Eglises d'Asie – Vietnam
Pollution du Centre-Vietnam : déploiement massif des forces de l’ordre pour empêcher les pêcheurs de déposer leurs plaintes au tribunal
Publié le 19/10/2016
… Tribunal populaire de Ky Anh, dans la province de Ha Tinh, où ils projetaient de déposer de nouvelles plaintes contre le complexe sidérurgique taïwanais Formosa, responsable de la catastrophe écologique qui a touché les côtes du Centre-Vietnam en avril dernier et a causé des ravages considérables au milieu marin.
Mais ce 18 octobre au petit matin, leur départ a été passablement retardé, les véhicules devant assurer le transport n’étant pas au rendez-vous. La veille au soir, de très fortes pressions policières s’étaient exercées sur les agences de location des véhicules pressenties, contraignant celles-ci à annuler leurs engagements. Cependant, grâce à la location de soixante taxis, un convoi a pu se former et se mettre en route.
La police au P. Nam : « Nous ne répondons pas de votre sécurité »
La Sécurité publique, alertée depuis la veille, avait mis en place un service d’ordre impressionnant. Dès 7 h du matin, des agents de la police routière et des forces de la Sécurité étaient postés à tous les carrefours du trajet devant être emprunté par le cortège de voitures des plaignants. A 8 h, un premier groupe de fidèles était arrêté. Ici et là, des clous avaient été jetés sur la route, bloquant certaines autres voitures. La Sécurité publique avait également contacté les propriétaires de voitures de la région, leur interdisant d’utiliser leurs véhicules. Cédant à la pression policière, la compagnie de taxis a rappelé ses chauffeurs engagés dans la matinée, pour transporter le millier de pêcheurs. Le convoi des plaignants a été peu à peu paralysé par la police, divisé en plusieurs groupes.
A ce stade de la matinée, le P. Dang Huu Nam, curé de la paroisse de Phu Yên, a alors reçu un coup de téléphone de la Sécurité publique. Après discussions et négociations, il a décidé de renvoyer chez eux la plus grande partie des participants du convoi, devenu trop difficile à conduire. Le prêtre ne gardera qu’un petit groupe d’une vingtaine de personnes pour porter les plaintes jusqu’au tribunal de Ky Anh.
Cependant, sur le coup de 11 h du matin, le P. Nam était sur le point de pénétrer, au volant de sa voiture, sur le territoire de la province de Ha Tinh où se trouve le tribunal, lorsqu’il en a été empêché par des agents de la Sécurité publique. C’est alors que commença une longue pause. Les agents lui ont déclaré qu’ils ne répondaient plus de sa sécurité s’il continuait son trajet. Le prêtre proposait alors que ce soit l’évêque du diocèse en personne qui prenne une décision à ce sujet, mais le projet fut apparemment rejeté.
La pause s’est prolongée jusqu’à 16 h. Le prêtre et la vingtaine de rescapés du convoi initial ont fini par prendre le chemin du retour vers la paroisse de Phu Yên. Sur la route, des slogans étaient lancés ; ils étaient franchement hostiles à l’usine Formosa et peu amicaux envers le régime. Les derniers plaignants furent accueillis avec joie dans leur paroisse (1).
L’usine sidérurgique Formosa Ha Tinh Steel est une filiale du conglomérat taïwanais Formosa Plastics, qui figure au nombre des plus importants investisseurs étrangers au Vietnam. L’usine sidérurgique représente à elle seule un investissement de 10,6 milliards de dollars, selon les données fournies par la compagnie taïwanaise. Ses responsables ont déjà versé 500 millions de dollars en réparation des dommages économiques et environnementaux causés par le rejet, en avril dernier, d’effluents toxiques en mer. Les populations locales estiment toutefois que cette indemnité est très largement insuffisante pour réparer les dégâts massifs causés le long de 200 km de côtes du Centre-Vietnam.
(eda/jm)