Eglises d'Asie

Meurtre du recteur du séminaire de Bangalore : inculpation de trois prêtres et de deux laïcs

Publié le 18/06/2014




Hier 17 juin, la police criminelle de Bangalore a formellement inculpé cinq personnes pour le meurtre du recteur du séminaire pontifical Saint-Pierre, commis dans la nuit du 31 mars au 1er avril 2013. Trois des cinq inculpés sont des prêtres …

… de l’Eglise catholique tandis que les deux autres sont des laïcs. La police a toutefois précisé que l’enquête se poursuivait et que « plus de preuves devaient être rassemblées ».

L’affaire de l’assassinat du P. K. J. Thomas, qui était le recteur de cette institution respectée du sud de l’Inde (1), sème le trouble dans la communauté catholique du Karnataka. Dès le départ, les enquêteurs ont orienté leurs investigations vers une affaire de rivalité interne au séminaire et à l’Eglise locale. Après plus d’une année d’enquête sans résultat, l’annonce, le 21 mars dernier, de l’arrestation de deux prêtres catholiques et d’un ex-séminariste avait fait grand bruit. Aujourd’hui, l’annonce de l’inculpation de ces trois personnes ainsi que de celle de deux autres complices, dont un troisième prêtre catholique, ne semble pas de nature à refermer le dossier.

En effet, lors de la conférence de presse qui a suivi l’annonce de l’inculpation et du transfert du dossier d’accusation de la police au parquet de Bangalore, le responsable de la police criminelle de Bangalore, Pranab Mohanty, a déclaré que l’inculpation avait été prononcée ce 17 juin pour des raisons de procédure. La loi indienne fixe en effet à 90 jours maximum le délai entre l’arrestation d’un suspect et son déferrement éventuel devant la justice. Les trois principaux suspects ayant été arrêtés le 21 mars dernier, l’acte d’accusation devait être transmis à la justice avant le 18 juin 2014.

Selon la police, les enquêteurs ont mis à jour « l’affaire dans sa totalité ». Les PP. Elias Daniel et William Patrick ainsi que l’ex-séminariste désigné sous le seul nom de Peter ont agi avec la complicité active d’un troisième prêtre, désigné sous le nom de P. Francis, et d’un certain Swami, ces deux dernières personnes échappant toujours aux poursuites de la police. Le soir du meurtre, l’examen des contacts laissés par les téléphones portables de ces cinq personnes sur les bornes relais de téléphonie mobile ont montré qu’elles se trouvaient à proximité immédiate du séminaire.

Sur le mobile du crime, la police a réaffirmé ses conclusions, déjà rendues publiques auparavant, à savoir que ce sont des rivalités internes à l’institution qui sont la cause du meurtre. Les personnes inculpées tenaient le recteur pour responsable du non-avancement de certaines personnes dans la hiérarchie du séminaire ; les prêtres du Karnataka s’exprimant en langue kannada auraient été désavantagés par rapport aux prêtres tamoulophones originaires du Tamil Nadu ; une querelle au sujet de la détention des titres de propriété du séminaire aurait également joué un rôle dans le meurtre.

Toujours selon ce responsable de la police criminelle de Bangalore, les motifs derrière le meurtre sont « compliqués » et « ce n’est pas quelque chose qui s’est développé en un jour ou deux : l’inimitié a pris racine il y a quatre ans au moins, lorsque [le P. K. J. Thomas] a été confirmé dans ses fonctions de recteur pour un deuxième mandat consécutif ». Le responsable a aussi ajouté que « l’enquête se poursuivait » et que « des preuves supplémentaires devaient être rassemblées ».

Depuis les arrestations du 21 mars dernier, une association de prêtres kannada dénonce ce qu’elle perçoit comme « un coup monté » visant les prêtres du Karnataka de langue kannada. Réunis en un « Forum des prêtres kannada du Karnataka », ils réclament le dépaysement de l’enquête au profit des policiers fédéraux du Central Bureau of Investigation. Ils estiment que le ministre de l’Intérieur du Karnataka, le catholique K. J. George, est défavorable à leur cause et agit de mèche avec Mgr Bernard Moras, archevêque de Bangalore.

Du côté de l’archevêché, aucun commentaire n’a été publié à l’annonce des inculpations.

Conscient des divisions qui minent son diocèse, Mgr Moras a lancé, le 5 mars dernier, « une année de la réconciliation ». La prière à laquelle sont appelés l’ensemble des diocésains comporte cette demande : « Aide-nous, Seigneur, à bâtir un monde où tous auront leur place, où les flammes de la haine soient éteintes et où tous puissent grandir ensemble en formant une seule communauté. »

(eda/ra)