questions complexes : en Inde, par exemple, le choix d’une religion aura des répercussions directes sur l’application de la loi relative au droit privé, qui diffère en fonction de la religion, notamment en ce qui concerne les mariages, le divorce et les successions.

Pour l’Eglise catholique, il est urgent de répondre aux besoins actuels de ces couples en proposant une pastorale adaptée, fondée sur l’écoute et l’accompagnement avant et après leur mariage, grâce notamment à des programmes d’accompagnement conjugal avec des spécialistes formés, au sein des paroisses. Le rapport note également le manque d’un guide pastoral permettant de pouvoir répondre à des questions pratiques, comme par exemple la question de suivre des offices dans une autre religion.

Les mouvements migratoires ont également un impact non négligeable sur les familles déjà constituées, notamment en fragilisant la cellule familiale : éloignement des couples de leur famille quand elles ne séparent pas les conjoints, augmentation des relations extraconjugales, divorces (en Inde, le taux de divorce est actuellement de 2 %). Comment l’Eglise peut-elle aider ces familles à rester unies ? D’après les réponses collectées, en étant proche de ses membres et en ayant une approche pastorale basée sur l’écoute, la compassion et la formation des couples.

Le rapport souligne également la prédominance du relativisme dans une société de plus en plus sécularisée et influencée par le matérialisme, l’hypersexualisation véhiculée par les médias et le culte du corps, dans un contexte de révolution numérique où tout paraît possible : vulgarisation des moyens de contraception, banalisation de la pornographie qui touche les enfants de plus en plus jeunes, augmentation des violences sexuelles envers les femmes et les enfants.

Le rapport met également en évidence l’augmentation du nombre des avortements, précisant que, comme dans la société indienne, « beaucoup de fidèles pensent que l’avortement n’est pas un péché ». Défi auquel l’Eglise cherche à répondre en développant des campagnes de conscientisation sur le respect de la vie à naître, en organisant des programmes d’éducation affective et sexuelle pour les plus jeunes, ou en proposant des programmes de formations aux méthodes de régulation naturelle des naissances pour les couples. Face à la révolution médiatique, un groupe d’experts catholiques a même prévu de créer une chaîne de télévision numérique catholique, afin de toucher la jeunesse et transmettre ainsi les valeurs familiales catholiques à travers des médias actuels.

Le rapport des évêques indiens propose également de simplifier la procédure de reconnaissance de nullité des mariages catholiques. C’est chose faîte depuis le 8 septembre dernier avec la publication par le pape François de deux Motu Proprio qui rendent la procédure judiciaire de demande de nullité gratuite, plus rapide, et accessible. Ces nouvelles mesures s’appliqueront aux Eglises catholiques latines et orientales, donc à toute l’Eglise catholique indienne (l’Eglise catholique est composée de 170 diocèses, en grande majorité de l’Eglise latine (131 diocèses), et de deux Eglises orientales : l’Eglise syro-malabare et syro-malankare).

Lors du prochain synode, l’Eglise latine indienne sera représentée par Mgr Oswald Gracias, cardinal archevêque de Bombay et président de la Conférence épiscopale, Mgr Filipe Neri António Sebastião Do Rosário Ferrão, archevêque de Goa et Damão, Mgr Selvister Ponnumuthan, évêque de Punalur et Mgr Dominic Jala, salésien, archevêque de Shillong. L’Eglise syro-malabare sera représentée par le cardinal George Alencherry, archevêque majeur d’Ernakulam-Angamaly (syro-malabar), Mgr Joseph Kallarangatt, évêque de Palai (syro-malabar), Mgr Andrews Thazhath, archevêque de Trichur (syro-malabar). Mgr Baselios Cleemis Thottunkal, cardinal archevêque majeur de Trivandrum des syro-malankars, représentera l’Eglise syro-malankare en Inde.

Parmi les auditeurs libres, on peut noter la présence de Jacob Mundaplakal Abraham, consultant pour l’apostolat de la famille et les organismes laïcs des diocèses du Kerala ; et Penny et Ishwar Bajaj, un couple hindou-chrétien, du diocèse de Bombay.

(eda/nfb)