Eglises d'Asie

Les évêques inaugurent le pèlerinage de « la route des martyrs »

Publié le 16/09/2013




Les évêques catholiques de Corée du Sud ont pris leur bâton de pèlerin le 10 septembre dernier afin d’encourager les croyants catholiques à mettre leurs pas dans ceux de leurs « prédécesseurs dans la foi », qui ont fondé dans le sang l’Eglise coréenne. 

Dans une démarche représentant une grande première pour l’Eglise locale, 21 évêques ont fait le 10 septembre dernier un pèlerinage à pied sur les traces des martyrs de Corée. Les prélats, accompagnés de quelque 300 prêtres, religieux et laïcs, étrennaient un itinéraire « aux sources de l’évangélisation » conçu tout spécialement par la Conférence des évêques catholiques de Corée (CBCK) dans le cadre de l’Année de la Foi.

Le choix de la date n’était pas dû au hasard, le « mois des martyrs » étant traditionnellement célébré en septembre par l’Eglise de Corée du Sud, et le 20 septembre prochain étant selon le calendrier sanctoral, la fête de saint André Kim Tae-gon (Dae-geon) et de ses compagnons, que l’on nomme plus communément les « 103 martyrs » (1).

C’est au XVIIe siècle, sous la dynastie Joseon (Djo-son ou Choseon, 1392-1910), d’inspiration confucéenne, que fut introduit le catholicisme en Corée. Mais le premier Coréen catholique fut Pierre Yi-Sung-hun (1756-1801), baptisé en Chine, qui devint un fervent missionnaire de retour dans son pays. Toutefois, la condamnation par l’Eglise des rites confucéens du culte des ancêtres déclencha l’affrontement entre les chrétiens, la morale confucéenne et les usages de la dynastie Joseon. Plusieurs vagues de persécutions s’abattirent alors sur les chrétiens de Corée du XVIIIe siècle à la fin du XIXe siècle.

Préparée de longue date par l’équipe pastorale de l’archidiocèse de Séoul, cette « route des martyrs » se veut un moyen de faire connaître aux croyants les lieux saints de leur pays tout en les sensibilisant à une démarche de foi consistant à « mettre ses pas dans ceux de leurs prédécesseurs dans la foi ».

« Notre vie peut paraître moins fructueuse si on la compare à celle de nos martyrs. Aussi nous, les évêques, sommes venus mettre nos pas dans les leurs pour partager leurs souffrances », écrit  Mgr Peter Kang U-il, président de la CBCK et évêque de Cheju, sur le site de la CBCK le 13 septembre dernier.

« Il y a tant à découvrir [à travers] leur exemple, lequel peut nous permettre de faire grandir notre dialogue avec le Seigneur », a déclaré de son côté Mgr Andrew Yeom Soo-jung, archevêque de Séoul, lors de la messe d’inauguration de ce chemin de pèlerinage le 2 septembre dernier, célébrée dans la cathédrale de Myeong-dong sous l’intitulé « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ».

Donnant l’exemple, les évêques ont pris leur bâton de pèlerin et ont inauguré eux-mêmes le « chemin des martyrs » dont les routes ont été pavées tout récemment par l’archidiocèse. « La plupart de ces sites sont inconnus des catholiques de Séoul», regrette Mgr Yeom, qui reconnaît que la principale raison est qu’il « ne reste pratiquement aucune trace de ces grandes persécutions, hormis le monument érigé sur le sanctuaire de Seosumun ». L’itinéraire comprend sept lieux principaux de pèlerinage, étalés sur un parcours balisé s’étendant sur une dizaine de kilomètres au sud de Séoul.

L’archidiocèse a également lancé un site Web sur lequel on peut découvrir la vie des martyrs et l’itinéraire de « la route des saints ». Une application pour smartphone sera bientôt disponible. Pour les « croyants plus âgés », la CBCK prépare des prospectus, qui seront envoyés dans chaque paroisse.

Mardi 10 septembre, le pèlerinage des évêques a commencé par un temps de prière dans la chapelle du campus de la faculté de théologie Songsin, l’Université catholique de Corée, où se trouvent des reliques de saint André Kim Taegon, premier prêtre coréen martyr, décapité le 16 septembre 1846.

Les pèlerins se sont rendus ensuite à Left Podo-cheong, lieu d’exécution de plusieurs martyrs, où s’élève aujourd’hui le quartier général de la police, à gauche du palais de Kyeongbok datant de la dynastie Joseon.

Le pèlerinage s’est poursuivi par une étape à Supyo-gyo, un pont se trouvant près de l’ancien lieu de résidence de Yi Byeok, l’un des fondateurs de l’Eglise primitive de Corée (martyrisé en 1785), avant de s’acheminer vers la cathédrale de Myeongdong, dont la crypte abrite les reliques de neuf martyrs coréens.

La quatrième étape du « parcours des saints » mène au au Seosomun Martyrs’ Shrine, construit sur les lieux où furent martyrisés 44 des 103 saints martyrs de Corée ainsi que de nombreux autres « serviteurs de Dieu morts pour leur foi dans les premiers temps de l’Eglise coréenne ». Les évêque se sont ensuite recueillis au Danggogae Martyrs’ Shrine, une colline où furent exécutés dix catholiques coréens.

Le Saenamteo Martyrs’ Shrine, où furent martyrisés onze prêtres aux débuts de l’évangélisation, représente l’avant-dernière étape de ce périple aux sources de la foi coréenne. Il précède le principal sanctuaire consacré aux martyrs, qui est aussi le plus connu des catholiques sud-coréens : le Jeoldusan Martyrs’ Shrine. Primitivement appelée Yongdubong (‘Sommet de la tête du dragon’), le lieu a été rebaptisé Jeoldusan (‘Montagne des décapitations’), après que 8 000 catholiques y perdirent la vie durant la persécution de 1866.

Aujourd’hui s’y dresse une église avec une crypte où reposent les restes de 28 martyrs de cette dernière grande vague de persécution. Le sanctuaire comprend également un musée et une grande statue de saint André Kim Dae-geon se dressant devant le site. Chaque 20 septembre, l’église Saint-André Kim Tae-gon de Jeoldusan accueille une foule de pèlerins pour la célébration de la fête des 103 martyrs.

Parallèlement à cette initiative de la « route des sains », l’archidiocèse œuvre toujours pour la béatification et la canonisation de quelque 126 autres martyrs, parmi lesquels figurent le P. Choi Yang-oeb, Paul Yun Ji-coong et leurs 123 compagnons, qui furent tués pour leur foi en 1801 (2). La CBCK espère que la question sera évoquée durant le consistoire du 30 septembre prochain et que ces canonisations pourront avoir lieu l’année prochaine, peut-être lors d’une éventuelle visite du pape François en Corée du Sud.

Selon le dernier rapport annuel de la CBCK de mai 2013, la croissance de l’Eglise en Corée du Sud est régulière malgré une baisse de la pratique des fidèles, une tendance amorcée il y a déjà plusieurs années. Une hausse de 1,6 % du nombre des baptisés a cette année, pour la première fois, fait dépasser à l’Eglise le chiffre de 10 % de la population totale du pays.

Forte de ce développement qui la fait surnommer « le tigre asiatique de l’Eglise », la communauté catholique de Corée du Sud s’est lancé un défi de taille avec l’ambitieux plan pastoral de la CBCK, diffusé dans les paroisses dès 2008. Intitulé « Evangelization Twenty Twenty », il prévoit d’augmenter de 20 % d’ici 2020 le nombre de catholiques sud-coréens.