Eglises d'Asie

Les évêques du Vietnam : « Comment ne pas s’inquiéter face à la grave détérioration des comportements individuels et collectifs »

Publié le 14/10/2016




Le texte vietnamien de la lettre ci-dessous a été publié sur le site de la Conférence épiscopale du Vietnam, le 7 octobre 2016. Titré « Lettre commune des évêques du Vietnam à la communauté du peuple de Dieu », il comporte deux parties nettement distinctes. La première recense et analyse un …

… certain nombre de maux dont souffre la société vietnamienne d’aujourd’hui, parmi lesquels la récente catastrophe écologique du Centre-Vietnam. La seconde traite de la famille, qui constituera l’orientation pastorale des trois prochaines années. La rédaction d’Eglises d’Asie a traduit en français le texte vietnamien.

Frères et sœurs bien-aimées,

Nous, les évêques du Vietnam, réunis en assemblée plénière au Centre pastoral de l’archidiocèse de Hô Chi Minh-Ville, du 3 aux 7 octobre 2016, nous envoyons nos salutations affectueuses à la communauté du peuple de Dieu au Vietnam. Que la paix soit avec vous !

1. Grâce aux comptes rendus des diocèses et des commissions épiscopales, nous sommes heureux de constater les progrès réalisés pendant l’Année de la miséricorde chez de nombreuses personnes, ainsi que dans les diverses communautés grâce à l’étude de la catéchèse, aux célébrations liturgiques, aux pèlerinages, aux actions morales et aux gestes vertueux réalisant l’esprit de miséricorde, qui était le thème mis en relief au cours de l’Année sainte 2016. Mais ceci ne signifie pas que nous ne vivions la miséricorde que durant cette année sainte. Puissiez-vous continuer de vivre dans cet esprit durant toute votre vie, pour être digne d’être les enfants de votre Père qui est aux cieux, riche en miséricorde.

2. Les sentiments que nous éprouvons nous invitent à partager nos joies et nos espérances, nos tristesses et nos soucis avec vous et avec tout le peuple vietnamien en général dans la société d’aujourd’hui.

Considérant la situation de notre pays aujourd’hui, à côté de certaines réalisations qui ont vu le jour, nous relevons chez vous ainsi que dans le peuple vietnamien tout entier différents soucis et préoccupations. Lorsque nous regardons la situation de notre pays, comment ne pas éprouver d’inquiétude face à la grave détérioration du comportement moral. La criminalité progresse non seulement pour le nombre d’infractions, mais aussi pour la gravité des crimes commis ; les avortements et la consommation de drogues se répandent surtout au sein de la jeunesse. Comment pourrait-on se réjouir de voir régner la corruption, pourtant considérée depuis longtemps comme un fléau national. Jusqu’à aujourd’hui, elle n’a jamais faibli ! Comment ne pas s’inquiéter devant l’actuelle salinisation des sols dans le delta du Mékong, devant la sécheresse sévissant aujourd’hui dans les provinces des Hauts Plateaux du Centre-Vietnam, devant la catastrophe écologique qui a pollué l’environnement maritime des provinces du Centre-Vietnam ! Et cela sans parler des menaces quotidiennes émanant des produits avariés et toxiques que l’on peut retrouver sur les comptoirs des boutiques ou sur les tables de nos familles !

Il existe des causes objectives, d’ordre global, qui ont conduit à la regrettable situation actuelle. Ainsi, l’éducation, trop orientée sur l’obtention des diplômes, ne s’est pas assez préoccupé de la formation humaine et spirituelle. La politique économique a trop exalté les intérêts, les forces de production, mais ne s’est pas intéressé à l’environnement vital de la population. Le peu de transparence et la faiblesse des forces engagées dans la gestion économique et l’organisation sociale ont créé un environnement propice à la corruption et à de nombreux autres fléaux. L’utilisation de la violence sous de nombreuses formes pour régler les problèmes a été préférée à l’écoute et au dialogue…

De façon particulière aujourd’hui, nous pensons aux souffrances que nos compatriotes des quatre provinces du Centre-Vietnam sont en train de subir à cause de la catastrophe écologique causée par la pollution maritime. Puissent les autorités écouter les aspirations légitimes de la population ainsi que les contributions sincères des personnalités et des intellectuels pour véritablement construire une société juste, démocratique et civilisée, la société à laquelle tout un chacun aspire.

3. A côté des motivations d’ordre global, évoquées ci-dessus, on ne peut pas ne pas mentionner les causes subjectives et la part de responsabilité de chacun d’entre nous. Chacune de nos actions, même minimes, contribue également (positivement ou négativement) à améliorer ou à détériorer l’environnement vital. Parlant du changement climatique dû à l’utilisation irresponsable des ressources naturelles, les évêques d’Asie ont rappelé aux catholiques des pratiques apparemment banales, comme économiser l’eau, utiliser des ampoules consommant peu d’électricité, couper le courant lorsqu’il n’est plus utilisé, ne pas brûler les ordures, ne pas disperser les déchets ménagers, ne pas utiliser de substances toxiques dans les travaux ruraux ou dans la production… Pareillement, nous devons contribuer à l’assainissement de la société en effectuant des choix et en pratiquant des gestes simples au cours de nos travaux et dans l’accomplissement de nos responsabilités quotidiennes, individuelles ou familiales. Avec la grâce de Dieu, courageusement, vivez conformément à votre conscience malgré les tentations, devenant ainsi des instruments de la paix divine en toutes circonstances, le sel de la terre pour « une civilisation de l’amour » et « une culture de la vie » qui remplacera un mode de vie porteur de haine et de mort.

4. Nous voudrions vous parler maintenant de l’orientation pastorale de notre Eglise pour les années à venir. Le 8 avril 2016, le pape François a publié l’exhortation apostolique « La joie de l’amour » (Laetitia Amoris), qui est la conclusion du synode des évêques sur la vocation et la mission de la famille dans le monde d’aujourd’hui. En Asie, la Fédération des Conférences épiscopales d’Asie (FABC) organisera une assemblée plénière, qui aura lieu à Colombo, au Sri Lanka, à la fin de l’année 2016. Il aura pour thème « la joie de l’Evangile et la famille à la lumière du synode des évêques ». En harmonie avec le rythme de vie de l’Eglise universelle comme de l’Eglise en Asie, nous vous proposons une « pastorale de la famille » qui sera étalée sur trois ans (2016-2019), avec des suggestions particulières pour chacune des années.

  • • Année 2016-2017 : Préparation des jeunes à leur entrée dans la vie conjugale.
  • • Année 2017-2018 : Collaboration avec les jeunes familles.
  • • Année 2018-2019 : Collaboration avec les familles en difficulté.

5. Dans cette lettre, nous voudrions entrer dans les détails de la pastorale prévue pour l’année 2016-2017.

« Préparation des jeunes à leur entrée dans la vie conjugale »

Le pape François a insisté particulièrement sur ce domaine. Le mariage est une décision fort importante, qui, pour cela, a besoin d’être préparée très soigneusement. En réalité, aujourd’hui, certains jeunes ne se préoccupent que de l’organisation d’une fête, la plus voyante possible, mais sans s’attacher à étudier leurs propres responsabilité dans la vie conjugale. D’autres, parce qu’ils sont surtout préoccupés de gagner leur vie, ont peu de temps pour préparer la vie conjugale dans laquelle ils vont entrer. C’est pourquoi il est nécessaire de conseiller aux jeunes de participer aux sessions de préparation au mariage. Pour cela, les paroisses organiseront des programmes adaptés. Chaque diocèse peut avoir son programme particulier convenant à sa propre situation. Cependant, nous souhaitons que les sessions de préparation au mariage aident les jeunes couples à comprendre que leur objectif n’est pas la préparation de la célébration mais de la vie familiale qui s’en suivra. Il est donc important de porter son attention sur les éléments suivants :

  • Comprendre la signification de la vocation au mariage dans le dessein de Dieu et dans l’enseignement de l’Eglise. Découvrir la dignité et la beauté du mariage, le sens profond de la sexualité, la responsabilité d’édifier une nouvelle famille.
  • Conduire vers le sacrement du mariage, aider le couple à recevoir dignement le sacrement comme le début d’une vie de famille. Le sacrement de mariage n’est pas seulement un moment de célébration d’une fête mais une réalité dynamique qui doit entraîner toute une vie conjugale. C’est pourquoi il faut aider ceux qui célèbrent leur mariage à le considérer comme une expérience de foi profonde et à prendre en considération la signification des paroles prononcées et des signes exécutés au cours de la célébration du sacrement.
  • On créera des occasions pour que les deux fiancés échangent ensemble : qu’attendent-ils du mariage et de leur conjoint ? Quelle est leur conception de l’amour, de leur engagement et de leur mission de fonder une famille ?
  • On aidera les deux conjoints à comprendre à l’avance les problèmes et les difficultés qui pourront se présenter dans leur vie conjugale et familiale.
    Dans les sessions de préparation au mariage, en plus des orientations données par les prêtres et les spécialistes, les témoignages donnés par les familles joueront un rôle important. Il convient donc d’inviter les personnes menant une vie familiale vraie à partager leur expérience.
    En outre, il ne faut pas oublier que les personnes les mieux préparées à la vie conjugale sont celles qui ont appris de leurs propres parents ce qu’est ce sacrement chrétien (La joie de l’amour, 208). Ainsi, la vie familiale actuelle et l’environnement éducatif sont la meilleure préparation à la vie conjugale de demain pour les enfants de cette famille.

6. Après cette Lettre commune, nous enverrons une Lettre à toutes les familles catholiques, souhaitant que chacune d’entre elles en reçoive un exemplaire. Nous prions les prêtres travaillant dans les paroisses de nous aider à réaliser ce vœu. Nous leur demandons aussi de considérer la pastorale familiale comme une part essentielle de leur ministère, car la famille est la voie par où l’Eglise doit passer : tous les programmes pastoraux de l’Eglise passent par elle.

Dans l’ensemble des soins pastoraux dispensés aux familles, de nombreux religieux et religieuses, de nombreuses associations apostoliques ont joué un rôle non négligeable. Nous les remercions sincèrement d’avoir, au cours des années précédentes, apporté leur collaboration et leur aide aux familles catholiques pour qu’elles vivent conformément à leur vocation et à leur mission. Nous souhaitons que vous prêtiez attention aux orientations pastorales de la Conférence épiscopale et que vous les intégriez dans votre programme d’activités. (…).

Fait au Centre pastoral de l’archidiocèse de Hô Chi Minh-Ville, le 7 octobre 2016.
La Conférence épiscopale du Vietnam.

(eda/jm)