Eglises d'Asie

Vinh : un diocèse mobilisé autour de son évêque pour protester contre l’incurie dans la lutte contre la pollution maritime

Publié le 24/05/2016




Dans la soirée du 21 mai dernier, à la suite des prêtres du diocèse qui venaient tous de signer sans exception une requête interpellant sévèrement les autorités sur l’actuelle pollution maritime, ce sont des dizaines de milliers de catholiques qui ont manifesté leur préoccupation et leur solidarité avec …

… l’évêque en divers endroits du diocèse de Vinh. Pour la plupart, ces manifestations ont pris la forme d’assemblées de prière et de veillées aux chandelles ; responsables de paroisses et laïcs s’y sont exprimés sans détour.

C’est dans le diocèse de Vinh que se trouvent trois des cinq provinces touchées par la pollution maritime qui a ravagé les côtes du Centre-Vietnam et provoqué la mort de millions de poissons et crustacés. Depuis l’apparition du fléau, dans les premiers jours d’avril, les réactions de diverses formes ont été nombreuses dans les milieux catholiques. Plusieurs paroisses ont organisé des rassemblements de protestations et ont interpellé les différentes autorités à propos de la catastrophe environnementale.

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Localisation du diocèse de Vinh, au Vietnam.

Mgr Hop : « ne pas rester indifférent »

Dès les premiers jours, l’évêque du lieu, Mgr Paul Nguyên Thai Hop, s’est prononcé publiquement sur le sujet avec une grande franchise et beaucoup de courage. Au micro de plusieurs médias internationaux, il a dénoncé l’incurie des pouvoirs publics et leur absence de réaction. Le 13 mai, il envoyait aux catholiques du diocèse une remarquable lettre pastorale sur « la pollution de l’environnement maritime des côtes du Centre-Vietnam ». Il avait mis en exergue de son texte une citation du pape François : « Nous pouvons pas rester indifférents devant n’importe quel événement du monde. »

Dans sa lettre, l’évêque décrit avec émotion les plages de son diocèse recouverte de centaines de milliers de tonnes de cadavres de poissons et crustacés. Il donne à connaître les sombres perspectives de la population en matière d’emploi et, tout simplement, de subsistance. Après avoir rapporté les soupçons qui pèsent sur l’entreprise industrielle taïwanaise qui a rejeté des substances toxiques dans la mer, Mgr Hop souligne le haut degré de responsabilité portée par les dirigeants locaux chargés du suivi des industries. Dans la dernière partie de sa lettre, s’appuyant à la fois sur les textes du concile Vatican II, notamment la constitution pastorale Gaudium et spes, il insiste auprès des catholiques du diocèse sur leur devoir de se mobiliser et de ne pas rester indifférents face à cet événement.

Une lettre signée par tous les prêtres du diocèse

Avant la soirée très militante du 21 mai, un autre événement avait marqué le diocèse : une requête solennelle avait été adressée aux plus hautes autorités de l’Etat et de la région, par l’ensemble des membres du conseil presbytéral du diocèse. 238 signatures suivaient le texte, y compris celles de l’évêque auxiliaire et de l’évêque émérite du diocèse. La lettre avait été ensuite mise en ligne sur plusieurs sites.

Après avoir affirmé leur accord avec les diverses déclarations déjà publiées par la communauté catholique du lieu, en particulier la lettre pastorale de leur évêque, les membres du conseil presbytéral ont fait parvenir aux autorités civiles des demandes et propositions très précises. La lettre exige d’abord des éclaircissements précis sur la cause de la pollution. La responsabilité des organisations et des individus impliqués dans la catastrophe doit être déterminée. Le conseil presbytéral estime aussi qu’une enquête objective doit être diligentée sur l’utilisation de produits toxiques par le complexe sidérurgique Formosa. La lettre propose ensuite l’arrêt immédiat des activités de l’entreprise taïwanaise s’il s’avère qu’elles sont nuisibles à la population. Les prêtres demandent de plus aux autorités de respecter et d’écouter les manifestations pacifiques de la population. Les détenteurs du pouvoir ne doivent pas utiliser les médias officiels pour calomnier et accuser faussement les responsables de la société civile, peut-on encore lire. En fin de compte, la lettre affirme la nécessité de mettre en place des solutions sociales pour remédier aux maux subis par la population du fait de la pollution marine.

Mobilisation des catholiques autour de leur évêque

Le mouvement est monté en force progressivement et a peut-être trouvé son sommet dans la soirée du 21 mai 2016. Dans divers lieux du diocèse, des dizaines de milliers de catholiques se sont rassemblés pour des assemblées de prières aux flambeaux avec un double objectif : porter dans la prière leurs préoccupations pour l’avenir économique de leur pays ; mais aussi exprimer leur communion avec leur évêque, Mgr Paul Nguyên Thai Hop, cible aujourd’hui d’une campagne calomniatrice sur les ondes de la télévision locale, pour avoir dénoncé l’incurie officielle devant le fléau qui sévit sur les côtes du Centre-Vietnam.

Dans la paroisse de Yên Hoa, sur le coup de 20 heures, ils étaient plus de 1 000 paroissiens à participer à la cérémonie. Le prêtre en charge de la paroisse, dans son homélie, a commenté la lettre pastorale de l’évêque, et l’a défendue contre les accusations mensongères de la télévision locale. Un même nombre de fidèles avait répondu à l’appel des responsables de la paroisse de Vinh Hoa. Le rassemblement était intitulé : « Pour la justice et la paix en mer de Chine méridionale ». La foule rassemblée s’est déclarée prête à « se mettre en marche » derrière l’Eglise, à la suite du pasteur local. C’est ce même esprit qu’on a pu retrouver dans tous les lieux où les catholiques du diocèse de Vinh se sont réunis dans la soirée du 21 mai.

(eda/jm)