Eglises d'Asie

L’Eglise catholique accuse les entreprises minières de mettre en danger les habitants de l’île de Florès et de détruire leur environnement

Publié le 12/05/2011




Le 8 mai dernier, des responsables catholiques et des militants écologistes ont demandé à ce que soit stoppée l’exploitation minière effrénée qui met en danger les habitants de l’île de Florès et des autres petites îles de la sonde, situées dans les provinces de Nusa Tenggara Est et Ouest.Avec une population très majoritairement catholique (à plus de 90 % dans certains districts), …

… Florès et les îles de la Sonde ont gardé de leur héritage colonial portugais des caractéristiques qui les différencient nettement du reste de l’archipel indonésien. C’est notamment avec le soutien de l’Eglise que depuis des années, les différentes ethnies aborigènes qui peuplent ces îles, luttent contre l’exploitation minière intensive qui détruit leur environnement naturel et met en péril leur survie.

Déjà en 2006, lors de la signature d’un contrat d’exploitation aurifère entre les autorités locales et  la compagnie P. T. Merukh Enterprise Cooper (MEC), les évêques du diocèse de Larantuka, (qui couvre la partie est de Florès et d’autres îles comme Lembata), avaient publié un communiqué afin de manifester leur opposition. Celle-ci n’avait cependant pas abouti, une trentaine de sociétés minières opérant déjà à Florès et Andreas Duli Manuk, chef du district de Lembata, ayant déclaré que son administration ne reviendrait pas sur le nouveau contrat ni sur les permis d’exploitation déjà délivrés.

Deux ans plus tard, en novembre 2008, les responsables catholiques du diocèse de Larantuka  revenaient à la charge, rapportant le bilan catastrophique de l’exploitation des mines sur la vie des habitants et leur environnement, réitérant que « l’activité minière ne répondait pas aux caractéristiques géologiques, topologiques et topographiques de Florès, de Lembata et des îles avoisinantes » ni « au contexte économique et socioculturel des populations locales, qui dépendent de l’agriculture et de la pêche pour leur subsistance ».

Aujourd’hui, dans une nouvelle tentative pour dénoncer les ravages de l’exploitation minière à Florès, les militants écologistes et les responsables catholiques révèlent une situation de dégradation de l’environnement en passe de devenir irréversible. Le P. Marselinus Agot, missionnaire de la société du Verbe divin et spécialiste reconnu de l’environnement, pense pour sa part, qu’il est déjà trop tard pour de nombreux sites qui ont été totalement détruits par l’extraction des gisements d’or et de manganèse, surtout dans les districts (kabupaten) du « pays manggarai ».

Parmi les différentes ethnies aborigènes vivant sur l’île de Florès, les Manggarai semblent en effet avoir été les plus touchés par les conséquences de l’exploitation minière, en particulier par  la pollution et la déforestation qui l’accompagnent. « A certains endroits, les gens n’ont même plus d’eau du tout parce que la forêt a entièrement disparu », rapporte le prêtre sexagénaire.

A Torong Besi, la mine de manganèse a dévoré des pans entiers de la forêt, pourtant située dans un parc naturel protégé, détruisant l’habitat multiséculaire des Manggarai et provoquant la disparition des sources et des cultures dont les aborigènes tiraient leur subsistance. L’entreprise qui gère le site, la PT Sumber Jaya Asia, avait vu sa demande rejetée en janvier 2009 par le Département des Forêts, pour non-conformité avec la loi indonésienne sur les zones forestières protégées (1999 Forestry Law). Mais deux mois plus tard, la compagnie obtenait une dérogation du tribunal de district et commençait l’exploitation du gisement. Aujourd’hui les nombreux Manggarai qui travaillent à la mine de manganèse de Torong Besi extraient le minerai sous un soleil accablant neuf heures par jour, avec pour seule protection, un masque et des gants, remplacés deux fois par mois.

Mais les risques de l’exposition prolongée au manganèse touchent également tous ceux qui vivent à proximité des mines. Dans le village de Kampung Sirise, la poussière de manganèse a recouvert comme un manteau toute la végétation qui entoure la gigantesque carrière à ciel ouvert. La pêche est devenue impossible en raison de la pollution qui se déverse dans les eaux côtières, les cultures ont disparu et la déforestation a tari toutes les sources, obligeant la population à se procurer de l’eau sur d’autres îles, par bateau. Les Manggarai qui résident près des carrières souffrent de graves troubles respiratoires et les enfants, particulièrement vulnérables à la toxicité de l’inhalation de particules de manganèse, développent les troubles moteurs et neurologiques qui caractérisent le manganisme (1).

Reléguant au second plan l’activité touristique qui était la ressource principale de Florès et des îles environnantes, le gouvernement a renforcé sa politique d’exploitation minière, s’inquiète encore le P. Agot qui rapporte que de nombreux sites naturels ont définitivement disparu comme celui de Batu Gosok, proche de la réserve du dragon de Komodo. Ce site, qui était il y a peu encore une destination touristique recherchée, est à l’heure actuelle complètement consacré à l’exploitation des mines d’or. Selon les militants écologistes, les autorités locales auraient falsifié les documents protégeant la zone de Batu Gosok afin de pouvoir accorder en 2008 un permis d’exploitation des gisements aurifères aux investisseurs chinois.

Aujourd’hui, les mêmes menaces pèsent sur l’île de Lembata à l’ouest de Florès, où les ethnies aborigènes Leragere et Kedang mènent un combat similaire contre leur gouvernement local qui envisage d’ouvrir une centaine de nouvelles mines d’or, de manganèse, de cuivre et de marbre. L’un de ces projets, dont le principal investisseur est la MEC, concerne un important gisement aurifère qui, selon la compagnie minière, serait « le troisième au monde ». L’exploitation de cette mine aurait pour conséquence le déplacement de force sur d’autres îles de 60 000 Leragere et Kedang vivant à Lembata. Les aborigènes manifestent plus que jamais leur opposition, refusant de quitter leurs villages, multipliant les cérémonies rituelles et les manifestations, ainsi que les affrontements avec les forces de l’ordre et les représentants de la compagnie minière (2).