Eglises d'Asie

Soixante réfugiés nord-coréens baptisés dans la foi catholique à Séoul

Publié le 24/06/2016




« Chacun ici a des blessures et des souffrances. Vous avez parcouru un long chemin et aujourd’hui, c’est une renaissance en Dieu que vous vivez, une nouvelle vie en compagnie de notre Seigneur qui prend soin de chacun d’entre nous et nous aime sans mesure. Je vous souhaite une joyeuse nouvelle vie ». Telles sont …

… les paroles que le P. Raymond Lee Jong-nam a prononcé le 18 juin dernier à l’adresse de soixante réfugiés nord-coréens qui, ce jour-là, ont été baptisés à la paroisse catholique de Banpo 4-dong, à Séoul.

Pendant plusieurs mois, le P. Lee Jong-nam a préparé et accompagné les catéchumènes nord-coréens par des catéchèses sur les fondamentaux de la foi catholique et sur les enjeux de la vie spirituelle. « Nous sommes ici pour une seule chose : l’amour. Je remercie le P. Lee pour l’affection profonde qu’il nous a témoignée, tel un père pour ses enfants, et je veux vivre pleinement cette nouvelle vie dans ma paroisse », a confié Yang, un des nouveaux baptisés qui, il y a deux ans, a fui son pays, la Corée du Nord, au prix d’un long périple.

 

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Le P. Lee Jong-nam, le 18 juin 2016, lors du baptême de soixante réfugiés nord-coréens. ©The Catholic Times of Korea

 

Le cardinal Andrew Yeom Soo-jong, archevêque de Séoul, avait pour l’occasion fait parvenir un message de bienvenue aux nouveaux baptisés, accompagné d’un chapelet pour chacun. « Vous tous avez traversé de terribles souffrances et vous êtes assoiffés d’amour. Je vous donne tout l’amour que je peux vous donner en tant que père. Que votre nouvelle vie soit joyeuse », a-t-il souhaité aux baptisés.

 

Un accompagnement de proximité

Le P. Lee Jong-nam travaille depuis de nombreuses années auprès des réfugiés nord-coréens, en Corée du Sud. Lorsqu’ils arrivent à Séoul, les réfugiés sont envoyés dans un centre de réhabilitation à Hanawon, à une heure au sud de la capitale, où ils suivent des cours pour se familiariser et s’adapter à la vie et à la société capitaliste sud-coréenne, aux antipodes de la vie qu’ils ont connue en Corée du Nord. Des membres de différentes confessions religieuses – bouddhistes, protestants, catholiques – participent activement à la vie matérielle de ce centre de réadaptation, en fournissant des vivres et en proposant d’assister des offices religieux.

Selon des statistiques gouvernementales sud-coréennes, près de 30 000 Nord-Coréens ont fui leur pays, notamment depuis la famine des années 1994-1998, et vivent aujourd’hui en Corée du Sud. « Je suis sûr que de nombreux nouveaux baptisés nord-coréens iront, un jour, évangéliser en Corée du Nord », a confié le P. Lee Jong-nam. Présage utopique ou souhait manifeste de l’Eglise catholique de Corée ?

 

Un futur clergé pour le Nord ?

Mgr Lucas Kim Woon-hoe est l’évêque catholique de Chunchon (Chuncheon), un diocèse suffragant de l’archidiocèse de Séoul, en Corée du Sud. Il est aussi l’administrateur apostolique de Hamhung, un diocèse situé en Corée du Nord dont le territoire couvre les provinces de Hamkyeong-Nord et Hamkyeong-Sud. Cette dernière responsabilité est plus théorique que concrète, étant donné que le régime nord-coréen interdit bien entendu tout contact entre Mgr Kim et les éventuels chrétiens qui pourraient vivre dans ces deux provinces nord-coréennes. Cela n’a toutefois pas empêche Mgr Kim de signer il y a quelques semaines un accord entre son diocèse de Chunchon et le diocèse de Hamhung.

Par cet accord, le diocèse de Chunchon s’engage à former certains de ses propres séminaristes pour que, une fois ordonnés, ils se consacrent à la mission en Corée du Nord. La formation, classique pour l’essentiel, comptera un volet spécifique, relatif au ministère pastoral en Corée du Nord. A terme, un jour, sans qu’il soit possible aujourd’hui de dire quand, ces prêtres officieront dans le diocèse de Hamhung, avant ou après une éventuelle réunification de la péninsule, a précisé Mgr Kim, ajoutant : « Etant donné que la formation au ministère sacerdotal est longue, nous commençons dès à présent ». Les prêtres concernés seront ordonnés pour le diocèse de Chunchon, tout en étant incardinés au sein du diocèse de Hamhung.

Hamhung est le second diocèse à travailler ainsi à la formation d’un futur clergé pour la Corée du Nord. L’archidiocèse de Séoul, dont l’archevêque est aussi administrateur apostolique du diocèse de Pyongyang, forme également des prêtres pour le territoire nord-coréen. En février 2016, le premier prêtre formellement incardiné dans le diocèse de Pyongyang a ainsi été ordonné à Séoul.

D’après l’ONG Portes Ouvertes (1), sur les 300 000 chrétiens vivant en Corée du Nord, 60 000 seraient derrière les barreaux ou en camps de travail en raison de leur foi. Des chiffres impossibles à recouper de manière indépendante. Selon les statistiques de Pyongyang, 3 000 catholiques « pratiquent librement leur foi », sous la tutelle de l’Association catholique coréenne, entièrement contrôlée par le régime, et en l’absence de tout clergé. Pour les Nations Unies, les catholiques ne seraient que 800. Au sein de l’Eglise catholique en Corée du Sud, on préfère parler d’« Eglise du silence » lorsqu’il s’agit d’évoquer la possibilité que des communautés chrétiennes aient pu survivre à plus d’un demi-siècle d’un régime totalitaire officiellement athée.

(eda/nfb)