Eglises d'Asie

Un gourou présidentiel nommé « Jésus »

Publié le 03/05/2016




L’Afrique a ses marabouts faiseurs de président, les Philippines leur télévangéliste oracle. Rasé de près et brushing impeccable, à Davao (Mindanao), Apollo Quiboloy, 66 ans, se proclame « fils de Dieu ». A chaque élection, les candidats lui rendent visite dans son domaine baptisé « Le Royaume de Jésus-Christ ». Le prédicateur, dont les prêches …

… sont également diffusés à l’étranger, revendique six millions d’adeptes. Après une série de « révélations », Apollo Quiboloy aurait vécu retiré durant cinq ans près du volcan Apo, le point culminant des Philippines situé dans la région de Davao. Aujourd’hui, l’homme se fait appeler « pasteur » et dispose de son propre programme diffusé en continu dans 2 000 villes.

Comme à son habitude, Apollo Quiboloy a annoncé le nom du vainqueur de l’élection présidentielle le jour de son anniversaire, le 26 avril, soit près de deux semaines avant la tenue du scrutin, le 9 mai prochain. Et il s’agit de Rodrigo Duterte, maire de Davao, au sud des Philippines, et favori des sondages en dépit de nombreuses controverses à son sujet qui ont suscité l’indignation jusqu’à l’étranger.

Une « victoire écrasante » pour Rodrigo Duterte

« Duterte est l’Apollo dont ce pays a besoin pour briser la corruption, mettre fin à la dépendance aux drogues et pour exterminer la pauvreté. Le mal que le bien ne vainc pas, seul le pire en est capable », aurait déclaré, très sûr de lui, Quiboloy lors d’une réception privée, rapporte le site d’informationsRappler.

Précédemment, l’édile avait notamment insulté le pape François pour avoir, selon lui, causer des embouteillages monstres durant sa visite début 2015. Avant de plaisanter à propos du viol d’une missionnaire australienne tuée en 1989, lors d’une émeute survenue dans une prison de sa propre ville.

Pour les besoins de la campagne, Apollo Quiboloy aurait prêté au maire de Davao son avion privé ainsi que son hélicoptère pour faciliter ses déplacements, indique également The Daily Inquirer.

Apollo Quiboloy aurait également prédit « une victoire écrasante » au favori des sondages, crédité alors d’un tiers des intentions de vote. Quelques jours plus tard, il assurait son intention de prendre la tête, en cas de fraude électorale menée à l’encontre du maire de sa ville, d’une révolution citoyenne. « S’il y a de la tricherie, il y aura une révolution. Je mènerai cette révolution du peuple… Je ne laisserai pas passer », aurait déclaré Quiboloy aux médias, rappelant de manière pragmatique ses douze points de pourcentage d’avance sur les autres candidats. « Il va gagner cette élection. Les sondages ne mentent pas et sont fiables. »

Lors de la dernière élection présidentielle, en 2010, Apollo Quiboloy avait prédit la victoire de Gilbert Teodoro, finalement arrivé en quatrième position d’un scrutin largement remporté par Benigno Aquino. Ouvertement catholique, le fils des époux Aquino aurait été élu en partie grâce aux votes de la secte Iglesia ni Cristo, elle aussi très courtisée par les divers candidats durant cette campagne. Reconnaissable à ses édifices flambants neufs, Iglesia ni Cristo a été fondée en 1913 par un ancien pionnier de l’Eglise adventiste du septième jour. Considérant la Bible comme la seule autorité morale et spirituelle, Iglesia ni Cristo revendique 1,37 millions de membres, réputés eux aussi voter en bloc.

Iglesia ni Cristo, une « Eglise » très courtisée

Benigno Aquino est d’ailleurs retourné voir le « ministre exécutif » d’Iglesia ni Cristo, Eduardo Manalo, cette fois-ci pour aider le candidat de son administration, Mar Roxas, ministre de l’Intérieur. Selon le dernier sondage publié par Pulse Asia le 29 avril, Mar Roxas n’arrive qu’en troisième position avec 20 % des intentions de votes. Mais il rattrape son retard sur la sénatrice Grace Poe, créditée de 22 %, loin derrière Rodrigo Duterte, qui affiche plus de 30 % des intentions de vote.

Par deux fois, Grace Poe s’est rendue au siège d’Iglesia ni Cristo, accompagnée notamment du candidat à la vice-présidence issu du même parti, le sénateur Francis ‘Chiz’ Escudero. Aux Philippines, il n’y a pas de ticket présidentiel comme aux Etats-Unis, le président et le vice-président philippin sont élus le même jour mais de manière distincte.

« Nous n’avons pas évoqué directement le sujet car eux seuls le décident et ne s’expriment pas avant d’avoir fait leur propre choix. Nous demandons leur soutien et j’espère l’avoir obtenu, mais s’ils font un choix différent nous le respecterons », a affirmé la candidate. Avant de rappeler que tous ses rivaux avaient agi de la sorte en demandant à être reçu par Eduardo Manalo.

Agitée par une crise interne depuis plusieurs mois, Iglesia ni Cristo semble néanmoins indécise sur le candidat à appuyer une semaine avant l’élection. Parmi les adeptes de la secte, Grace Poe était donnée favorite en février, d’après une étude réalisée par Laylo Research Strategies. En tout cas, il ne serait pas question pour ses leaders de soutenir le même candidat qu’Apollo Quiboloy.

(eda/md)