Eglises d'Asie

Les deux étapes « sensibles » du voyage d’un cardinal allemand au Vietnam

Publié le 22/01/2016




Le cardinal Reinhard Marx, président de la Conférence épiscopale allemande et président de la Commission des Conférences épiscopales d’Europe (CCEE), a effectué un voyage au Vietnam du 8 au 17 janvier 2016. Au cours de cette visite, principalement destinée à …

… découvrir le visage de l’Eglise catholique du Vietnam, le cardinal s’est entretenu avec des représentants du gouvernement communiste vietnamien. Il a rendu compte du contenu et du ton de ce dialogue dans une interview accordée à l’agence catholique allemande KNA, interview dont on pourra lire ici une traduction en français réalisée par Eglises d’Asie.

 

Cependant, l’essentiel du voyage s’est déroulé dans les milieux catholiques de deux archidiocèses du Nord et du Sud, Hanoi et Saigon, où le prélat avait été invité par chacun des deux archevêques. Depuis Hanoi, il est allé jusqu’au diocèse de Bac Ninh où il s’est rendu en pèlerinage au sanctuaire de Tam Dao. Mais il n’a pas obtenu l’autorisation de se rendre dans le diocèse de Vinh, au Centre-Vietnam, comme cela avait pourtant été prévu par les organisateurs du voyage. La deuxième partie du voyage était consacrée à l’archidiocèse de Saigon, avec la visite des services de l’organisme caritatif Caritas ; la visite du monastère des Amantes de la Croix de Thu Thiêm, en conflit avec les autorités civiles de Saigon pour une question de propriété foncière, s’est déroulée sans incident. Le cardinal a aussi voulu s’entretenir un certain nombre de dissidents.

Le cardinal allemand avait décidé de donner à son voyage une forme que l’on pourrait qualifier d’« exploratoire ». Avant son départ pour le Vietnam, le cardinal Marx avait précisé ses objectifs. Il comptait rencontrer, avait-il déclaré, « une Eglise locale en plein développement dans un environnement difficile, une Eglise qui joue un rôle positif dans le cadre d’un pays communiste ». Il avait également fait mention des persécutions et des pressions diverses que subit la communauté catholique dans ce pays.

C’est pour remplir ces objectifs que deux étapes « sensibles » (selon le vocabulaire utilisé par les officiels du gouvernement vietnamien) avaient été insérées au programme du voyage. Le cardinal et sa délégation devaient en effet visiter le diocèse de Vinh au Centre-Vietnam et s’entretenir avec les religieuses du couvent des Amantes de la Croix de Thu Thiêm dans le deuxième arrondissement de Saigon. Dans le diocèse de Vinh, ces temps derniers, les autorités policières se sont rendues coupables de nombreuses exactions à l’égard de la communauté catholique. La plus récente a eu lieu le 31 décembre dernier, jour où un prêtre catholique a été sauvagement agressé par une bande de voyous qui ont agi sous les yeux du chef de la police locale sans que celui-ci réagisse. Quant aux religieuses des Amantes de la Croix de Thu Thiêm (Saigon), elles essaient de résister aux tentatives des autorités locales qui veulent s’emparer d’une partie de leur propriété.

Un seul de ces deux rendez-vous a pu avoir lieu. Le 16 janvier, le cardinal Marx a été reçu au couvent des Amantes de la Croix, à Saigon. Dans son discours d’accueil, la responsable générale de la communauté a raconté en détail la longue histoire de ces religieuses qui se sont installées sur les lieux en 1840, avant même que l’agglomération de Saigon n’existe. A la fin de son intervention, la religieuse a appelé toutes les Eglises ainsi que toutes les organisations de défense des droits de l’homme dans le monde a à apporter leur concours à la défense de leur communauté, pour que celle-ci puisse continuer son service sur les lieux où elle s’est installée il y a 176 ans. Dans sa réponse, le cardinal Marx a eu des mots qui ont ému l’Eglise du Vietnam tout entière. S’adressant aux fidèles vietnamiens, il a dit : « Vous devez agir pour que la communauté des religieuses Amantes de la Croix de Thu Thiêm puisse continuer à survivre et à se développer sur cette parcelle de terre ! »

La visite du diocèse de Vinh aurait dû avoir lieu au début du voyage, après celle du diocèse de Bac Ninh. Le gouvernement l’a rayé du programme. Dès le 8 janvier, Mgr Paul Nguyên Thai Hop, évêque de Vinh et président de la Commission épiscopale ‘Justice et Paix’, a adressé une lettre au Bureau gouvernemental des Affaires religieuses, lui demandant les raisons pour lesquelles la visite du diocèse de Vinh avait été refusée au cardinal allemand. L’évêque y rappelait en particulier la très généreuse assistance consentie par l’Eglise allemande en faveur de l’Eglise du Vietnam. Certains observateurs ont fait remarquer que, paradoxalement, ce refus, d’une certaine façon, donnait au cardinal des informations de première main sur l’état des relations entre l’Eglise et l’Etat dans ce pays.

On peut encore noter que la prise de contact du cardinal avec les services de la Caritas de Saigon a été sans doute l’un des points forts de ce voyage au Vietnam. L’organisation caritative catholique a été refondée au Vietnam à la fin des années 1990. Ce rendez-vous avec Caritas faisait partie des objectifs annoncés par le président de la conférence épiscopale allemande. L’Eglise d’Allemagne a contribué largement au nouveau départ et au fonctionnement régulier de l’organisation sur tout le territoire du pays. Publiquement, le cardinal s’est félicité des nombreuses activités menées par cet organisme caritatif et a dit son espoir de le voir s’engager dans le domaine de l’éducation, de la santé, et de l’aide aux migrants.

(eda/jm)