Eglises d'Asie

Décès du P. Matthieu Vu Khoi Phung, figure marquante de la congrégation des rédemptoristes au Vietnam

Publié le 08/03/2016




Le décès du religieux rédemptoriste, le P. Matthieu Vu Khoi Phung, le 3 mars 2016, à l’âge de 73 ans, a suscité une grande émotion au sein des milieux catholiques du Nord et du Sud du pays, ainsi que chez les nombreux non-chrétiens admiratifs de son action.

Le jour même de sa mort, on a pu voir l’archevêque émérite de Hanoi, Mgr Ngô Quang Kiêt, aujourd’hui retiré au monastère cistercien de Chau Son, de nombreux évêques de la province ecclésiastique de Hanoi, ainsi que de nombreuses personnalités religieuses venir se recueillir auprès de sa dépouille. Sa présence à Thai Ha, à la fois couvent des religieux rédemptoristes et paroisse de la ville de Hanoi au cours des années difficiles, l’avait fait connaître, lui et son attitude courageuse, à la population catholique. Ses obsèques ont été célébrées le 6 mars dans la paroisse rédemptoriste.

Exode vers le Sud

Matthieu Vu Khoi Phong est né dans une famille de notables catholiques dans le diocèse de Thanh Hoa en novembre 1940. Lors de l’exode de 1954 qui verra des centaines de milliers de catholiques du Nord s’exiler vers le Sud, il est en train de poursuivre des études secondaires chez les religieux rédemptoristes de Hanoi, dans leur maison principale de Thai Ha, dont il deviendra plus tard le supérieur. Avec ses professeurs et leurs élèves, il se déplace, lui aussi, vers le sud.

Il continue ses humanités dans diverses maisons rédemptoristes du Sud-Vietnam. En 1962, il obtient le baccalauréat du programme français. Ces études en vue du sacerdoce se déroulent ensuite à Huê, Nhatrang et Dalat, jusqu’en 1970, date à laquelle il est ordonné prêtre. Dès ses premières années de sacerdoce, des responsabilités importantes lui sont confiées, notamment au sein de la rédaction d’une revue très connue, dirigée par les rédemptoristes, Notre-Dame du perpétuel secours. Peu de temps après, l’histoire du Vietnam changea de cours avec l’unification forcée du pays sous le régime communiste.

Une attitude ferme et sans ambiguïté face aux autorités civiles

Il est très rapidement apprécié de ses pairs, car, dès 1978, il occupera, et cela jusqu’à sa mort, des postes de responsabilité au sein de sa congrégation. Que l’on en juge par les diverses responsabilités qu’il assume : en 1975, il est déjà conseiller permanent pour la province du Vietnam ; de 1978 à 1984, il est vice-provincial ; en 1999, il est encore nommé vice-provincial. C’est un 2008 qu’il est affecté à Thai Ha, à la fois comme supérieur de la communauté religieuse des rédemptoristes et curé de l’importance paroisse qui s’y rattache. C’est surtout à cette époque qu’il va se faire connaître du public par son attitude ferme et sans ambiguïté au cours d’une crise aiguë qui opposera sa communauté ainsi que l’archevêque de Hanoi aux autorités civiles.

Les premières protestations, sous forme de processions religieuses, avaient eu lieu près de l’archevêché. A la mi-décembre 2007, les fidèles de la cathédrale, invités par leur archevêque, Mgr Ngô Quang Kiêt, avaient manifesté devant les portes de l’ancienne Délégation apostolique, propriété spoliée par l’Etat après 1954. Le 5 janvier suivant, les fidèles de la paroisse rédemptoriste de Thai Ha venaient, eux aussi, en procession prier devant un terrain appartenant à la communauté rédemptoriste, confisqué par l’Etat, protestant ainsi contre les travaux que venait d’y entamer une entreprise industrielle. Les événements vont ensuite se succéder : rappel à l’ordre par les autorités civiles, convocation des responsables de la paroisse auprès de la municipalité, etc. Le 15 août, les fidèles pénètrent dans la partie confisquée par le gouvernement en abattant un pan de mur. Huit fidèles sont arrêtés.

Un pasteur en tête de ses brebis

Au début du mois de décembre de l’année 2008, les familles des prisonniers reçoivent la visite de l’archevêque. Un procès a lieu le 8 décembre. Cinq cents religieux et fidèles de Thai Ha traversent la ville à pied et vont se poster aux portes du tribunal populaire pendant le procès. Les huit accusés sont condamnés à des peines de prison, peines qui seront confirmées en appel.

Cette période n’est qu’un épisode parmi d’autres de la vie du P. Phung qui a toujours considéré que son devoir de pasteur était accompagner son troupeau, quelles que soient les épreuves que celui-ci rencontrait. Il s’est toujours placé en tête des manifestations et des confrontations avec les pouvoirs publics.

(eda/jm)