Eglises d'Asie – Inde
Jammu-et-Cachemire : démissions en masse des chefs de village après l’assassinat de plusieurs d’entre eux par les islamistes séparatistes
Publié le 28/09/2012
Jeudi 27 septembre, une délégation d’élus locaux du Jammu-et-Cachemire a rencontré à New Delhi le secrétaire général du Parti du Congrès, Rahul Gandhi, afin de trouver une issue à la vague de meurtres et de démissions qui touche les panchayats, rapporte le Kashmir Times.
Les gram panchayats (distincts deskhap panchayats, assemblées de caste) sont aujourd’hui considérés par l’Inde comme la base de son système démocratique. Fonctionnant à l’échelon des villages, ils forment des assemblées d’élus à la tête desquels siègent le sarpanch et son adjoint, le panch, tous deux désignés pour cinq ans. Leurs pouvoirs, qui diffèrent selon les Etats, équivalent plus ou moins à ceux d’un maire et de son conseil municipal.
D’avril à juin 2011 se sont tenues les premières élections par voie démocratique depuis trente ans, de panchayats au Jammu-Cachemire. Cet événement qualifié d’historique laissait présager aux populations locales un vent de liberté et de démocratie. Plus de 40 000 responsables locaux avaient été élus avec un taux de participation au scrutin de près de 80 %, malgré les menaces et appels au boycott des extrémistes séparatistes. Malgré le fait que le pouvoir accordé aux nouveaux élus locaux était encore peu important, sous l’impulsion des panchayats, des initiatives avaient pu être prises, surtout dans les zones rurales les plus pauvres, comme la construction d’écoles, de centres de soins, de routes, ou encore l’installation de l’électricité dans des villages isolés.
Mais très vite, des menaces à l’encontre des nouveaux élus, suivis de meurtres, commencèrent à ébranler le système encore fragile des panchayats. Ces derniers mois, des campagnes d’intimidation, notamment par voie d’affichage dans le sud de l’Etat, ont menacé les sarpanchs « de terribles conséquences » s’ils persistaient à siéger dans les panchayats.
Selon Shafiq Mir, sarpanch dans le district de Poonch et président de la Conférence des panchayats du Cachemire, les menaces et les premiers meurtres ont commencé lorsque les factions séparatistes ont demandé aux sarpanchs et panchs (les panchayats sont élus hors liste politique) d’adhérer à leur parti. Depuis, explique Shafiq Mir, dans le quotidien en ligne FreePressKashmir du 26 septembre, au moins dix élus ont été assassinés, la plupart d’entre eux dans la partie nord de l’Etat, entraînant la démission de centaines de panchs et de sarpanchs terrorisés à l’idée de subir le même sort.
Dans un contexte de recrudescence des tensions au Cachemire indien, avec les fortes réactions de colère et les manifestations contre le film islamophobe diffusé sur YouTube, les deux derniers assassinats en date ont engendré une vague de panique plus forte que les précédentes. Bien que le gouvernement s’en tienne toujours à la version officielle d’une cinquantaine d’élus ayant donné leur démission (laquelle selon lui n’aurait pas été acceptée), les sources locales affirment qu’au moins 400 panchs et sarpanchs ont annoncé ces derniers jours par publication dans la presse, abandonner leur poste, faisant monter le nombre des démissionnaires à près de 800.
Lundi 24 septembre, 53 élus du district de Baramulla, au nord de l’Etat, publiaient l’annonce de leur « démission pour raisons personnelles » dans le journal local en langue ourdoue. Cette annonce suivait de peu l’assassinat deux jours plus tôt, le 22 septembre, du sarpanch de Nowpora Kreeri, du district de Baramulla, Mohammad Shafi Teeli, 37 ans. L’élu municipal avait été abattu à bout portant de plusieurs balles dans la tête par des inconnus alors qu’il rentrait chez lui. Moins de deux semaines plus tôt, toujours dans le district de Baramulla, Ghulam Mohammad Yatoo, sarpanch de Palhalan, avait été lui aussi assassiné de la même manière, alors qu’il sortait de la mosquée. Depuis, plus d’une centaine d’élus des panchayats ont démissionné dans le district de Baramulla.
Face à l’augmentation des défections, le gouvernement du Jammu-et-Cachemire a annoncé que les renonciations de poste signifiées par voie de presse ou par proclamation dans les mosquées ne seraient pas prises en compte, demandant aux élus de suivre la procédure légale. Quant au ministre-président de l’Etat, Omar Abdullah, il a fermement enjoint aux représentants locaux de rester à leur poste. « Le gouvernement, a-t-il assuré, fera tout son possible pour rétablir la sécurité de tous. Créer un réseau de fonctionnaires fiables et motivés à l’échelon local, reste l’un de nos principaux objectifs. » Les panchayats représentent la première étape d’un système démocratique, a encore affirmé le ministre-président, ajoutant que le gouvernement « ne resterait pas un spectateur silencieux » devant cette tentative de déstabilisation.
Bien que les « groupes de militants », selon le terme utilisés par la presse indienne, à l’origine de cette campagne de terreur n’aient pas été clairement identifiés et les assassinats jamais revendiqués, les représentants des conseils de village sont nombreux à certifier que les menaces émanaient des mouvements terroristes liés au Lashkar-e-Taiba (groupe islamiste basé au Pakistan, à l’origine des attentats de Bombay de 2008 ainsi que de nombreuses attaques au Cachemire indien) ou au Jaish-e-Mohammad.
Quant à la police locale, elle évoque la coalition séparatiste musulmane cachemirie Hurriyat, qui rassemble plusieurs partis militant pour l’autonomie de cette région. L’un des leaders du mouvement, Syed Ali Shah Geelani, s’est défendu lors d’une conférence de presse le 12 septembre dernier d’une quelconque implication dans les assassinats. « Les assassins des sarpanchs et panchs doivent être punis. Nous considérons les politiciens pro-indiens, et parmi eux les membres des panchayats, comme des ennemis de la nation, mais nous nous contentons de les affronter politiquement. »
Cependant, le chef de Hurriyat n’a pas manqué de lancer quelques jours plus tard un appel à rejoindre le camp des séparatistes aux démissionnaires, dont il a salué la décision. Ce vendredi 28 septembre, le mouvement séparatiste a appelé également à un bandh (grève générale accompagnée d’une opération ‘ville morte’) afin de protester contre la visite dans l’Etat du président indien, Pranab Mukeerjee, rapporte le Kashmiri Observer.