Eglises d'Asie – Divers Horizons
Ordinations pour les Missions Etrangères de Paris : « affirmer une vision missionnaire forte »
Publié le 17/12/2015
… ordinations ne sont pas en soi exceptionnelles, elles sont l’occasion pour les responsables de la cette société missionnaire fondée en 1658 de rappeler le caractère propre de la vocation missionnaire.
Brice Testu et Barthélémy Loustalan, tous deux âgés de 31 ans, ont un profil en apparence très semblable à celui de beaucoup des séminaristes de l’Eglise de France. Barthélémy Loustalan a suivi des études de droit avant de partir un an en mission humanitaire à Madagascar et de faire ensuite le choix de frapper à la porte des MEP, qui l’ont envoyé faire son séminaire aux Carmes (Paris) puis à Rome. Brice Testu quant à lui, une fois son diplôme d’ingénieur en poche, a fait son séminaire à Paris puis à Lyon ; pour son année de stage pastoral, il s’est adressé aux Missions Etrangères de Paris, qui lui ont proposé de partir un an au Laos, et c’est à son retour en France, séminariste à Lyon, qu’il est entré aux Missions Etrangères de Paris.
Là où leurs parcours respectifs se distinguent de celui des autres séminaristes de France, c’est dans l’engagement qu’ils prennent en intégrant la Société des Missions Etrangères de Paris. Conformément aux « Monita ad Missionarios » (‘Instructions aux missionnaires’) de 1664, les prêtres des MEP, s’ils demeurent des prêtres séculiers et ne prononcent pas de vœux (contrairement aux prêtres religieux), partent ad vitam, ad extra et ad gentes, c’est-à-dire à vie, au sein d’une culture étrangère et auprès des non-chrétiens. Le moment qui marque l’entrée dans le ministère ordonné, celui de l’ordination diaconale, est aussi celui où, à l’issue de la messe d’ordination, le supérieur général des MEP annonce au nouveau diacre « sa destination », le pays vers lequel il sera envoyé et qui deviendra désormais le sien à vie. Pour Barthélémy Loustalan, ordonné diacre l’an dernier, la destination est le Japon ; pour Brice Testu, le suspens et l’attente dureront jusqu’au samedi 19 décembre, lorsqu’à l’issue de la messe d’ordination, le P. Georges Colomb, supérieur général des MEP, lui fera connaître le pays où il sera envoyé (1).
A la question maintes fois posée de savoir pourquoi de jeunes prêtres français choisissent de partir au loin en Asie alors que l’Eglise en France manque de vocations sacerdotales, le P. Alain Bourdery, responsable des séminaristes MEP, répond par « le caractère propre de la vocation missionnaire ». « La vocation missionnaire s’enracine dans l’incarnation du Christ : tout comme le Christ s’est incarné dans l’humanité en épousant une culture particulière, le missionnaire est appelé à faire le don de sa personne en faisant sienne une culture particulière, autre que sa culture d’origine », précise le P. Bourdery, missionnaire en Thaïlande, rappelé à Paris pour siéger au Conseil des MEP. Tout comme la vocation apostolique ou la vocation contemplative, la vocation missionnaire répond à un appel particulier.
Si les prêtres des MEP partent à vie, ce n’est pas uniquement parce que l’apprentissage de l’une ou l’autre des langues asiatiques est une œuvre de longue haleine, mais parce que ce « don total et sans retour » à un peuple dont le jeune missionnaire devra tout apprendre présente un caractère de radicalité propre à la vocation missionnaire. « Le moment de l’ordination diaconale a donc une importance immense. Ce n’est pas une simple nomination. Le jeune diacre reçoit la destination qu’il va devoir faire sienne pour la vie, et c’est bien pour cela que la destination ne se choisit pas, elle est reçue dans la foi », ajoute encore le P. Bourdery.
Les missionnaires MEP étant majoritairement issus des diocèses de France, la Société des MEP est à l’image de l’Eglise de France ; comme elle, elle connaît la crise des vocations et les ordinations de ce dimanche ne suffiront pas à combler les vides laissés par leurs aînés. Pour autant, les séminaristes MEP sont relativement nombreux : si aujourd’hui les MEP comptent 200 membres, les séminaristes MEP sont au nombre de 25 – dont six nouvelles entrées cette année. En comptant les prêtres qui préparent un doctorat ou une licence canonique en dehors du cycle des séminaires, ce sont 29 jeunes MEP qui sont actuellement en formation.
Responsable des vocations, le P. Aymeric de Salvert souligne que les jeunes qui frappent à la porte des MEP ne peuvent être aisément « catégorisés ». Certes, ils sont plutôt diplômés et ont voyagé avant d’entendre cet appel à devenir missionnaire, mais les points communs s’arrêtent là tant les cheminements sont variés. « Ce que nous leur disons, c’est que la vocation missionnaire aux MEP est exigeante dans le sens où il y a une quasi certitude qu’une fois envoyés en Asie ou à Madagascar, ils ne vivront pas en communauté de prêtres MEP. Ils seront éventuellement en communauté, mais ce sera au sein de la communauté du presbyterium local auprès duquel ils seront envoyés », précise le missionnaire, qui lui-même a été envoyé au Japon avant de revenir à Paris il y a trois ans prendre en charge les vocations MEP.
Dans l’immense Asie où les catholiques sont minoritaires mais où l’Eglise est structurée et compte, dans plusieurs pays, de nombreuses vocations, où sont envoyés les jeunes prêtres MEP ? Une réponse rapide serait là où les régimes en place les autorisent à venir. Nombreux en effet sont les pays qui n’accordent pas de visa missionnaire. Les pays devenus communistes ont expulsé les missionnaires étrangers et ne tiennent pas vraiment à rouvrir leurs portes. Les pays à majorité musulmane ne sont pas plus ouverts. Et d’autres pays, tels l’Inde, au nom d’une certaine idée du nationalisme, ont eux aussi fermés leurs frontières aux missionnaires. Ne restent guère que le Japon, la Corée du Sud, Taiwan, la Thaïlande, Singapour, le Cambodge depuis les années 1990, à accorder sans difficulté des visas missionnaires.
Mais, affirme le P. Colomb, supérieur général : la Société des MEP « ne se laisse pas arrêter par les difficultés et souhaite affirmer une vision missionnaire forte ». Des pays qui encore récemment étaient tenus pour inaccessibles se rouvrent petit à petit (c’est le cas par exemple de la Birmanie). Que ce soit via Taiwan ou Hongkong, la Société reste très attentive au monde chinois. Ailleurs, souligne encore le P. Colomb, des évolutions missionnaires importantes se dessinent : en Inde par exemple, pays où les MEP ont été historiquement présents dans la moitié sud, les jeunes MEP récemment nommés l’ont été pour le nord du pays, terre que l’Eglise de l’Inde, fortement implantée au Kerala ou au Tamil Nadu mais beaucoup plus marginale dans la moitié nord du pays, qualifie elle-même de territoire missionnaire. Le P. Colomb affirme : « Il faut relever les défis sans attendre une autorisation d’entrée des gouvernants ! Nos aînés n’étaient pas des fonctionnaires, ils furent bien souvent des martyrs. Le défi de la mission dans les régimes totalitaires, le défi de la pauvreté, le défi du dialogue interreligieux doivent être assumés par notre institut missionnaire. »
Enfin, même si les Eglises locales en Asie sont fermement implantées, elles ressentent aujourd’hui un besoin important en matière de formation, notamment dans les pays qui ont vécu une fermeture forcée du fait du communisme. Là comme ailleurs, les MEP n’envoient des missionnaires qu’en réponse à une demande des évêques locaux, mais la demande est forte, et des ouvertures se précisent du côté du Laos et du Vietnam notamment. Pour y répondre, précise encore le P. Colomb, la Société des MEP veille à ce que plusieurs de ses séminaristes et jeunes prêtres poursuivent leurs études jusqu’au stade de la licence canonique ou du doctorat.
14 sept. 2014, parvis de la cathédrale Notre-Dame de Paris : après l’ordination diaconale de (en partant de la gauche) Cyrille Delort (du diocèse de Laval, envoyé en Birmanie), Barthélémy Loustalan (du diocèse de Bordeaux, envoyé au Japon), Pierre de la Bigne (du diocèse de Versailles, envoyé à Taiwan).
DR
(eda/ra)