Eglises d'Asie

Les apparitions présumées de Lipa déclarées « inauthentiques »

Publié le 14/06/2016




Selon un décret de la Congrégation pour la doctrine de la foi rendu publique le 31mai aux Philippines, les apparitions présumées de la Vierge au carmel de Lipa, il y a près de 70 ans, ne sont pas authentiques, contrairement à ce qu’avait annoncé l’évêque du lieu en septembre 2015. En toile de fond, …

… le débat sur le titre attribué par certains à la Vierge Marie de « médiatrice de toutes grâces ».

Ainsi que le rapporte la lettre d’information Urbi & Orbi, le Vatican a définitivement clos le dossier des apparitions présumées de la Vierge Marie à une jeune religieuse du carmel de Lipa, aux Philippines, en 1948. Dans ce décret datant du 11 décembre 2015, mais rendu public le 31 mai 2016, la Congrégation pour la doctrine de la foi a estimé qu’elles n’étaient pas authentiques. Elle a souligné notamment que le pape Pie XII avait déjà rendu une décision « définitive » par le décret du 11 avril 1951 selon lequel ledit phénomène de Lipa n’était « pas d’origine surnaturelle ». Le texte signé du cardinal Gerhard Müller exige également la dissolution « immédiate » de toute commission étudiant encore la question.

Cette décision annule celle rendue, il y a un moins d’un an, par l’archevêque du lieu, Mgr Ramon Cabrera Argüelles, qui, dans un décret du 12 septembre 2015, avait déclaré : « Les événements et apparitions de 1948, aussi connus comme le phénomène marial de Lipa, et leurs conséquences, même dans les temps récents présentent réellement un caractère surnaturel et sont dignes de foi ».

C’est d’ailleurs lui qui, le 31 mai, a annoncé la décision romaine, dont il avait pris connaissance seulement la veille. « Mon seul espoir et ma prière, c’est que, malgré le document [de la CDF, NDLR], nous ne doutions jamais de l’amour de Dieu et de sa mère pour nous », a-t-il commenté dans son communiqué.

« Nous n’avons pas besoin d’apparitions pour honorer la Vierge Marie »

« Rome a parlé. L’affaire est close. Nous nous inclinons. Nous obéissons toujours au Saint-Siège. Nous n’avons pas besoin d’apparitions pour honorer la Vierge Marie », a réagi à son tour le 3 juin, Mgr Socrates Villegas, président de la conférence épiscopale philippine, sur leur site d’information.

Pendant plusieurs décennies, l’Eglise s’est interrogée sur le « phénomène marial de Lipa » : du 12 septembre au 12 novembre 1948, la Vierge serait apparue à une dizaine de reprises à Teresita Castillo, une novice carmélite de 21 ans (aujourd’hui âgée de 89 ans et vivant à Manille), en se présentant comme « Marie Médiatrice de toutes grâces ».

Ce titre se trouve déjà dans les écrits de saint Louis-Marie Grignion de Montfort et saint Alphonse-Marie de Liguori, mais il est vivement débattu dans l’Église car il semble mettre en question la médiation unique du Christ.

En 1965, dans la constitution dogmatique Lumen gentium, le concile Vatican II avait relevé que « la bienheureuse Vierge est invoquée dans l’Eglise sous les titres d’avocate, auxiliatrice, secourable, médiatrice, tout cela cependant entendu de telle sorte que nulle dérogation, nulle addition n’en résulte quant à la dignité et à l’efficacité de l’unique Médiateur, le Christ ».

Reste que le phénomène de Lipa, qui se serait accompagné de pluies de pétales de roses pendant plusieurs mois, était devenu célèbre aux Philippines et faisait l’objet, depuis lors, d’une grande dévotion. Lors de son voyage aux Philippines, en janvier 2015, le pape François se recueillit d’ailleurs devant une statue de la Vierge des apparitions de Lipa…

Pour Rome, cela « ne relève pas de l’autorité de l’évêque local »

A l’époque des apparitions, l’administrateur apostolique du lieu, Mgr Rufino Santos, mit sur pied une commission d’enquête qui avait conclu en 1951 à la « non supernaturalité » des apparitions. Pourtant, en 1992, le dossier est rouvert par l’un de ses successeurs dans le diocèse de Lipa, Mgr Mariano Gaviola, qui autorise de nouveau la dévotion à Marie « médiatrice de toutes grâces ».

A sa suite, Mgr Cabrera Argüelles, grand promoteur de la dévotion à Marie Médiatrice, très développée aux Philippines, relance l’enquête en 2005. Cinq ans plus tard, à Rome, il propose même que l’Eglise définisse « Marie Médiatrice » comme cinquième dogme marial. Avant de publier, le 12 septembre 2015, le décret de quatre pages, dans lequel il reconnaît les apparitions comme « dignes de foi » et encourage à invoquer la Vierge Marie sous le titre de « médiatrice de toutes grâces ».

C’est ce décret que la Congrégation pour la doctrine de la foi a déclaré « nul et vide », « à la lumière du fait que la déclaration de 1951 était une décision confirmée par le souverain pontife et par conséquent définitive ». « Le sujet du phénomène de Lipa ne relève pas de l’autorité de l’évêque diocésain local », a précisé le décret de la CDF.

Mgr Argüelles a précisé qu’il ne ferait pas appel de ce jugement. La reconnaissance de l’authenticité des apparitions mariales appartient en théorie au Saint-Siège. « Dans la pratique, les papes ont laissé une large initiative aux évêques diocésains. C’est avec le cardinal Ottaviani et surtout le cardinal Ratzinger que le contrôle de Rome s’est précisé », explique le P. René Laurentin (1) qui rappelle que, en 1987, le cardinal Ratzinger avait critiqué l’évêque de Los Teques, au Venezuela, pour avoir reconnu les apparitions de Betania sans en référer à la Congrégation pour la doctrine de la foi.

(eda/La Croix*)

* La présente dépêche est parue sur le site d’actualité religieuse de La Croix, « Urbi & Orbi », le 13 juin 2016.