Eglises d'Asie

Polémique sur la question du paiement de l’impôt par les membres du clergé

Publié le 23/03/2012




« En tant que membres du clergé, nous devons donner l’exemple en payant volontairement l’impôt sur le revenu », a déclaré, le 22 mars dernier, le Rév. Kim Chang-hyun, secrétaire exécutif du Conseil national des Eglises de Corée, (NCCK), organisation rassemblant les principales dénominations protestantes du pays. Assurant que les pasteurs protestants étaient prêts à se soumettre à l’imposition fiscale, le pasteur a toutefois précisé qu’il fallait que cela reste un choix personnel, traité au cas par cas, et non pas une mesure étendue à tous, la question complexe des revenus des religieux nécessitant qu’on lui accorde un statut particulier.

Le secrétaire du NCCK réagissait à l’intervention télévisée du ministre sud-coréen de la Stratégie et des Finances, Bahk Jae-wan Yoon, lequel avait déclaré lundi dernier que le gouvernement espérait amender prochainement l’actuelle législation afin de pouvoir assujettir le clergé des différentes religions de Corée à l’impôt sur le revenu. « En principe, les prêtres, les ministres du culte et les moines ne devraient pas être exemptés de payer l’impôt sur le revenu, avait affirmé le ministre, ajoutant que, par le passé, le pays avait été laxiste sur ce point mais qu’il était nécessaire à présent de changer les choses. »

En Corée du Sud, la loi ne prévoit pas d’imposer sur le revenu les membres des différents clergés, ni de soumettre les propriétés des églises et des temples à la taxe foncière. Cependant, les évêques, les prêtres et les religieux catholiques ont choisi de payer volontairement leurs impôts, depuis une décision de la Conférence des évêques catholiques sud-coréens en 1994, faisant suite à une campagne de l’Etat contre la corruption et l’opacité des comptes de certains organismes religieux. C’était la première fois qu’une communauté religieuse offrait de son plein gré de payer des impôts, et ce précédent avait provoqué d’importants remous au sein du clergé des autres institutions.

L’intervention de Bahk Jae-wan Yoon, le 19 mars dernier, a immédiatement suscité les réactions des différents responsables religieux des institutions qui n’avaient pas, comme l’Eglise catholique ou certaines communautés protestantes, pris officiellement parti sur le sujet et décidé de se soumettre à l’imposition. L’agence Ucanews rapporte ce vendredi 23 mars que l’association coréenne de communication ecclésiale, un organisme protestant, a publié une déclaration jeudi dernier affirmant « qu’il était plus que temps désormais de débattre rationnellement » de cette question. Présentant les différents points de vue des institutions religieuses concernées, le communiqué de l’association expliquait alors que, pour certaines d’entre elle, le fait de payer l’impôt sur le revenu leur apparaîssait comme un assujettissement à l’Etat mais aussi comme une assimilation « insultante de leur activité à un travail ordinaire ». Toujours selon l’association, les communautés qui, à l’inverse, y étaient favorables, pensaient que le paiement de l’impôt était un devoir pour tout citoyen et un moyen d’aider l’Etat et la nation.

Quant à l’ordre bouddhique Jogye, la plus importante dénomination bouddhiste du pays, il déclarait n’avoir pour le moment aucune position officielle sur la question.

En 2006, une polémique sur ce sujet très sensible en Corée du Sud, avait déjà éclaté, allant jusqu’à déclencher une action en justice. Un groupe de citoyens avait porté plainte pour négligence contre les services fiscaux, les accusant ne pas avoir exigé le paiement de l’impôt auprès de tous les membres du clergé. Arguant du fait qu’aucune loi ne prévoyait officiellement d’exemption pour les religieux ou les ministres de culte, ils avaient fait valoir que « cette pratique illégale devait être sanctionnée ».

A l’époque, la demande du collectif n’avait pas abouti et les différentes communautés religieuses, hormis les catholiques, s’étaient vigoureusement opposées à l’idée d’une imposition des membres du clergé. Elles avaient, entre autres, expliqué la difficulté de considérer les dons des fidèles comme un salaire et le fait que bien souvent, dans leurs oeuvres caritatives, les responsables religieux dépensaient plus qu’ils ne recevaient.

Mais, depuis 2006, l’opinion publique est devenue de plus en plus favorable à une extension de l’imposition fiscale aux religieux et ministres du culte. Dès le lendemain de la déclaration télévisée de Bahk Jae-wan Yoon, la plupart des quotidiens du pays ont affiché leur soutien à la proposition du ministre. Bon nombre d’entre eux rapportaient à cette occasion que le très sérieux Korea Institute for Religious Freedom avait effectué récemment un sondage sur la question, révélant que 65 % de la population était en faveur de la taxation des membres du clergé. Parmi les raisons invoquées par les personnes interrogées figuraient un certain nombre de scandales financiers, dont la dernière accusation de corruption portée à l’encontre de David Yonggi Cho, fondateur de l’Eglise Yoido du Plein Evangile (Yoido Full Gospel), la plus importante communauté évangélique du pays revendiquant un million de fidèles. Le pasteur, qui fait l’objet d’une enquête sur un détournement présumé de plusieurs milliards de wons depuis l’automne dernier, a fermement rejeté ces accusations, dénonçant une « campagne de diffamation ».

Craignant un emballement médiatique, la polémique enflant depuis son interview télévisée, le ministre de la Stratégie et des Finances vient de déclarer que la position officielle du gouvernement n’était pas encore fixée et que l’imposition du clergé n’était pas à l’ordre du jour.