Eglises d'Asie

Les religieux bénédictins du monastère de Thiên An, soutenus par le clergé de Huê, protestent contre la récente réquisition de leurs terres par le gouvernement

Publié le 18/03/2010




Dans deux lettres ouvertes envoyées, l’une aux autorités régionales, l’autre au Premier ministre, diffusées en langue vietnamienne, le 14 septembre dernier, par l’agence électronique Vietcatholic News, les religieux d’un monastère bénédictin établi depuis soixante ans sur la colline de Thiên An (‘Paix céleste’) près de Huê, viennent d’exprimer leurs vigoureuses protestations contre l’ordre de réquisition émis par le gouvernement les dépouillant de la grande majorité de leurs terres pour y établir un parc de loisirs et d’attractions.

C’est le 27 avril dernier, que les religieux ont appris la nouvelle de la bouche d’émissaires du Comité populaire du district de Huong Thuy. Ces derniers sont venus lire devant les représentants de la communauté religieuse la décision n° 1230/QD-TTg signée du chef du gouvernement le 24 décembre 1999, à savoir plus de quatre mois avant qu’elle ne soit portée à la connaissance des intéressés. Les religieux, qui n’ont pas eu le loisir de consulter le texte, aucune copie ne leur ayant été remise, ont été ainsi informés que 495 929 m² du terrain leur appartenant étaient réquisitionnés et loués au Service du tourisme de Huê qui avait la charge d’y construire un vaste centre de loisirs.

La décision, selon les termes de la lettre des religieux aux autorités régionales, a sidéré la communauté bénédictine de Thiên An, d’autant plus que 25 ans après le changement de régime, la politique affichée du gouvernement est plutôt aux restitutions des biens autrefois confisqués. Jusqu’à ces derniers temps, le droit d’utilisation de ces terres, dans ce pays communiste où la propriété privée n’existe plus, ne leur avait jamais été contesté. Depuis 1940, date de fondation du monastère, le droit légal des religieux bénédictins sur ces terres est consigné dans les registres du service du cadastre de la province de Thua Thiên-Huê. Or la décision du gouvernement parle de ces terres comme s’il s’agissait de terres en friche et sans utilisateurs alors que la commune de Thuy Bang où ils sont situés avait, en 1996, officiellement reconnu le monastère comme gestionnaire légal de ces terrains. Il est vrai qu’en juillet 1999, une équipe venue enquêter au monastère avait contesté la valeur légale d’un extrait du cadastre en possession des moines décrivant avec précision les 36 parcelles de terrains composant la propriété du monastère.

Les religieux ajoutent qu’en leur enlevant ces terres les autorités privent de leurs moyens de subsistance des religieux, obligés par leur règle à vivre de leur travail. Sur les terres confisquées par la récente décision gouvernementale se trouvent en effet, une orangeraie célèbre dans toute la région par la qualité de ses fruits, un jardin potager et un ensemble de prés destinés à l’élevage d’un troupeau de 28 boufs. Cette réquisition de terres exploitées par des religieux contemplatifs travaillant pour subvenir à leurs besoins, qui n’a été précédé d’aucun dialogue préalable, comme le prescrit en ce cas la loi sur l’utilisation de la terre, frustre d’authentiques travailleurs d’un domaine qu’ils ont entièrement créé de leurs mains.

Dans une lettre de soutien envoyée le 11 juillet dernier à la communauté bénédictine, un groupe de prêtres de Huê faisait remarquer que grâce au labeur des religieux la colline plantée de pins de Thiên An était devenue non seulement un lieu de ressourcement spirituel pour les catholiques mais aussi un endroit où chacun pouvait venir se délasser librement et sans frais. Ce qui ne sera pas le cas pour le parc de loisirs dont la création nécessitera l’abattage de nombreux arbres et qui sera inaccessible aux visiteurs non fortunés. Le clergé de Huê qualifie la mesure gouvernementale de défi lancé à la communauté catholique, de violation de la vie monastique, et surtout d’ingratitude à l’égard des créateurs de ce site culturel.