Eglises d'Asie

Le Népal au bord d’une grave crise humanitaire

Publié le 24/11/2015




« Les dégâts économiques, sociaux et psychologiques des manifestations et du blocus sont bien pires que celles du tremblement de terre », a déclaré le Premier ministre népalais, Sharma Oli, après que le gouvernement a mis en vente des dizaines de tonnes de bois pour tenter de palier à la pénurie de …

… gaz domestique et de fioul qui paralyse le pays depuis le mois de septembre dernier, empêchant l’acheminement de l’aide humanitaire auprès des victimes. « Si cette crise perdure, nous ne pourrons plus aider les victimes du tremblement de terre », a soupiré Prakash Khadka, coordinateur de la Caritas Nepal.

Le Népal accuse l’Inde de vouloir « l’asphyxier », en soutenant « officieusement » la minorité d’origine indienne, les Madhesi (1), qui représentent près de 20 % de la population népalaise (28 millions d’habitants). S’estimant lésés par la nouvelle Constitution népalaise, tout comme la minorité indigène Tharu (2) qui vit également dans la plaine du Teraï, ils bloquent, depuis le mois de septembre, l’acheminement des convois de transport aux frontières indiennes, en attendant un redécoupage des Etats fédéraux et une meilleure représentation au Parlement.

La plaine du Teraï (3) est en effet le principal point d’approvisionnement en marchandises et carburant pour ce pays enclavé entre deux géants, l’Inde et la Chine. Alors que l’hiver approche à grands pas sur la chaîne de l’Himalaya, le Népal manque aujourd’hui cruellement de médicaments, de fioul domestique, de gaz et d’autres biens de première nécessité, la fermeture des postes frontières entre l’Inde et le Népal empêchant l’acheminement des vivres, et particulièrement l’aide humanitaire destinée aux victimes du tremblement de terre du 25 avril dernier. Neuf mille personnes avaient alors perdu la vie et un demi-million de Népalais s’étaient retrouvés sans-abri.

 

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Légende : A Katmandou, des Népalais à l’abri sous des tentes, font la queue pour se ravitailler en gaz.
(Zuma Wire/Rex Shutterstock)

Depuis plus d’un mois, c’est une double peine qui s’abat sur les villageois des 15 districts les plus touchés par le tremblement de terre : parmi eux, les districts de Sindhupalchowk, Dolakha et Ramechap se retrouvent une fois de plus isolés dans les montagnes, alors que le rude hiver se fait déjà sentir. « Toutes nos actions en lien avec le tremblement de terre, que ce soit l’acheminement de provisions, de matériel scolaire, l’aide aux familles des victimes, ou les formations à la reconstruction dispensées auprès des villageois, sont affectées par la pénurie d’essence qui nous empêche d’utiliser nos camions et de nous rendre dans les villages les plus touchés », déplore le P. Jijo John, de la famille salésienne de Don Bosco, ajoutant que « sans essence, il est très difficile de se déplacer ».

Selon Caritas Nepal, ce sont près de 70 000 foyers qui souffrent du manque d’approvisionnement du fait du blocus. « Avant, nous envoyions 12 à 15 véhicules d’approvisionnement par jour ; depuis, nous n’arrivons à envoyer que deux camions », précise le coordinateur de la Caritas Nepal.

D’après l’ONG chrétienne MEDAIR (4), le district de Sindhupalchowk, situé en région montagneuse dans le nord-est du pays, a été l’un des plus touchés par le tremblement de terre, avec 98 % de ses maisons détruites. « De nombreux villages étaient déjà difficilement accessibles du fait de routes coupées et de glissements de terrain. Avec les pénuries de carburant et les pluies de la mousson, notre tâche est devenue extrêmement difficile. Chaque fois que nous le pouvons, nous avons rejoint ces villages en camion. Quand nous étions bloqués, nous avons dû nous y rendre en hélicoptère ou à pied, avec des porteurs », explique James Mc Dowell, représentant de MEDAIR pour le Népal. « Dans les montagnes, des milliers de familles sinistrées vivent toujours dans des abris temporaires alors que l’hiver approche. Ces familles seront bientôt confrontées à la neige et à des températures glaciales, ce qui pourraient mettre leur vie en danger », s’inquiète-t-il.

Le 20 novembre dernier, face à la montée de l’indignation générale, les opposants à la nouvelle Constitution ont, « pour des raisons humanitaires », laissé passer quelques poids-lourds transportant du matériel médical et des médicaments. « Ce ne sont pas quelques camions qui vont régler la crise », a déclaré Shankar Ghimire, président de l’Association des producteurs pharmaceutiques du Népal. Le pays importe 60 % de ses médicaments de l’Inde voisine et, ces dernières semaines, les hôpitaux se sont vus contraints de réduire le nombre d’opérations d’urgence, faute d’approvisionnement suffisant.

Depuis le mois de septembre, les heurts entre les manifestants de la plaine du Teraï et la police ont fait plus de 40 morts. Samedi 21 novembre, quatre personnes ont été tuées, d’après la BBC. Alors que le pays est asphyxié et paralysé, même les vols intérieurs ont été annulés faute de ravitaillement en kérosène. Les services publics de santé et de transports fonctionnent au ralenti, et bon nombre d’usines et d’écoles ont été fermées. D’après l’Unicef, dans la plaine du Teraï, ce sont plus de 1,5 million d’enfants qui sont privés d’instruction, faute de pouvoir se rendre dans les écoles.

Pour faciliter le transport de marchandises, la Chine a rouvert plusieurs postes frontières. Fin octobre, le Népal a signé un contrat d’approvisionnement en carburant avec la Chine, mettant fin au monopole historique de l’Inde. Néanmoins, la principale route qui relie les deux pays, via l’Himalaya, appelée « route de l’amitié Népal-Chine », reste une des plus dangereuses au monde. Et elle ne pourra, à elle seule, pallier aux conséquences du blocus indien, 60 % des importations népalaises provenant d’Inde, contre seulement 13 % de Chine. Pour Antony Lake, directeur général de l’Unicef, « c’est l’avenir du pays lui-même qui est menacé par ce blocus ».

(eda/nfb)