Eglises d'Asie

Pourquoi l’Eglise catholique n’est-elle pas membre du Front patriotique du Vietnam ?

Publié le 18/03/2010




Dans ses relations avec les autorités de l’Etat et du Parti, le catholicisme vietnamien se trouve dans une position marginale si on le compare aux autres religions du pays. Alors que toutes les autres confessions religieuses doivent, pour fonctionner dans la légalité, devenir membres du Front patriotique, l’Eglise romaine n’a jamais eu à officialiser de tels liens (16). L’Eglise bouddhiste du Vietnam, fondée en novembre 1981 (17) reconnaît officiellement son appartenance au Front, appartenance refusée cependant par les dirigeants du bouddhisme unifié, qui aujourd’hui encore réclament une autonomie complète par rapport au pouvoir (18). Tout récemment, diverses branches du caodaïsme (la secte de Ban Chinh de Bên Tre, la secte Dai Minh de Cà Mau, l’Eglise cao dai de Tây Ninh) (19) ainsi que le bouddhisme hoa hao (20) ont pu retrouver une existence et des activités officielles grâce à la création d’un présidium ou d’un directoire affirmant ouvertement son rattachement au Front. Au contraire, lors de sa fondation en 1980, il n’a jamais été question que la Conférence épiscopale catholique affirme et inscrive dans ses statuts une telle subordination (21).

Un article paru dans le supplément mensuel de l’organe du Comité d’union du catholicisme à Hô Chi Minh-Ville (22), rédigé à l’occasion de la tenue du Congrès national du Front patriotique à Hanoi du 26 au 28 août 1999, s’interroge sur cette singularité de l’Eglise catholique. L’auteur, Huong Khe, nom de plume d’un membre important de la rédaction, commence par dresser la liste des 15 prêtres qui ont participé au congrès du Front, 7 du Nord-Vietnam, 8 du Sud-Vietnam, tous, par ailleurs, membres du Comité d’union du catholicisme. A la question : Ces prêtres représententils l’Eglise au sein du Front patriotique la réponse de l’article est claire et sans aucune ambiguïté : La participation des prêtres et religieux catholiques n’est pas la participation de l’Eglise” (23). Ils ne sont, ajoute-t-il, que les représentants du mouvement des catholiques patriotes, rejeton du mouvement de résistance des catholiques pendant la guerre anti-française. Cependant, affirme l’article, ils jouissent pour la plupart, de l’autorisation de leurs ordinaires respectifs (24), autorisation rendue nécessaire à cause de deux articles du droit canon (278,3 et 287,2) qui interdisent aux prêtres les activités politiques et surtout de la lettre du cardinal Sodano du 20 mai 1992 mettant en garde contre la participation des prêtres au Comité d’union (25). Le Comité d’union du catholicisme est une des 29 associations membres du Front, mais il ne représente en aucune façon l’Eglise catholique, pas plus aux yeux de la hiérarchie catholique, que dans l’esprit des dirigeants du pays. Ces derniers, aux dires de l’article, auraient souhaité que, comme pour toutes les autres religions, un membre important de la hiérarchie catholique figurât dans la liste du Comité central du Front.

Pourquoi donc une telle anomalie ? L’Eglise catholique a-t-elle raison de se tenir à l’écart du Front patrio- tique ? Avant de répondre à cette question précise, l’auteur cite la position du bouddhisme unifié à cet égard et mentionne le refus de se soumettre au Front patriotique exprimé par le vénérable Thich Quang Dô dans sa récente lettre aux ambassadeurs européens (26). Mais Huong Khe semble donner raison à l’Eglise bouddhiste officielle d’être devenue membre du Front patriotique, une décision, dit-il, utile à la nation et à la religion. Quant à l’Eglise catholique dira l’auteur, il lui était difficile, à cause de son appartenance à l’Eglise universelle, de devenir membre du Front, mais, cela ne signifie pas qu’elle ne doit pas y être présente.

La conclusion de l’article est pessimiste. Si le catholicisme ne manifeste que peu d’intérêt pour le Front patriotique et la mobilisation de toutes les religions au service de l’édification de la patrie, cela est dû au vieux fond d’anti-communisme du monde catholique, attitude qui s’expliquerait par des raisons historiques. Selon l’auteur, 25 ans après la changement de régime du 30 avril 1975, cet état d’esprit resterait inchangé. Plus encore la participation de l’Eglise à l’édification du pays irait en déclinant.