Eglises d'Asie – Philippines
L’Eglise catholique soutient la reprise des négociations de paix avec les rebelles communistes
Publié le 24/06/2016
… voir des représentants de l’Eglise parmi les observateurs du processus de paix, rapporte l’agence Ucanews. « Il existe de nombreux personnes progressistes au sein de l’Eglise qui sont favorables au changement », a argué Fidel Agcaoili.
L’Eglise catholique, notamment la communauté Sant’Egidio, a déjà agi comme facilitateur des pourparlers de paix aux Philippines ; cela a été le cas pour les négociations avec les séparatistes musulmans du Sud philippin, à Mindanao. Pour des motifs différents de ceux qui ont animés la rébellion communiste, cet autre conflit a lui aussi longtemps miné la paix et obéré le développement économique de Mindanao, principale île méridionale et deuxième plus grande de l’archipel en termes de superficie.
A Mindanao, mais aussi dans l’est du pays, les rangs de la branche armée du Parti communiste philippin et du Front national démocratique, d’inspiration maoïste, comptent aujourd’hui 4 000 membres, selon l’armée philippine. Au plus fort du mouvement cristallisant les frustrations du monde rural, ils étaient jusqu’à 26 000, soit six fois et demie plus. C’était il y a trente ans, au moment de la chute de la dictature de Ferdinand Marcos. Depuis cinquante ans, les affrontements ont fait plus de 40 000 morts. Durant le régime Marcos, la répression visait notamment les communistes et l’armée régulière combattait les rebelles. En 2002, les Etats-Unis ont placé la Nouvelle armée du peuple (NPA) sur leur liste des organisations terroristes, liste sur laquelle est aussi inscrit Abu Sayyaf, groupuscule islamiste spécialisé à Mindanao dans les enlèvements et les demandes de rançons de Philippins et de ressortissants étrangers. « Ces dernières années, le Parti communiste philippin et la Nouvelle armée du peuple ont continué à commettre des meurtres, rapts et des actes de violence », juge le département d’Etat américain.
Des communistes seront intégrés au sein du prochain gouvernement
Premier président originaire de Mindanao, élu le 9 mai dernier, Rodrigo Duterte a tendu la main aux communistes en leur proposant, quelques jours après son élection à la tête du pays, d’intégrer le prochain gouvernement. Celui qui doit prêter serment le 30 juin est un ami de longue date du fondateur du Front national démocratique (NDF), Jose Maria Sison. Exilé au Pays-Bas, l’annonce de son retour au pays le mois prochain a fait grand bruit.
Les 14 et 15 juin à Oslo, des représentants du NDF et de Manille se sont rencontrés de manière informelle pour préparer les discussions et se mettre d’accord sur un agenda. A cette occasion, divers groupes de l’Eglise catholique philippine ont salué l’initiative, rapportent l’agence Ucanews ainsi que le site de la chaîne télévisée GMA.
« Cette démarche d’engager le dialogue afin de mettre fin au conflit armé constitue un premier pas positif », a approuvé la Philippine Ecumenical Peace Platform. Présenté comme le plus important mouvement œcuménique, cette formation rassemble des catholiques et protestants. Dans un communiqué intitulé « Un pont d’espoir », la formation se dit « inspirée par l’optimisme » manifesté par les deux parties à l’issue de la réunion d’Oslo.
Membre elle aussi de la Philippine Ecumenical Peace Platform, la Conférence des évêques catholiques des Philippines (CBCP) a en outre rappelé les enjeux de la paix pour les populations civiles de la région. « Pour résoudre le conflit, il faut également s’occuper de la pauvreté », a insisté P. Edu Gariguez, en charge de l’action sociale au sein de la Conférence épiscopale. « Lors de leurs rencontres, les deux parties devront discuter des aides à mettre en place pour les agriculteurs, du secteur de l’emploi et de la question des tribus indigènes », a ajouté P. Edu Gariguez, soulignant le fait que la question fondamentale pour la résolution de ce conflit est : « Pour quelle raison les gens ont-ils pris les armes ? »
Nommé conseiller présidentiel pour le processus de paix, Jesus Dureza a déclaré espérer que ces échanges préliminaires permettront d’établir des bases solides pour les futures négociations de paix.
Libération de rebelles et prisonniers politiques en vue
Le futur président de Rodrigo Duterte a d’ores et déjà promis la libération de rebelles et de prisonniers politiques avant même le début des négociations de paix, ce qu’avait toujours refusé le gouvernement du président sortant, Benigno Aquino. « Le clergé pourrait jouer le rôle de garant pour la libération de rebelles », avait proposé, début juin, Fidel Agcaoili, l’un des négociateurs de la guérilla communiste.
Sur les 561 détenus politiques répertoriés aux Philippines, 304 ont été arrêtés après l’arrivée au pouvoir de Benigno Aquino, souligne Selda, une association d’anciens prisonniers citée par Ucanews. Les prisons philippines sont en outre réputées pour leurs conditions de détention particulièrement difficiles.
Sous la présidence de Benigno Aquino (2010-2016), les pourparlers de paix entre le Front national démocratique et le gouvernement ont échoué une première fois en 2011, les pré-conditions posées par chacune des parties étant refusées par l’autre partie. En 2013, ils ont de nouveau abouti à une impasse, les communistes exigeant la libération préalable de leurs prisonniers. Le dernier accord remonte à 1999, avec la signature entre Manille et le NDF d’une déclaration sur « le respect des droits de l’homme et du droit humanitaire international », accord à la portée toutefois limitée car ne portant pas sur les réformes sociales et économiques demandées par les communistes.
(eda/md)