Eglises d'Asie

Les Philippines et Laudato si’

Publié le 23/12/2015




Alors que les Philippines ont annoncé, lors de la Conférence de Paris (COP21), une réduction très ambitieuse de leurs émissions de CO2 (- 70 % d’ici à 2030), les évêques catholiques du pays ont publié, le 18 décembre dernier, un communiqué pour dire leur « opposition à la construction de nouvelles …

… centrales thermiques fonctionnant au charbon » et leur volonté de « contrôler les permis accordés par le gouvernement pour l’ouverture des mines de charbon ».

On pourrait donc a priori penser que le pouvoir politique et la Conférence épiscopale sont d’accord pour contrôler les émissions de dioxyde de carbone du pays. A y regarder de plus près, il semble que cette affirmation doive être nuancée.

Depuis le vote en 2008 de la Renewable Energy Law, la volonté affichée du gouvernement est d’orienter les Philippines vers une économie verte. La loi encourage le développement des énergies renouvelables et le ministère de l’Energie (Department of Energy) affirme que celles-ci comptent déjà pour plus d’un tiers de l’offre nationale d’énergie. Pourtant, notent les militants écologistes, les engagements pris par les Philippines à la COP21 ne spécifient pas clairement l’abandon des centrales à charbon, source importante d’émission de carbone. Selon le Philippine Movement for Climate Justice, depuis l’arrivée au pouvoir du président Benigno Aquino III, en 2010, les autorités ont délivré des permis pour 59 nouvelles centrales électriques fonctionnant au charbon ainsi que pour l’ouverture de 118 mines de charbon. Des permis pensés pour venir soulager les 14 centrales au charbon existantes et augmenter la production d’électricité d’un pays notoirement handicapé par des fréquentes coupures de courant.

Dans leur communiqué du 18 décembre, les évêques expliquent que « le droit à un environnement écologique sain est un droit de l’homme, un droit qui doit être défendu avec la même détermination que celle que nous mettons en œuvre pour défendre les autres droits de l’homme ». Un fait doit être souligné avec insistance, affirment-ils encore : « Bien souvent, ce sont les pauvres qui paient le prix de la prospérité dont jouissent les riches. »

Dans ce contexte, quelles relations entretiennent les Philippins avec leur environnement ? L’Eglise des Philippines a-t-elle été un précurseur dans la défense de l’environnement ? Quelle écologie met-elle en avant et défend-elle ? Pour quel(s) résultat(s) ?

Eléments de réponse avec le P. Daniel S. Sormani, auteur du présent texte, paru dans la revue Spiritus (n° 221, décembre 2015, pp. 391-400), sous le titre « Redécouvrir nos liens réciproques – Les Philippines et Laudato si’ ».

Originaire des Etats-Unis, le P. Daniel S. Sormani est membre du groupe spiritain depuis son arrivée aux Philippines il y a environ quinze ans. Il travaille aujourd’hui à la formation des jeunes prêtres spiritains originaires de l’archipel, à Quezon City, tout en enseignant la théologie à l’Université Ateneo de Manila. Cet article est traduit de l’anglais.

Redécouvrir nos liens réciproques – Les Philippines et Laudato si’

par le P. Daniel S. Sormani

 

Lupa, laot, langit ay magkaugnay
Hayop, halaman, tao ay magkaugnay
Ang lahat ng bagay ay makaugnay
Magkaugnay ang lahat

Terre, mer, ciel sont reliés
Animaux, plantes, humains sont reliés
Tous les êtres sont reliés
En dépendance réciproque, tous

 

Rien d’étonnant à ce que le chanteur-compositeur philippin Joey Ayala ait repris une telle symbolique traditionnelle locale dans sa chanson populaire écrite en 1991 : Magkaugnay (Mutuellement reliés (1)). En 2002, le père franciscain Prisco A. Cajes donne à l’interdépendance entre tous les éléments de la création – telle qu’elle est perçue dans la foi traditionnelle philippine et dans la théologie catholique – le statut d’une question théologique clé et la propose comme base pour une éco-théologie philippine et chrétienne de la nature. Pour le P. Cajes et tant d’autres, la crise écologique, où qu’elle soit, a sa source dans la perte du lien réciproque entre les humains et le reste du monde naturel (2).

Selon le système indigène philippin de croyances, le monde naturel est la demeure à la fois des humains et des esprits. Bathala, le dieu suprême des Tagalogs, est traditionnellement symbolisé par le soleil. Parmi les autres dieux et déesses : la lune, les étoiles, les arbres, les rochers, les montagnes, les arbustes, ainsi que des phénomènes tels que le vent, le tonnerre et le feu. Dans certaines régions, divers animaux sont considérés comme sacrés, tels serpents et crocodiles. En zone rurale, des coutumes anciennes restent vivaces : demander pardon aux arbres avant de se soulager ou d’avoir à les couper, implorer les excuses des esprits de la forêt lorsque l’on passe par là (3).

Appelés à dominer la création… ?

Comment s’est passée la confrontation des Philippines avec la modernité, impliquant de passer d’une croyance traditionnelle fondée sur l’interdépendance globale dans la nature – où les humains sont inclus et non situés à côté ou au-delà d’elle – à une conception erronée selon laquelle l’humanité est « aux commandes » de la nature et autorisée à s’en servir à sa guise ? Bien des difficultés viennent d’un malentendu à propos de Gn 1, 28 « Dieu les bénit et leur dit : Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre et dominez-la. Soumettez les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et toute bête qui remue sur la terre ! »

Sean McDonah, prêtre irlandais de la Société missionnaire de Saint-Colomban, qui a travaillé plus de vingt ans sur l’île méridionale de Mindanao, a été témoin des ravages vengeurs de la déforestation sur les habitants de l’île et leur environnement. Publié en 1986, son livre To Care for the Earth (‘Prendre soin de la Terre’) met en cause les pratiques écologiquement perverses et dangereuses, montrant que le premier chapitre de la Genèse invite non pas à « dominer » la création mais à en « prendre soin » (4).

Ce qui est clair c’est que, bien avant l’encyclique historique du pape François Laudato si’, il existait déjà aux Philippines une grave préoccupation et un débat était né autour d’une perte d’harmonie entre l’humanité et le reste de la nature. Rien de surprenant à cela quand on songe que l’archipel se trouve le long de ce qu’on appelle la « ceinture de feu du Pacifique » et que, dans les dix dernières années, il a subi une nette diminution du nombre d’espèces vivantes, des changements dans la biodiversité, une montée du niveau de l’océan ainsi qu’un accroissement des typhons, en intensité et en nombre, jusqu’à atteindre presque vingt par an. Cela rend le pays extrêmement vulnérable aux désastres naturels. Dans les dernières années, le pays a essuyé presque la moitié des plus puissants typhons de son histoire. Selon le ministère des Sciences et de la Technologie, ils ne feront que croître avec le temps, à la fois en intensité et en fréquence. La Commission des Philippines sur le changement climatique affirme que c’est là l’un des effets les plus visibles du changement climatique dans le pays (5).

Une initiative novatrice

Le 29 janvier 1988, la Conférence épiscopale catholique des Philippines publiait une lettre pastorale novatrice intitulée Qu’est-ce qui arrive à notre beau pays ?, la première lettre pastorale d’évêques catholiques jamais écrite sur l’environnement. Dans son exhortation apostolique Evangelii gaudium, le pape François en cite des passages. Il écrit notamment : « Je fais mienne la belle et prophétique plainte, exprimée il y a plusieurs années par les évêques des Philippines, ʺUne incroyable variété d’insectes vivaient dans la forêt et ceux-ci étaient engagés dans toutes sortes de tâches propres […]. Les oiseaux volaient dans l’air, leurs brillantes plumes et leurs différents chants ajoutaient leurs couleurs et leurs mélodies à la verdure des bois […]. Dieu a voulu cette terre pour nous, ses créatures particulières, mais non pour que nous puissions la détruire et la transformer en sol désertiqueʺ » (EG 215).

Presque trente ans après, Laudato si’ est la première encyclique pontificale sur l’environnement ; et, une fois encore, le pape cite la même lettre pastorale de la Conférence épiscopale des Philippines. A propos de la destruction des océans, François relaie l’appel des évêques philippins : « Qui a transformé le merveilleux monde marin en cimetières sous-marins dépourvus de vie et de couleurs ? » (LS 41). Ainsi, lorsqu’on me demande : « Comment, aux Philippines, réagit-on à Laudato si’ ? », la réponse ne se fait pas attendre. Dans l’ensemble, la communauté catholique est envahie d’un regain d’enthousiasme, mais elle attend que cela porte des fruits.

« Intendants, pas propriétaires »

Laudato si’ a été publié le 24 mai 2015 et c’est le 20 juillet que les évêques philippins ont rendu publique une déclaration sur le changement climatique intitulée Stewards, not Owners (‘Intendants, pas propriétaires’). Il y est dit notamment :

L’encyclique du pape François, Laudato si’ […] engage vivement catholiques et chrétiens à se passionner pour l’environnement ; […] pour les chrétiens, c’est une obligation de se préoccuper de l’écologie et du changement climatique, comme une conséquence directe de la notion morale de gérance, d’intendance (Stewardship) et une implication de la charité chrétienne. […] Laudato si’ nous enseigne que le fond du problème du changement climatique est la justice. […] Nous ne pouvons plus parler de développement durable indépendamment de la solidarité entre générations. […] Le monde est un cadeau que nous avons reçu et nous devons le partager avec les autres. […] Nous ne sommes pas propriétaires de la terre. Nous en sommes les gérants, les intendants. […] La Conférence épiscopale des Philippines n’a pas manqué à sa responsabilité d’instruire les fidèles en matière d’environnement. Nous sommes honorés que le Saint-Père cite l’une de nos lettres dans Laudato si’.

Les évêques terminent leur déclaration par ces mots :

Nous, vos évêques, nous nous engageons à organiser colloques et conférences sur ces questions. […] Dans ce domaine, il est de la responsabilité morale de tous de s’informer. Mais on peut et l’on doit, de façon plus directe et immédiate, passer à l’action. […] Extraction minière, incinération et décharge par enfouissement : ce sont là des réalités préoccupantes de chez nous qui viennent immédiatement à l’esprit. En cela, un plaidoyer des communautés ecclésiales, au nom du bien commun, doit tâcher d’exercer une influence sur les décideurs politiques et se traduire également en agir collectif. […] Quand se fait entendre un cri de détresse, y répondre n’est pas une option facultative. C’est une obligation. (6)

Modifier nos pratiques

De fait, en divers points de l’archipel, colloques et conférences ont déjà eu lieu et continuent à être organisés sur Laudato si’. Dans les jours qui ont suivi la publication de l’encyclique pontificale, l’archevêque de Manille, le cardinal Luis Antonio Tagle, a invité avec instance à une « révision courageuse » des politiques et des modes de vie. Il a appelé les gens à « étudier, enrichir, discuter et méditer les divers points de l’encyclique », tout en lançant l’invitation « aux non-chrétiens, aux familles, aux éducateurs, aux politiciens, aux gens d’affaires, aux experts des sciences et des technologies digitales, aux médias, aux groupes de consommateurs, aux ONG et associations civiles d’étudier l’encyclique et ses diverses propositions ». Le cardinal Tagle et toute la Conférence épiscopale ont insisté sur le fait que l’enseignement de Laudato si’ n’est pas d’ordre scientifique mais moral (7).

Dans un message à la Confédération Caritas, le cardinal Tagle explique : « Dans Laudato si’, le pape François nous engage à remplacer la consommation par un sens du sacrifice, la cupidité par la générosité et le gaspillage par un esprit de partage. Il nous faut savoir ʺdonner (give) et pas simplement abandonner (give up)ʺ. Nous sommes appelés à nous affranchir de tout ce qui en nous est pesant, négatif et de l’ordre du gaspillage pour entrer en dialogue avec notre famille commune » (8).

Des voix venues d’ailleurs

Les catholiques philippins ne sont pas les seuls à souscrire à Laudato si’ et à encourager sa mise en application. Mussolini Sinsuat Lidasan – directeur général de l’Institut Al Qalam pour les identités et le dialogue islamique en Asie du Sud-Est, de l’Université Ateneo de Davao dans l’île méridionale de Mindanao – fait remarquer que Laudato si’ « ouvre à des personnes de croyances religieuses différentes un champ commun de collaboration ». Lidasan établit un lien entre « l’écologie intégrale » proposée par le Saint-Père, au chapitre 4 de son encyclique, et le principe islamique de la responsabilité humaine à l’égard de l’environnement impliqué dans la notion de khilafah. Il explique que khilafah « est un terme intraduisible évoquant les notions d’agence, d’intendance, d’administration en vue de développer et de gérer des ressources pour le compte du propriétaire réel ». Et, comme Dieu seul est le « réel propriétaire » du monde, nous devons administrer la terre d’une manière qui « rende gloire à Allah (SWT)) » (9). Selon lui, ce principe est ancré dans la loi islamique et nous engage à une gestion appropriée de nos ressources, à prendre soin de notre planète comme étant notre maison commune. Lidasan, érudit musulman philippin, conclut son article en proclamant que Laudato si’ « doit être accueilli positivement et adopté (embraced) par les gens de toutes croyances et même par les non-croyants » (10).

De manière générale, la presse laïque des Philippines a chaleureusement accueilli Laudato si’ et s’est montrée ouverte à la plupart des points soulevés. Comme le fait remarquer Yeb M. Saño, ancien commissaire pour l’étude du changement climatique : « La crise du changement climatique est l’enjeu déterminant de notre génération, et nous serons jugés par les générations futures en fonction de notre manière d’y répondre […] et de leur léguer un monde attentionné, juste, sûr et pacifique. » Relevant une foule de dysfonctionnements, il redit ce sur quoi continuent d’insister nombre de Philippins : que le changement climatique est une question éthique plus qu’environnementale et, plus important encore, spirituelle. Saño semble faire allusion ici à ce que le Catéchisme pour les catholiques philippins nomme un « athéisme pratique », c’est-à-dire le fait que, toute meublée qu’elle puisse être de rituels et traditions catholiques, la vie quotidienne est en fait menée sans claire référence ni relation à Dieu (11). Ce n’est pas ici l’encyclique qui paraît suspecte, mais plutôt l’Eglise. Saño affirme : « Il est en définitive primordial que nos leaders spirituels nous guident face à la rapide détérioration de l’environnement » et « […] si nous voulons être conséquents avec notre admiration sans bornes pour François, nous ne pouvons nous contenter de porter des T-shirts à son effigie ni d’aller nous entasser à Luneta pour l’entrevoir un bref instant (une allusion à la messe en plein air lors de sa visite aux Philippines, le 18 janvier 2015) ; il nous faut prendre en compte son appel au changement » (12).

Etre cohérents…

Maria Isabel Ongpin écrit régulièrement dans le Manila Times. Tout en adhérant aux principes de Laudato si’, elle fait preuve d’une certaine réserve à l’égard de l’Eglise et de sa hiérarchie locale. Dans le second volet de son article en deux parties sur l’encyclique, elle signale le problème de la surpopulation comme une entrave permanente à la lutte contre la pauvreté rampante dont souffrent les Philippines. Dans ce pays majoritairement catholique, la position de l’Eglise sur la limitation des naissances est souvent mise en cause quand il est question de pauvreté. Maria Isabel Ongpin écrit : « De la même manière que, comme dit le pape, la façon dont certains parmi nous regardent ce qu’il advient de notre environnement, s’attendant à ce que cela se règle tout seul, relève d’une ʺjoyeuse insoucianceʺ, ainsi la position de l’Eglise catholique sur la population, pour qui le problème va se régler de lui-même (sauf si l’expression voulait dire par une guerre, une famine, une calamité, un effondrement de l’ordre public comme dans l’antiquité) ; cette position relève elle aussi d’une ʺjoyeuse insoucianceʺ. » Maria Ongpin poursuit en affirmant que les fidèles seront instruits par les évêques du pays en fonction de leur propre compréhension du document, lançant un appel assez mordant : « Dans ces contrées et avec le genre de hiérarchie ecclésiastique à laquelle nous avons affaire, cela va être une question d’interprétation dépendant de la mentalité des évêques. Je conseille vivement à chacun de lire Laudato si’ et d’y réfléchir par soi-même. » (13)

Un certain scepticisme sur la manière de mettre en œuvre l’appel de l’encyclique peut venir, pour une part, du fait suivant. Alors que l’on parle avec fierté des Philippines comme étant « le seul pays chrétien d’Asie », avec plus de 86 % de la population se disant catholique, il en est aussi régulièrement question comme de l’un des pays les plus corrompus d’Asie et avec plus d’un quart de sa population vivant au-dessous du seuil de pauvreté. Les vastes bidonvilles surpeuplés qui se tassent en bordure des riches lotissements privés des élites du pays, en sont une silencieuse démonstration (14).

Questions aux décideurs politiques

Ernesto M. Pernia, professeur émérite d’économie à l’Université des Philippines et ancien économiste en chef de l’Asian Development Bank, commente les propos du pape François sur les maladies de la vie urbaine et son idée que « nous ne pouvons pas avoir de nature sans humanité ni d’humanité sans nature ». Réfléchissant sur son expérience urbaine dans les villes des pays voisins non chrétiens, il pose la question dérangeante : « Pourquoi les autorités des secteurs tant publics que privés des Philippines – un pays catholique – ne pourraient-elles pas au moins être presque aussi rationnelles et se préoccuper des gens et de la nature ? L’étonnant est que ces officiels visitent souvent, et en sont sûrement impressionnés, des villes d’Asie qui sont bien mieux gérées, sans parler de celles de l’Occident. Derrière la nonchalance et l’insouciance de nos officiels à l’égard du peuple et de l’environnement, faut-il voir un intérêt personnel égoïste et une insatiable cupidité ? Ce qui amène à poser la question : les non-catholiques feraient-ils preuve de plus de considération, d’humanité et d’attention reconnaissante à l’égard de la nature ? » (15)

Ce ne sont pas les idéaux de Laudato si’ qui sont mis en cause, mais le mode de vie de ceux qui se réclament de l’Eglise dont émane l’encyclique. Le questionnement et l’appel ne sont pas minces. Pour cette raison peut-être, certains Philippins ont noté que la publication de Laudato si’ tombe à un moment tout à fait opportun, juste avant les élections de 2016 (16). Cela constitue un défi et un guide pour tous les candidats désireux de conduire le pays dans le sens d’une amélioration de l’harmonie et de la qualité de la vie.

Prière et action

Entre temps, ateliers, colloques et séminaires sur Laudato si’ se poursuivent ici et là dans l’archipel. Certains se tiennent dans des lieux d’enseignement supérieur tels que l’Ateneo de Manila ou le Manila Observatory, où des intervenants transmettent leur compétence en diverses disciplines académiques. D’autres sont le fait de groupes ecclésiaux locaux dont les membres partagent leurs expériences et attentes personnelles. D’autres encore permettent la rencontre entre gens de différentes traditions religieuses et couches sociales. On perçoit un renouveau, à la lumière de Laudato si’, du sentiment qu’il y a urgence à se préoccuper les uns des autres et de toute la création, à redécouvrir nos liens réciproques.

L’esprit de Laudato si’ se manifeste clairement en bien des aspects de la vie actuelle de l’Eglise des Philippines. L’observatoire météorologique local Pagasa a annoncé qu’un « puissant » El Niño pourrait, en février 2016, affecter 65 des 81 provinces du pays et durer jusqu’en juillet. Le cardinal Tagle a fait paraître une prière impérée pour demander la pluie, à réciter à genoux après avoir communié. La prière reflète une compréhension et un esprit nouveaux. On y trouve, entre autres, ces paroles : « Ô Dieu miséricordieux, pardon pour nos péchés écologiques ayant contribué à ce phénomène néfaste ; pardon pour notre indifférence aux plaintes et souffrances de notre mère Terre ; pardon pour notre gaspillage, pour notre mépris des dons précieux de la création que tu nous as donnés. Nous promettons, en suivant l’Évangile de la création, de nous repentir de nos péchés et, en tout ce que nous faisons, d’être attentifs à ta création et d’en prendre soin. Donne nous la force et la sagesse d’être de bons intendants de ta création et de protéger l’environnement contre les abus et l’exploitation. En ce temps où la crise est à notre porte, Seigneur aide nous à aller plus loin dans le partage, le service et l’amour… » (17)

L’impact véritable de Laudato si’ ne se mesurera toutefois pas au degré de ferveur avec lequel nous allons réciter à genoux l’oratio imperata pour la pluie, mais plutôt à notre comportement lorsque, nous étant relevés, nous allons vaquer à nos occupations du jour.

Daniel S. Sormani

(eda/ra)