Eglises d'Asie

L’Eglise catholique réaffirme sa volonté d’être « un éveilleur de conscience » aux Philippines

Publié le 10/07/2014




A l’occasion de la parution de « directives pastorales au sujet de l’application de la loi sur la santé reproductive », l’épiscopat philippin a réaffirmé, le 7 juillet, sa volonté d’être « un éveilleur de conscience » dans le pays, mettant en avant le fait que son positionnement vis-à-vis …

… du pouvoir politique était celui d’une « collaboration critique » au service du bien commun.

La RH Bill ou Reproductive Health Bill est cette loi sur « la santé reproductive » qui a fait couler beaucoup d’encre aux Philippines tant ses opposants, en tête duquel se trouve l’Eglise catholique, ont croisé le fer durant plus de quinze ans avec ses promoteurs, au nombre desquels figurent les différents présidents qui se sont succédé à la tête du pays depuis 1998, date de l’introduction devant le Congrès d’un projet de loi visant à mettre en place un financement public obligatoire des moyens de contraception et à introduire l’éducation sexuelle à l’école. On se souvient que la bataille s’est achevée par une validation sous conditions de la loi par la Cour suprême le 8 avril dernier, adversaires et promoteurs de la loi saluant, les uns comme les autres, une victoire de leurs camps respectifs.

C’est notamment pour clarifier les droits et devoirs des catholiques vis-à-vis de cette loi en passe d’être appliquée que les évêques, dans un texte signé du président de la Conférence épiscopale, ont publié, ce 7 juillet, des « directives pastorales » détaillées et précises, soulignant que les attendus de la décision des juges suprêmes du 8 avril dernier, longs de 104 pages, n’étaient sans doute pas accessibles aux non-juristes et avaient besoin d’être « présentés ». Les acteurs du domaine de la santé, qu’ils soient médecins, infirmiers, sages-femmes, aides médicales ou techniciens de la santé, sauront ainsi quels sont leurs droits face à cette loi, de même que les catholiques employés dans la fonction publique qui pourraient être amenés à faire appliquer la loi en question, soulignent les évêques.

A travers quinze points précis, les directives pastorales expliquent que les dispositions arrêtées par les juges suprêmes en avril dernier reconnaissent le droit à l’objection de conscience tant des travailleurs du secteur de la santé que des fonctionnaires catholiques dans le cadre de leur emploi. « Les catholiques doivent avoir à l’esprit qu’ils ne peuvent pas être contraints de promouvoir, distribuer ou administrer des contraceptifs artificiels contre leur conscience morale ou religieuse », souligne le texte, qui donne des exemples précis où cette objection de conscience s’applique.

Par exemple, dans les cas des catholiques employés dans la fonction publique, les évêques écrivent : « De manière évidente, les catholiques ne devraient pas, sur la base de critères moraux, chercher à travailler dans les agences gouvernementales qui ont pour tâche de promouvoir les moyens de contraception artificiels (…). Mais si les circonstances les obligent à être employés par ces agences, les catholiques doivent savoir qu’ils ne peuvent pas être forcés de promouvoir, distribuer ou administrer les contraceptifs artificiels contre leurs convictions morales ou religieuses. »

De même, concernant les personnels soignants agissant dans le cadre d’un établissement public ou privé, un catholique confronté à une demande en contraceptifs artificiels « n’est pas obligé et peut refuser d’informer son patient du lieu ou de la personne auprès desquels celui-ci pourra obtenir ces produits contraceptifs ». Sur ce point précis, les évêques prennent position sur un point contesté, les promoteurs de la RH Bill affirmant que les juges suprêmes n’ont pas étendu l’objection de conscience jusque-là et que les soignants, quelles que soient leurs convictions, ont un devoir d’information vis-à-vis de leurs patients.

Sortant de l’assemblée plénière de la Conférence épiscopale, qui s’est tenue du 4 au 6 juillet, le président nouvellement élu de l’épiscopat philippin, Mgr Socrates Villegas, a tenu une conférence de presse le 7 juillet. Il a précisé le positionnement de l’Eglise catholique dans cette affaire et plus largement dans la société philippine.

« Nous ne sommes pas un groupement politique, a-t-il plaidé. Nous ne sommes ni de l’opposition ni du gouvernement. Notre position sera toujours celle du Christ. (…) Notre travail, en tant qu’hommes d’Eglise, n’est pas d’être des fauteurs de trouble social. Nous sommes des fauteurs de trouble de la conscience car nous voulons troubler les consciences de manière à ce que chaque conscience écoute la voix de Dieu. » A l’adresse des journalistes et des Philippins, il a ajouté : « S’il vous plaît, respectez notre identité en tant qu’Eglise : c’est à la conscience que nous nous adressons et c’est la moralité que nous défendons. J’espère ainsi clarifier le positionnement de la CBCP (Catholic Bishops’ Conference of the Philippines) concernant le jugement de la Cour suprême sur la RH Bill. »

Agé de 53, président de la Conférence épiscopale depuis décembre dernier, Mgr Villegas, qui fut secrétaire de feu le cardinal Jaime Sin (1928-2005), n’a pas hésité à se référer à la notion de « collaboration critique », mise en avant, en son temps, par l’archevêque de Manille du temps de la loi martiale et de la dictature de Ferdinand Marcos (au pouvoir de 1965 à 1986). « Quand le pouvoir en place sert le bien commun, vous pouvez compter sur les évêques pour être en pleine collaboration, [mais] si ce bien commun est menacé ou si les normes morales sont violées, si la dignité humaine est compromise, si la famille est attaquée et si la vie humaine ne coûte pas cher, alors nécessairement et de manière très compréhensible, vous pouvez vous attendre à ce que les évêques se montrent plus critiques », a développé Mgr Villegas, soulignant que, du temps de Marcos comme de l’après Marcos, il y a eu des périodes où les évêques étaient plus critiques que collaboratifs et vice-versa.

En conclusion, le président de la CBCP a affirmé que l’attitude de collaboration critique de l’Eglise vis-à-vis du président Benigno Aquino, l’actuel président, n’était pas propre à l’Eglise aux Philippines mais se rencontrait ailleurs dans le monde, le pape appelant les chrétiens partout où ils se trouvent à œuvrer à la protection de la dignité de la personne humaine.

(eda/ra)