Eglises d'Asie

La politique religieuse des autorités vietnamiennes à l’issue du XIIe Congrès du Parti

Publié le 03/03/2016




Depuis quelque temps déjà, un projet de loi « sur les croyances et la religion » est en attente dans les tiroirs du secrétariat de l’Assemblée nationale. Il sera débattu à partir du mois de septembre 2016 par les nouveaux députés issus des élections du mois de mai prochain. Ce projet a reçu un accueil très défavorable …

… des représentants des diverses religions, auxquels il a été soumis l’année dernière. La Conférence des évêques catholiques l’a pratiquement rejeté dans son intégralité. Quelques semaines après la fin du XIIe Congrès du Parti communiste vietnamien et le renouvellement partiel des membres du Bureau politique, on peut se demander quel est l’état d’esprit des actuels dirigeants à ce sujet. Des indications nous sont fournies par le rapport politique qui consigne les orientations politiques à venir ainsi que par les premières déclarations et interventions des responsables nouvellement promus.

Une politique religieuse inchangée

Au cours du congrès, le Comité central du Parti a, en principe, adopté le rapport politique. Pourtant, plus d’un mois après le congrès, le rapport définitif reste encore introuvable. On peut cependant raisonnablement penser que la version finale reprendra les éléments déjà contenus dans le projet (mis en ligne le 15 septembre 2015). On y trouve diverses allusions au phénomène religieux. Un court paragraphe est consacré à la politique gouvernementale en ce domaine :

« On continuera d’améliorer la politique et la législation concernant les croyances et la religion, à promouvoir les valeurs culturelles et morales élevées des religions. En créant les conditions appropriées, on fera en sorte que les organisations religieuses mènent des activités conformes à leur idéal et à leurs réglementations, celles qui ont été reconnues par l’Etat en fonction des dispositions de la loi.
En même temps, on devra faire œuvre de prévention et lutter résolument contre les activités utilisant les croyances et la religion pour ébranler et saboter le bloc de l’union nationale et contre les activités religieuses en infraction avec les dispositions de la loi. »

Comme on peut le voir, ce petit résumé des orientations religieuses du Parti pour le nouveau quinquennat n’apporte rien de nouveau. Il confirme, en son début, l’abandon par le Parti communiste vietnamien de la doctrine stricte du marxisme-léninisme en matière religieuse. Depuis 1990, la religion n’est plus un phénomène destiné à dépérir, mais un élément positif de la culture traditionnelle. Elle reste cependant une arme à double tranchant pouvant contribuer à l’édification sociale, mais aussi aux troubles et au sabotage de l’union nationale. Le passage sur la religion est succinct car, sans doute, les autorités n’ont pas voulu anticiper sur les débats qui auront lieu cette année même, à partir du mois de septembre, à l’Assemblée nationale, lors du vote de la future loi sur les croyances et la religion.

La paix entre les religions

A l’issue du congrès, après la réélection du secrétaire général, Nguyên Phu Trong, et du nouveau Bureau politique, plusieurs déclarations officielles ont abordé le problème religieux. Ce fut le cas lors de la réception par le gouvernement des hauts responsables religieux du pays au premier jour de l’année lunaire. Quelques semaines plus tard, Quôc Phong, le journal officiel de la Défense nationale, a publié un article d’une certaine ampleur traçant le rôle des religions au sein du développement national.

On s’attendait à de nouvelles informations sur les orientations religieuses des nouveaux dirigeants, le 4 février dernier, lors de la rencontre des hauts responsables des grandes religions du Vietnam avec le gouvernement, à l’occasion du Nouvel An lunaire. Ils ont été reçus par le Vice-Premier ministre, Nguyên Xuân Phuc, désormais à la seconde place au sein du Bureau politique et destiné à remplacer l’actuel Premier ministre, Nguyên Tân Dung, qui a donné sa démission lors du dernier congrès. En réalité, le futur chef du gouvernement n’a abordé aucune question sensible. Il n’a fait aucune allusion à la loi sur la religion. Convaincu de la justesse de la politique du Parti, il a attribué à celle-ci la paix régnant entre les religions au Vietnam, loin du terrorisme que font régner certaines religions en d’autres parties du monde.

« Edifier et défendre la patrie »

C’est dans une revue militaire que l’on trouve l’article plus détaillé sur la question religieuse, bien qu’elle ne fasse aucune allusion au projet de loi qui sera soumise à l’Assemblée nationale en septembre prochain. L’article paru le 27 février 2016 traite de la mission des communautés religieuses au sein de la communauté nationale. Il est publié par le journal de la Défense nationale. Le titre donné à l’article est significatif : « Les religions au Vietnam et leur mission : édifier et défendre la patrie ».

L’article commence par évaluer le poids du monde religieux vietnamien à l’intérieur de la stratégie politique de défense du pays (avec des allusions assez transparentes à la menace chinoise). Il commence par produire des statistiques qui ne correspondent pas aux statistiques officielles revendiquées par les religions en question.

Pour le journal de la Défense nationale, 30 millions de Vietnamiens, pour une population totale de plus de 90 millions, sont croyants, à savoir un tiers de la population. Le bouddhisme compterait plus de 10 millions d’adhérents, le catholicisme, plus de 6 millions, le protestantisme 1 million, la religion cao dai, 3 millions, le bouddhisme hoa hao, 4 millions, etc. Des statistiques, évidemment, difficilement contrôlables.

Selon l’auteur de l’article, le bon fonctionnement de cet ensemble disparate de communautés religieuses diverses et son intégration à l’intérieur de la société sont dues à la bonne gestion du Parti. L’article énumère les résolutions et directives du Comité central concernant la religion à partir de 1990. Les dernières directives citées sont extraites du rapport politique rédigé pour le XIIe Congrès du Parti.

Dans sa dernière partie, l’article passe en revue les divers services éducatifs, sociaux, caritatifs, rendus à la société par les organisations religieuses. On y trouve une longue liste des établissements tenus par les communautés religieuses. Par exemple, dans le domaine éducatif, en octobre 2014, il y avait 270 écoles maternelles privées et plusieurs centaines de classes enfantines. Ces institutions privées accueillent environ 125 000 jeunes enfants, c’est-à-dire 3 % des jeunes enfants de cet âge.

(eda/jm)