Eglises d'Asie

Réactions de l’Eglise suite aux propos de Manny Pacquiao

Publié le 29/02/2016




L’Eglise a laissé passer la tempête médiatique avant de réagir officiellement aux propos de l’ancien champion du monde de boxe, envers les homosexuels. Candidat aux sénatoriales en mai prochain dans le principal pays catholique d’Asie, Manny Pacquaio avait jugé les homosexuels …

« pires que des animaux », dans une interview à la chaîne TV5 le 15 février dernier. « C »est du bon sens », avait notamment affirmé Pacquiao.

« Voyez-vous des animaux s’accoupler avec d’autres du même sexe ? Les animaux sont meilleurs car ils sont capables de distinguer un mâle d’une femelle. » Avant de conclure : « Si des hommes se mettent avec d’autres hommes, et des femmes avec d’autres femmes, alors ils sont pires que des animaux. »

Devant l’avalanche de réactions suscitées par ces propos aux Philippines et à l’étranger, le député de 37 ans a fini par présenter des excuses dès le lendemain, dans une vidéo publiée sur sa page Facebook : « pour avoir blessé des gens en comparant animaux et homosexuels ». « Je m’en tiens à ma croyance et m’oppose au mariage homosexuel en raison de ce que la Bible dit à ce sujet, sans toutefois blâmer la communauté LGBT. » […]« Ce que j’ai fait de mal était de comparer des gens à des animaux, mais vous savez que je raconte la vérité », s’est également défendu Manny Pacquiao, en ajoutant : « Je ne fais que reprendre la Bible. Nous croyons en Dieu et devons honorer sa parole ».

Manny Pacquiao est un converti évangélique d’origine catholique. Il se considère comme un « born gain » : de « noceur » il s’est, selon lui, transformé en « bon père de famille ». En tant que député, il avait voté contre la loi sur la santé reproductive (Reproductive Health Law ou RH law), censée rendre gratuite la contraception pour les couples les plus pauvres.

Le 21 février, l’Eglise catholique philippine a officiellement réagi aux déclarations polémiques de Manny Pacquiao par la voix du P. Jérôme Secillano, à la tête des Affaires publiques de la conférence des évêques catholiques philippins (CBCP). Dans une interview à la DZMM, l’une des principales radios d’information, le prêtre a, dans un premier temps, estimé que Manny Pacquiao devait respecter les homosexuels, sans les juger ni les condamner.

A propos des passages bibliques cités par le boxeur sur sa page Facebook, le P. Scillano a rappelé : « C’est vraiment ce qui est écrit. Il [Manny Pacquiao] a cité la Bible et nous ne pouvons rien changer à cela », avant de qualifier « d’injustes » les attaques contre le boxeur sur ce point. Le prêtre a ensuite pris ses distances avec le langage utilisé par Manny Pacquiao : « L’Eglise… dit que dès lors qu’il s’agit de votre style de vie, de votre orientation, nous respectons cela, nous ne pouvons blâmer les homosexuels ».

Globalement, les propos du P. Jerome Secillano ont été assimilés par plusieurs médias, dont l’AFP, à une tentative de défense du boxeur de Manny Pacquiao.

A l’archidiocèse de Cebu, la seconde ville de l’archipel, le P. Joseph Tan a également réagi à la polémique, rapporte l’agence Ucanews : « Je pense que nous devons maintenir un langage politiquement correct en signe de respect. » Le prêtre a ensuite plaidé pour la protection de la dignité de chacun, « même si nous pensons différemment en termes d’opinion et de mode de vie. ».

Sur les réseaux sociaux, les propos de Manny Pacquiao ont été qualifiés « d’ignorants et d’intolérants ». « Le chef bien-aimé de l’Eglise catholique lui-même ne condamne pas les homosexuels », a également souligné le présentateur et comédien gay Vice Ganda en faisant référence au pape François, avant d’appeler les internautes à prier pour Manny Pacquaio.

De son côté, le Conseil national des Eglises philippines (National Council of Churches in the Philippines, NCCP) a fermement condamné ses propos, l’exhortant à relire la Bible en entier. Présenté comme « le plus grand rassemblement d’Eglises non catholiques », cette structure fondée en 1963 est composée de dix Eglises membres, allant des protestants aux évangéliques. « Il [Manny Pacquiao] omet un thème essentiel du témoignage biblique », indique dans un communiqué le pasteur Rex Reyes, secrétaire général de la NCCP. « C’est que toutes les personnes sont créées à l’image de Dieu. Quand un groupe ou une personne, au sein de la société, est rabaissé au rang d’animal plutôt que considérée avec la dignité dont l’a doté le créateur, il y a un risque réel que ces individus soient davantage traités comme des animaux que comme des êtres humains et des créatures divines ».

Aux Philippines, selon la dernière étude internationale du Centre de recherche américain Pew, en 2011, plus de huit personnes sur dix se déclaraient catholiques, une sur dix protestante. Parmi les protestants, les pentecôtistes représentent 37% des croyants, les charismatiques (dont font partie les évangéliques) 30%, soit l’une proportion les plus élevées dans le monde, selon Pew.

Comme Manny Pacquiao, trois candidats sur cinq à la présidence de l’archipel sont opposés au mariage gay, d’après le site d’information philippin InterAskyon.com. Suite aux polémiques suscitées par les propos de l’ancien champion de boxe, un autre candidat sénateur, Mark Lapid,ouvertement catholique, a annoncé qu’en cas de victoire, il déposerait un projet de loi pour légaliser le mariage homosexuel aux Philippines, le seul pays au monde aujourd’hui à interdire le divorce avec le Vatican. D’après des analystes politiques interrogés par Reuters, malgré la polémique, le boxeur conserve néanmoins ses chances d’être élu comme sénateur.

(eda/md)