Eglises d'Asie

Sumatra : tentative d’assassinat d’un prêtre catholique en pleine messe

Publié le 29/08/2016




Dimanche 28 août, le P. Albert Pandiangan, un prêtre capucin âgé de 60 ans, a été la cible d’une attaque terroriste alors qu’il célébrait la messe en son église Saint-Joseph de Medan, ville située sur la côte nord-est de l’île de Sumatra. Une attaque probablement inspirée de … 

 … l’attentat commis le 26 juillet dernier à Saint-Etienne-du-Rouvray, près de Rouen, en France, attentat au cours duquel le P. Jacques Hamel avait trouvé la mort, égorgé par deux terroristes se réclamant de l’organisation Etat islamique.

Dimanche, le P. Pandiangan prononçait son sermon lorsqu’un jeune homme s’est précipité sur lui. Après avoir vainement tenté de faire exploser la bombe artisanale qui était dans son sac, Ivan Armadi Hasugian, jeune musulman de 17 ans, s’est jeté sur le prêtre catholique en brandissant une hache et un couteau. Des paroissiens ont toutefois pu intervenir et le stopper dans son élan. Le prêtre s’en est sorti avec une simple blessure au bras gauche et le garçon a été arrêté par la police.

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L’enquête suit son cours pour connaître les motivations d’Ivan Armadi Hasugian. Le garçon a déclaré à la police qu’une récompense de 10 millions de roupies (132 000 euros) lui avait été promise par deux hommes rencontrés quelques jours avant l’attaque, pour faire exploser la bombe dans l’église. Des paroissiens assurent effectivement avoir vu deux hommes fuir l’église Saint-Joseph, après l’échec manifeste de l’attentat. La police de Medan les recherche toujours.

Un bout de papier portant le symbole de l’Etat islamique (Daech) et l’inscription en arabe « La ilaha illa Allah » (‘nulle divinité sinon Allah’) a été retrouvé dans le sac d’Ivan Armadi Hasugian après son arrestation. Selon Mardiaz Kusin Dwihananto, chef de police de Medan, les actes de violence de ce jeune musulman auraient été inspirés par l’assassinat du P. Hamel en l’église Saint-Etienne-du-Rouvray, près de Rouen, le 26 juillet dernier. Cette fois-ci cependant, l’attentat n’a pas été revendiqué par l’Etat islamique. D’après la police, citée par Reuters, l’assaillant était bien « obsédé » par Daech sans pour autant être entré en contact avec les réseaux djihadistes.

Muliawan Margadana, président du Mouvement des intellectuels catholiques en Indonésie, y voit toutefois un message de la part de l’organisation islamiste. Celui d’être en mesure de semer la terreur dans les lieux les plus paisibles, comme dans une église paroissiale près de Rouen ou à proximité de Medan. Margadana a appelé le gouvernement à prendre des mesures pour protéger les croyants et leurs lieux de culte.

Pays très majoritairement musulman (85 % des 240 millions d’habitants) où vivent d’importantes minorités religieuses (dont 10 % de chrétiens), l’Indonésie a connu ces dernières années des épisodes terroristes importants. Un traitement policier de ces violences a éloigné cette menace, sans toutefois jamais la faire complètement disparaître. Les 29 et 30 juillet derniers, une dizaine de temples bouddhistes ont été attaqués à Tanjung Balai, au sud de Medan, sans faire de victimes mais provoquant des dégâts matériels importants. Par ailleurs, la Commission nationale des droits de l’homme, une instance indépendante à Djakarta, dénonce la montée du radicalisme au sein de la population musulmane, tendance qui s’est traduit ces trois dernières années par une hausse des atteintes à la liberté religieuse pour les minorités.

Publié début août par l’Institut des Hautes études islamiques, institut fondé par l’ancien président de la République Abdurrahman Wahid, un rapport estime que 8,1 % des adultes musulmans du pays, soit un groupe de 12 millions de personnes, sont soit radicalisés soit susceptibles de le devenir. L’Institut appelle notamment le gouvernement central à exercer un contrôle plus fort sur les autorités locales, communales, régulièrement impliquées dans les actes d’intolérance religieuse, et à continuer la lutte contre le radicalisme et ainsi que contre les groupes tels l’Etat islamique, qui ne cachent pas leur volonté de s’implanter en Indonésie. Des campagnes de prévention anti-extrémisme ont été mises en place par les autorités.

Mgr Ignatius Suharyo Hardjoatmodjo, archevêque de Djakarta et président de la Conférence des évêques catholiques d’Indonésie, a qualifié d’« inhumaine » l’attaque visant le P. Albert Pandiangan. « La terreur et la violence ne règleront rien. Elles ne sont qu’une source de souffrance », a-t-il précisé. L’archevêque de Medan, Mgr Anicetus Bongsu Sinaga, a quant à lui déclaré que l’affaire allait être traitée sans préjugés, et a appelé les catholiques des différents diocèses de la région à l’ordre et à la paix.

(eda/mj)