Eglises d'Asie

Une « Porte Sainte » insolite qui rejoint la jeunesse délaissée de Séoul

Publié le 01/04/2016




« Quittez vos belles et agréables églises et allez à la rencontre des dangereuses périphéries de l’humanité. Partez à la recherche des pécheurs, des rejetés, des plus marginalisés de nos sociétés et apportez-leur la miséricorde de Dieu. »

Cet appel du pape François, le P. Vincenze Bordo, missionnaire italien OMI (Oblat de Marie Immaculée), en Corée du Sud depuis 26 ans, l’a reçu en plein cœur. En 2015, il décide donc de quitter « son confortable centre d’accueil pour SDF », qui sert plus de 500 repas chaque jour, à Séoul. Après avoir acheté un bus, il part avec quelques volontaires, dans les quartiers les plus malfamés de la périphérie de Séoul, dont celui de la « Dolce Vita », à la rencontre de ces quelque 250 000 enfants et adolescents qui vivent dans les rues de la périphérie de Séoul, livrés au trafic et à la misère, après avoir fui la violence de leur cellule familiale ou de leur foyer.

« Une Porte Sainte » là où la misère abonde

En cette année de la Miséricorde, où chaque diocèse du monde entier a ouvert une ou plusieurs Portes Saintes afin qu’un grand nombre de personnes puissent recevoir le pardon et la compassion de Dieu, la porte automatique du bus AGIT – acronyme coréen qui signifie « Le bus qui prend soin des jeunes » -, est devenue « Porte sainte de la miséricorde avec l’accord de l’archevêque de Séoul », a confié le P. Bordo, à ses confrères missionnaires.
 

« Ainsi nos jeunes qui le souhaitent peuvent franchir la porte de notre bus et recevoir les indulgences jubilaires. Quiconque franchit cette « Porte Sainte » est également invité à pratiquer la miséricorde avec les personnes que nous rencontrons dans les rues. C’est une porte qui a vocation à rendre saint ceux qui la franchissent ! », se réjouit le P. Bordo.

La rude vie de cette jeunesse abandonnée

Trois fois par semaine, entre 19h et 2h du matin, le missionnaire et les volontaires d’AGIT partent à la rencontre de ces jeunes enfants qui errent dans les rues, afin de leur apporter secours, écoute et réconfort, en plus d’une aide alimentaire et vestimentaire. La plupart d’entre eux ont fui la violence domestique ou différentes formes d’abus, et préfèrent affronter la dureté de la vie dans la rue, plutôt que d’aller dans des centres d’hébergement.

Pour survivre, ils trouvent un emploi précaire pour quelques semaines, souvent dans les réseaux des boîtes de nuit, des jeux de hasard ou de trafic de drogues. Certains d’entre eux finissent entre les mains des réseaux de prostitution ou de banditisme.

« Mon père a abandonné ma mère, mon frère et moi, quand j’étais encore très jeune. Comme maman devait travailler pour nous élever, je passais mes semaines dans un internat. J’y ai vécu jusqu’à l’âge de 16 ans, puis je me suis échappé car la vie était trop rude, parfois j’étais frappé par des plus grands », confie Lee Hyun, 18 ans, qui, pendant un an, a survécu dans les quartiers malfamés de la banlieue de Séoul, jusqu’à ce qu’il rencontre ses amis du « bus qui prend soin des jeunes ». « Ils m’ont accueilli, écouté, aidé, puis ensuite j’ai intégré le foyer pour garçon, où j’ai repris les cours. Cette année, je vais passer un examen, et ensuite je chercherai un emploi », se réjouit Lee.

Une jeunesse en marche vers l’Espérance ?

Au sein de « la Maison d’Anne », le P. Bordo a créé plusieurs structures d’accueil, qui vont du centre d’accueil pour sans-abri – repas, soins médicaux et soins psychiatriques – aux foyers d’éducation et d’hébergement pour jeunes, où ils reçoivent également un accompagnement personnel et spirituel.

« Notre mission s’inscrit dans les pas de Jésus qui a osé quitter les 99 brebis du troupeau pour aller retrouver la brebis égarée dans les dangereux rochers de la montagne », confie le missionnaire italien. « Ce bus c’est notre jubilé… Il n’est pas fait de prières récitées dans une agréable église embaumée d’encens, mais d’un quotidien vécu auprès des plus délaissés, où le travail et les actes de miséricorde sont posés dans un environnement dangereux et inhumain. N’est-ce pas l’esprit du pape François, ce à quoi il nous invite et ce qu’il fait lui-même lors de ses voyages apostoliques ? », interpelle le missionnaire, avant de conclure : « Le christianisme n’est pas une charmante et belle morale à pratiquer ou une série de prières à réciter ; c’est une personne vivante et présente parmi nous : Jésus- Christ, une personne à aimer et à suivre sur le chemin de l’amour miséricordieux, dans les méandres de nos vie. »

(eda/nfb)