Eglises d'Asie

Mgr Menamparampil : « L’évangélisation n’est pas le prosélytisme »

Publié le 29/11/2013




Le 14 novembre dernier, lors de la cérémonie l’instituant docteur Honoris Causa en missiologie à Rome, Mgr Thomas Menamparampil, responsable du Bureau pour l’Evangélisation de la Fédération des Conférences épiscopales d’Asie (FABC), a mis en garde les chrétiens de l’Inde et…

… des autres pays contre un « prosélytisme loin des valeurs de l’Evangile » qui peut attiser les tensions interreligieuses et provoquer des persécutions.

« Si nous sommes persécutés à cause de notre imprudence, de notre arrogance institutionnelle, ainsi que de notre manque d’insertion culturelle, nous ne devons pas nous considérer comme des martyrs, a ainsi déclaré l’archevêque émérite de Guwahati. L’opposition qui se déclenche alors, n’est pas dirigée contre Jésus ou son message. Elle est dirigée contre l’impression négative transmise par les chrétiens, c’est-à-dire contre ceux qui sont associés au message évangélique. »

Le prélat s’exprimait à l’occasion de la remise de sa distinction de docteur Honoris Causa en missiologie le 14 novembre dernier à l’Université pontificale urbanienne de Rome, des mains du cardinal Filoni. Il se voyait attribuer cette distinction honorifique pour son action menée en faveur de la réconciliation interethnique et de la paix religieuse, en particulier dans les régions troublées du Nord-Est de l’Inde.

L’allocution de Mgr Menamparampil était centrée autour de la phrase de saint Paul « J’ai un devoir envers tous les peuples de la terre », (Rom I,14). Le prélat salésien a commenté l’évangélisation « respectueuse » qui avait guidé l’Apôtre des gentils, le poussant « à annoncer la Bonne Nouvelle (…) en tenant compte du contexte culturel et ethnique de chaque peuple ». Saint Paul, a-t-il poursuivi, rendait « sa prédication compréhensible en respectant les coutumes et en s’adaptant à la mentalité de ceux auxquels il s’adressait ». Il existe donc « une pédagogie spéciale dans le domaine de la transmission de la foi hors de sa propre culture ».

Ce n’est pas la première fois que Mgr Menamparampil réaffirme avec clarté la différence entre évangélisation et prosélytisme. A maintes reprises, l’ancien archevêque de Guwahati a mis en garde les chrétiens – aussi bien les chrétiens évangéliques en progression constante en Inde, que certaines communautés catholiques ayant adopté leurs méthodes missionnaires plus « agressives » –, des dangers que représente auprès des populations non chrétiennes un discours perçu comme intolérant, qui peut alors déclencher le rejet et la persécution à l’encontre des prédicateurs.

S’appuyant sur son expérience dans les zones difficiles du Nord-Est de l’Inde où il a œuvré pendant près de 50 ans, jouant un rôle de médiateur reconnu dans les conflits intertribaux et interreligieux tout en y assurant un remarquable essor du christianisme, l’archevêque a insisté sur le fait que l’annonce de la Bonne Nouvelle devait se faire avec humilité et tolérance. Il faut tisser des liens fraternels, exempts de préjugés, car « s’il faut des ‘passerelles’ intellectuelles pour communiquer le message de l’Evangile, les ‘passerelles’ affectives sont tout aussi importantes, sinon davantage », a t-il expliqué.

Particulièrement attaché à la préservation de l’identité culturelle des peuples aborigènes, le prélat salésien a également souligné l’importance de la guérison de la mémoire collective. Dès son installation à Guwahati, Mgr Menamparampil avait mis en place des sessions destinées à l’ensemble de l’Eglise en Inde, où était débattu le rôle des chrétiens dans la promotion et la défense des droits des adivasi (aborigènes) ainsi que dans la préservation de leur culture, malmenée depuis des siècles. Auteur de nombreux ouvrages sur l’évangélisation en milieu aborigène, le prélat a toujours préconisé l’apprentissage du « respect et d’une meilleure connaissance de l’autre » dans le cadre de la formation du missionnaire.

Cette attitude de tolérance et de compréhension, a-t-il expliqué dans son allocution du 14 novembre, ne doit pas pour autant « éteindre l’ardeur évangélique et missionnaire ». Bien au contraire, celle-ci doit sous-tendre toute la vie du chrétien, lequel doit « avoir la prudence du serpent », mais ne jamais pécher par pusillanimité ou manque d’audace. « Le missionnaire doit être une personne d’une spiritualité profonde et d’une intense activité dans le travail ; son intimité avec le Christ doit être de telle nature que sa compassion doit déborder. »

L’Evangile, a-t il poursuivi, « ne peut être communiqué de façon authentique que s’il révèle le visage humain du Christ et fait sien son message profond de miséricorde et de compassion envers le prochain ». Le modèle du missionnaire, a-t-il conclu, est « celui qui conserve en lui une part de l’agonie propre à toute l’humanité et que le Christ a montrée à Gethsémani ».

(eda/msb)