Eglises d'Asie

Crise au sein du puissant mouvement religieux Iglesia ni Cristo

Publié le 03/11/2015




Plusieurs dirigeants d’Iglesia ni Cristo, l’un des mouvements religieux les plus puissants des Philippines, étaient convoqués ce mardi 3 novembre par la Cour d’appel, afin de répondre aux accusations de la part de l’un des leurs. Lowell Menorca, « ministre exécutif » de la secte, limogé …

… depuis, les attaques pour enlèvement et séquestration.

Aucun des accusés ne s’est finalement présenté à la justice, en particulier le leader du mouvement, Eduardo Manalo, actuellement à l’étranger selon son avocat, venu le représenter à l’audience. Quelques jours auparavant, Lowell Menorca avait témoigné en larmes devant les médias, jusqu’à évoquer une tentative d’assassinat à son encontre.

Fondée par Felix Manalo, le grand-père d’Eduardo, Iglesia ni Cristo, « l’Eglise du Christ », est une institution qui compte aux Philippines. Elevé dans la religion catholique, Felix Manalo fût l’un des pionniers de l’Eglise adventiste du septième jour, avant de créer son propre mouvement en 1913. Reconnaissable par ses nombreux édifices flambants neufs à travers l’archipel, Iglesia ni Cristo se proclame comme la seule vraie église et considère la Bible comme la seule autorité spirituelle et morale. Toutefois le mouvement ne reconnaît pas la divinité du Christ et refuse de célébrer les fêtes chrétiennes comme Pâques ou Noël ; le groupe, enfin, obéit à une hiérarchie très stricte avec des « ministres exécutifs ». Très actifs, anticatholiques et nationalistes (avec l’usage exclusif du tagalog), les membres d’Iglesia ni Cristo paient régulièrement la dîme et sont souvent dépendants de leur Eglise pour leur travail et leurs relations. Sur le plan politique, ils forment un bloc très compact dont les candidats à la présidence doivent tenir compte. Iglesia ni Cristo a donc pignon sur rue ; l’an dernier, le gouvernement philippin a déclaré l’année 2014 « l’année du centenaire d’Iglesia ni Cristo » (Iglesia Ni Cristo Centennial Year), et le président de la République Benigno Aquino est venu en personne inaugurer le Philippine Arena, « le plus grande stade au monde couvert » construit par le mouvement religieux dans la banlieue de Manille.

Considéré comme une secte, le mouvement Iglesia ni Cristo revendique aujourd’hui plus d’un million d’adeptes dans l’archipel. Avec une influence politique importante : « Le ‘vote Iglesia’ a contribué à décider du sort des candidats aux présidentielles, comme Marcos, Estrada et dernièrement Noynoy Aquino », rapporte l’universitaire Manuel Sapitula, dans la monographie Philippines contemporaines (éd. Les Indes savantes-Irasec, Paris-Bangkok, février 2013).

Mais depuis plusieurs mois, Iglesia ni Cristo est agitée par des soupçons de corruption. Fin juillet, c’est Cristina Manalo, la veuve du fondateur, qui est exclue avec sa fille et ses deux autres fils, à la suite d’une vidéo dans laquelle l’un d’entre eux lance un appel au secours contre une menace non identifiée. Cristina s’exprime également, mais sans apparaître à l’image.

A l’époque, le scandale était alors remonté jusqu’en haut de l’Etat et la secrétaire de la Justice Leila de Lima s’en était mêlée, suscitant l’ire des plus conservateurs. En guise de protestation contre ce qu’ils considèraient comme une intrusion de l’Etat dans une affaire religieuse, des milliers de personnes étaient alors descendues sur le boulevard périphérique d’EDSA, provoquant des bouchons monstres dans la capitale. Pour les Philippins, EDSA symbolise la People Power Revolution de 1986, cette série de manifestations pacifiques de deux millions de personnes au total, contre la dictature et en soutien à Cory Aquino, devenue présidente à la chute de Ferdinand Marcos.

De son côté, la Conférence des évêques catholiques des Philippine a invité à l’apaisement. « Bien sûr que nous prions pour eux. Nous sommes tristes de les voir désunis », déclare l’évêque émérite de Caloocan, Mgr Deogracias Iniguez. Avant d’ajouter : « Nous devons considérer que, parce qu’ils sont également des citoyens, tout événement au sein de leur communauté, a des conséquences sur les autres. Et l’Etat a le droit d’intervenir sur ces conséquences. »

Malgré cette affaire, un film consacré à la vie de son fondateur Felix Manalo a battu des records d’audience à sa sortie le mois dernier. Plus de 43 000 personnes ont assisté à la première projection, établissant deux nouveaux records mondiaux homologués par le Guinness : celui de la plus importante fréquentation lors d’une séance ainsi que pour une première projection.

L’événement a eu lieu à la Philippine Arena de Bulacan, C’est également à cet endroit que le chanteur américain Chris Brown aurait dû se produire selon Iglesia ni Cristo qui l’accuse d’escroquerie. Cet été, le rappeur avait alors été retenu trois jours aux Philippines, le temps que la justice statue sur son cas, avant de décider finalement de le laisser repartir.

(eda/md)