Eglises d'Asie

Malgré de fortes tensions internationales, une délégation étrangère ira soigner des Nord-Coréens atteints de la tuberculose

Publié le 07/04/2016




Malgré les fortes sanctions internationales prises contre la Corée du Nord, depuis quelques semaines, la Fondation Eugene Bell (FEB) a prévu de se rendre dans le pays, du 19 avril au 10 mai prochain pour soigner les Nord-Coréens atteints de la tuberculose. Fin mars déjà, …

… malgré un contexte très tendu entre les deux Corée, qui empêchait tout acheminement humanitaire, l’ONG avait finalement réussi à envoyer des médicaments, évitant de justesse une pénurie qui aurait pu être fatale à des milliers de malades nord-coréens atteints de la tuberculose.

Deux fois par an, depuis une vingtaine d’années, une équipe de la FEB se rend en effet dans les 12 dispensaires nord-coréens qu’elle a créés sur place, afin de soigner les malades contagieux, et approvisionner les dispensaires en médicaments.

 

Un contexte international tendu

Le 6 janvier dernier, La Corée du Nord, après avoir menacé à plusieurs reprises de frapper la Corée du Sud et les Etats-Unis, avait effectué un quatrième essai nucléaire, suivi, un mois plus tard, d’un tir de fusée, mettant en alerte la communauté internationale, et particulièrement les Etats Unis et ses voisins proches, Corée du Sud et Japon.

Le Conseil de sécurité de l’Onu avait alors adopté des sanctions multilatérales contre Pyongyang. Les Etats-Unis avaient pris des mesures sévères, respectant le principe d’exception générale de l’aide humanitaire dans l’embargo, contrairement à Séoul qui ne permettait plus l’acheminement humanitaire vers Pyongyang.

Début mars, la fondation Eugene Bell avait tiré la sonnette d’alarme, car pendant plusieurs semaines, l’embargo avait rendu impossible tout acheminement de médicaments vers la Corée du Nord, la Fondation, ne pouvant plus obtenir d’autorisation officielle sud-coréenne.

Le 5 avril, c’est le principal allié de Pyongyang, la Chine, qui a durci le ton. Dans le cadre de la résolution des Nations-Unies, elle a elle-même interdit les exportations chinoises de produits pétroliers et les importations nord-coréennes d’or et de terres rares, le secteur minier étant un des seuls piliers de l’économie nord-coréenne.

 

Une situation humanitaire qui s’aggrave

Selon la fondation Eugene Bell, la situation actuelle de tension internationale avec la Corée du Nord menace la vie de plus de 1 500 patients atteints de la tuberculose multi-résistante (Super-TB), car ces patients nécessitent un traitement spécifique qui ne peut être interrompu plus de deux semaines, faute de voir la maladie récidiver et leur être fatal. Or, aujourd’hui, les 12 centres de soins de la FEB en Corée du Nord, risquent de se retrouver en situation de pénurie de médicaments, s’il n’y a pas d’acheminement supplémentaire, d’ici la fin avril.

Selon l’OMS, la Corée du Nord détient un des taux les plus exorbitants au monde de personnes atteintes par la tuberculose : 442 personnes infectées pour 100 000 habitants. En Birmanie et au Cambodge, les deux pays les plus pauvres d’Asie après la Corée du Nord, les taux sont huit fois moins élevés : 53/100 000 en Birmanie et 51/100 000 au Cambodge.

De plus, certaines bactéries de la tuberculose, présentes dans le pays, sont devenues résistantes aux principaux antibiotiques, ce qui nécessite un traitement médical plus lourd et plus long pouvant atteindre deux ans. Une alimentation déficiente, comme c’est le cas en Corée du Nord entraîne également des risques de récidives accrues de l’infection.

 

L’action de la fondation Eugene Bell

Lors de ses expéditions, la fondation part en général pour une durée de trois semaines. Elle emmène avec elle, un lourd équipement médical et technique, qui permet à l’équipe soignante de réaliser des radios pulmonaires, de faire des tests biologiques sur des échantillons de sécrétions pulmonaires et ainsi de pouvoir proposer un traitement adapté à la pathologie du patient.

Avant que les consultations médicales ne puissent débuter, l’installation matérielle du matériel requiert à elle-seule une journée entière de travail, et ce pour chacun des 12 dispensaires.

 

Un missionnaire parmi la délégation

Parmi les membres de cette délégation, tous ne sont pas médecins. Le P. Jerry Hamond, prêtre américain des Maryknolls, en mission en Corée du Sud depuis plus de 50 ans, fait partie de cette délégation depuis 1994, année où une grande famine s’est abattue sur le pays, après plusieurs années de sécheresse. « Lors de ma première visite en Corée du Nord, la priorité était de distribuer de la nourriture. Puis, ensuite, les expéditions sont devenues médicales », raconte le missionnaire octogénaire à l’agence Ucanews.

Pour lui, ces séjours auprès des malades nord-coréens sont humainement très intenses. « Vous êtes à l’écoute de la toux d’un patient qui est faible et a peur. Aucun mot n’est permis. Vous lui donnez un verre d’eau et prélevez un échantillon de sécrétions pulmonaires, c’est le moment le plus contagieux de l’examen médical », explique le missionnaire.

« Dans nos dispensaires, nous arrivons à guérir définitivement 70 % des malades, alors que le taux moyen de guérison dans le pays est de 48% », précise avec une pointe de fierté le P. Hamond. « C’est d’ailleurs pour cette raison que les autorités nord-coréennes continuent de nous laisser entrer sur son territoire. »

Pour ce missionnaire, chaque séjour en Corée du Nord, est également un temps spirituel fort. « Lorsque je viens en Corée du Nord, à chaque fois, je prie et vénère les martyrs catholiques qui ont donné leur vie ici, dont Mgr Patrick Byrne, un confrère qui a péri en 1950 entre les mains des communistes nord-coréens. Aujourd’hui, en apportant des médicaments qui sauvent la vie des Nord-Coréens, en les soignant, j’apporte une autre forme discrète de témoignage », confie-t-il.

Selon les statistiques de Pyongyang, 3 000 catholiques « pratiqueraient librement leur foi », sous la tutelle de l’Association catholique coréenne, entièrement contrôlée par le régime, et en l’absence de tout clergé. Pour les Nations Unies, ils ne seraient que 800, des statistiques impossibles à recouper compte tenu des circonstances politiques.

(eda/nfb)