Eglises d'Asie – Corée du Nord
Un pasteur canadien condamné aux camps de travaux forcés à vie
Publié le 17/12/2015
… utilisation de la religion pour discréditer l’image du régime, diffusion d’informations diffamatoires sur le pays envers les Coréens exilés. Lim Hyeon-soo a également été reconnu coupable de complicité avec les Etats-Unis et la Corée du Sud, dans un complot orchestré contre le régime de Pyongyang, qui visait à attirer et kidnapper les citoyens nord-coréens, en organisant matériellement leur fuite à l’étranger, par le biais de programmes humanitaires.
Le procureur général avait requis la peine de mort à son encontre, « la punition la plus sévère », selon l’agence officielle nord-coréenne KCNA. D’après la justice nord-coréenne, le pasteur de 60 ans a reconnu être coupable de tous les chefs dont il était accusé et a fait preuve « d’un repentir profond », selon l’agence Chine Nouvelle. « J’ai commis un crime grave, celui d’avoir insulté et diffamé la dignité et les membres de la hiérarchie », déclarait le pasteur dans une vidéo publiée par les autorités nord-coréennes, en août 2015. Selon des procédures spécifiques, les ressortissants étrangers détenus en Corée du Nord qui souhaitent voir leur peine allégée, sont contraints de confesser publiquement « leurs crimes ».
D’origine sud-coréenne, Lim Hyeon-soo, qui vivait au Canada depuis des années, se rendait régulièrement en Corée du Nord pour des voyages humanitaires, où il soutenait financièrement une maison de santé, une crèche et un orphelinat. En janvier 2015, il avait été arrêté par les autorités nord-coréennes, après être entré clandestinement dans le pays, en passant par la Chine.
Selon Lisa Park, porte-parole de la famille du pasteur, Lim Hyeon-soo s’était rendu plus d’une centaine de fois en Corée du Nord depuis 1997, sans rencontrer de difficultés particulières, ses voyages n’étant pas politiques mais simplement humanitaires. Un de « ses projets phares » visait à « aider les Nord-Coréens à devenir autosuffisants d’un point de vue alimentaire, en leur apprenant à produire eux-mêmes leur nourriture, et à ne plus dépendre de l’aide extérieure », a-t-elle ajouté.
D’après le Toronto Star, le Premier ministre canadien récemment élu, Justin Trudeau, s’est dit « terriblement inquiet » du sort de son ressortissant. « La priorité immédiate du gouvernement est de s’assurer que la diplomatie canadienne arrive à entrer en contact avec lui, afin que [Lim Hyeon-soo puisse] faire valoir ses droits, ce qui n’a pas eu lieu durant son procès », a-t-il précisé.
Arrivé menotté et accompagné de deux policiers à la Cour suprême, le procès du pasteur n’aura duré que 90 mn, sans que la diplomatie canadienne n’ait réussi à entrer en contact avec lui, malgré des demandes répétées, ces derniers mois.
Le pasteur Lim n’est pas le premier missionnaire étranger à être condamné en Corée du Nord. En mai 2014, le pasteur baptiste sud-coréen, Kim Jeong-uk, âgé de 50 ans, avait été condamné aux travaux forcés à vie, après avoir été reconnu coupable de tentative d’établissement d’Eglises clandestines dans le pays, d’espionnage au profit de la Corée du Sud et de divers crimes « contre l’Etat [nord-coréen] ». Il purge toujours sa peine.
Les autorités nord-coréennes appliquent en effet des mesures très strictes contre les activités religieuses ou missionnaires non enregistrées officiellement, car seules les activités religieuses entièrement contrôlées par le régime sont tolérées – activités dont on ne sait quasiment rien.
D’autres missionnaires étrangers, condamnés ces dernières années, ont, en revanche été libérés, grâce à l’intervention de personnalités politiques. En septembre 2014, Matthew Todd Millier, américain, avait été condamné à six ans de travaux forcés pour « actes hostiles » envers le régime. Kenneth Bae avait été arrêté en novembre 2012 et condamné à quinze ans de travaux forcés en mai 2013, pour avoir « organisé des activités touristiques visant à renverser le gouvernement ». Ces deux ressortissants américains ont pu être libérés en novembre 2014.
Jeffrey Fowle a été détenu pendant cinq mois en 2014, avant d’être relâché. En octobre 2013, Merrill Newman, vétéran américain de la guerre de Corée, a été fait prisonnier, avant d’être relâché deux mois plus tard. En mars 2014, John Short, missionnaire australien âgé, avait passé treize jours en détention pour avoir distribué des tracts religieux à Pyongyang. Il avait été libéré et expulsé après avoir présenté des « excuses publiques ».
Au vu de ces derniers événements, il est très difficile de faire émerger une ligne directrice dans la manière d’agir de Pyongyang. Est-ce que l’apparent échec des négociations entre Séoul et Pyongyang, le 11 décembre dernier, a joué un rôle dans la décision de la Cour suprême (1) ? Est-ce le fait que le condamné soit d’origine sud-coréenne qui explique la sévérité de la peine dont il a écopé ?
D’après l’ONG Portes Ouvertes (2), sur les 300 000 chrétiens nord-coréens, 60 000 seraient derrière les barreaux ou en camps de travail en raison de leur foi. Des chiffres impossibles à recouper de manière indépendante. Selon les statistiques de Pyongyang, 3 000 catholiques « pratiquent librement leur foi », sous la tutelle de l’Association catholique coréenne, entièrement contrôlée par le régime, et en l’absence de tout clergé. Pour les Nations Unies, ils ne seraient que 800.
Pourtant, le 7 décembre dernier, l’Eglise catholique de Corée du Sud avait annoncé que, « sauf imprévus », des prêtres catholiques sud-coréens pourraient aller célébrer la messe à Pyongyang, à partir de l’an prochain, suite à la visite d’évêques catholiques sud-coréens qui avaient été invitée ès-qualités par le gouvernement nord-coréen, une première dans un pays qui ne compte aucun prêtre catholique.
(eda/nfb)