Eglises d'Asie

Des évêques catholiques s’élèvent contre la multiplication des opérations minières dans le pays

Publié le 23/09/2011




« C’est ajouter l’insulte à la blessure », s’est insurgé Mgr Pedro Arigo, vicaire apostolique de Puerto Princesa, en réagissant, le 22 septembre dernier, à l’annonce par le gouvernement philippin de la signature de quatre accords miniers avec des intérêts chinois, pour un montant total de 14 milliards de dollars.

Dans la province de Palawan, l’économie est principalement agricole et forestière. Les eaux qui baignent cette longue île du flanc ouest de l’archipel philippin sont connues pour être propices aux huîtres perlières et riches en ressources halieutiques, près de la moitié des poissons consommés à Manille provenant de cette région. Depuis plusieurs années, le tourisme y connaît un fort développement. La province abrite par ailleurs les seules réserves connues d’hydrocarbures du pays, de gaz naturel notamment. Depuis peu, c’est toutefois un autre secteur de l’économie qui concentre l’attention. D’importants gisements de nickel ont en effet été découvert à Brooke’s Point, dans la partie sud-ouest de l’île et de vives tensions entourent les projets d’exploitation de ces gisements.

Deux militants engagés auprès des populations locales qui refusent l’ouverture de mines sur leurs terres ont été assassinés, l’un en janvier dernier, le Dr Gerry Ortega, et l’autre il y a quelques jours, Rabenio Sungit, un chef de communauté aborigène. Ce dernier a été abattu en plein jour sur la place d’un marché de Quezon City, à Palawan. Membre de l’Eglise unifiée du Christ des Philippines (United Church of Christ in the Philippines – UCCP), importante dénomination protestante, Rabenio Sungit « prenait la défense des droits des peuples indigènes et se battait contre l’emprise des grandes compagnies minières sur leur territoire », a témoigné Mgr Elmer Bolocon, chef de l’UCCP, qui a appelé les autorités à faire la lumière sur cet assassinat.

C’est au nom de ces deux militants assassinés que, le 22 septembre, Mgr Arigo s’est insurgé. Selon lui, la signature des accords miniers entre le gouvernement et des sociétés chinoises représente « une gifle assénée aux habitants de Palawan en lutte contre l’exploitation irresponsable des mines ». Sur les ondes de Radio Veritas, l’évêque de Palawan a expliqué qu’en matière d’exploitation minière, le gouvernement ne prenait en compte que les intérêts des grandes sociétés et négligeait « le bien-être des populations ». Il a poursuivi en détaillant les dégâts environnementaux causés dans son île par les mines en activité, dont les conséquences pèsent directement sur les agriculteurs et les pêcheurs. « Les dirigeants de ces sociétés parlent toujours d’activités minières ‘responsables’ ou ‘durables’, mais nous ne voyons rien de cela à Palawan, sinon des actions destructrices pour l’environnement et le gagne-pain des habitants », a encore déclaré l’évêque, en concluant que le gouvernement ne tenait aucun compte de l’avis des populations, exprimé pourtant par voie de pétition.

Les accords signés entre le gouvernement philippin et des sociétés chinoises lors du récent voyage du président Benigno Aquino en Chine concernent notamment l’extraction annuelle d’un million de tonnes de minerai de nickel à Palawan ainsi que l’exploitation d’autres mines dans la province de Zambales, sur l’île de Luçon. La société chinoise Jinchuan Group, avec son partenaire philippin MacroAsia, a prévu de commencer l’extraction du minerai « d’ici six à neuf mois » sur la mine d’Infanta, située sur Brooke’s Point, une concession portant sur un domaine de 1 113 hectares pour une durée de dix ans. Selon Ramon Santos, président des opérations minières de MacroAsia, le projet pourra démarrer « dès que la Commission nationale pour les peuples indigènes aura donné son feu vert » – ce qui, selon lui, ne devrait pas poser de difficulté.

Face à l’envolée des cours mondiaux des matières premières et aux appétits que suscitent les pays qui détiennent des réserves minières (à Palawan, outre des intérêts chinois, des capitaux canadiens et japonais sont présents), des voix s’élèvent aux Philippines pour demander une révision de la politique gouvernementale. En effet, l’administration a récemment dévoilé un plan visant à placer sous le contrôle du gouvernement central tous les anciens sites miniers actuellement fermés. Pour certains, ce plan vise en réalité à favoriser la réouverture de mines aujourd’hui abandonnées mais que la hausse des cours mondiaux pourrait rendre à nouveau profitable. Des évêques catholiques, dont Mgr Pedro Arigo, ont décidé d’apporter leur soutien à ceux qui critiquent la politique minière de Manille. En lien avec des responsables d’Eglises protestantes, ils ont annoncé la tenue d’un forum de trois jours, du 4 au 7 octobre prochain, pour dénoncer les dangers d’une activité minière incontrôlée.

Sur Radio Veritas, le 14 septembre, Mgr Arturo Bastes, évêque du diocèse catholique de Sorsogon, à la pointe Sud de Luçon, a pris pour exemple une mine exploitée dans sa région, à Matnog, par des intérêts chinois. « On nous avait annoncé que l’opération serait de taille modeste. En réalité, c’est devenu une mine considérable et ce qui est extrait est envoyé directement en Chine », a expliqué l’évêque, en précisant que les bateaux en partance pour la Chine étaient chargés de « terres rares », ces minerais dont on tire des métaux stratégiques pour nombre d’industries de pointe et pour lesquels la Chine a aujourd’hui un quasi-monopole mondial. « La mine de Matnog est le fruit d’un partenariat ‘public-privé’ du président Aquino et le résultat qui en découle est la destruction de notre environnement », a dénoncé à l’antenne l’évêque de Sorsogon.