Eglises d'Asie

Les évêques catholiques appellent à un abandon mondial du nucléaire civil

Publié le 06/12/2016




« Aujourd’hui encore des Japonais souffrent des conséquences de la catastrophe [de Fukushima]. Alors que nous ne savons pas comment éliminer totalement les déchets nucléaires, le gouvernement japonais a commencé à réactiver certains des 48 réacteurs nucléaires, fermés après cette tragédie, sous prétexte qu’ils sont sécurisés. (…)

Après cette catastrophe qui a frappé le Japon voici cinq ans et demi, il est de notre devoir d’informer le monde sur les dangers de la production d’énergie nucléaire et de lancer un appel à l’abandon du nucléaire civil. » Ces paroles fortes sont celles des évêques catholiques japonais qui, le 11 novembre 2016, se sont adressés au monde entier pour demander l’abandon de la production d’énergie nucléaire, dans un communiqué intitulé : « A propos de l’abandon de la production d’énergie nucléaire, un appel de l’Eglise catholique du Japon, cinq ans et demi après la catastrophe de Fukushima ». Le même jour, le Premier ministre Abe Shinzo, qui a décidé de relancer le nucléaire civil japonais, signait un accord avec l’Inde, autorisant les entreprises japonaises à exporter la technologie nucléaire en Inde.

Bien que l’Eglise catholique au Japon soit ultra-minoritaire – 0,5% des 127 millions de Japonais –, les évêques catholiques ont décidé de s’adresser au monde entier pour alerter des dangers du nucléaire. « Nous, évêques catholiques japonais, sommes convaincus qu’à la lumière de nos expériences [Hiroshima, Nagasaki et Fukushima], et particulièrement parce que le peuple japonais est le seul peuple au monde à avoir été victime d’un bombardement nucléaire, nous avons une responsabilité particulière à être solidaires envers tous ceux qui souffrent du nucléaire. C’est pourquoi nous appelons à un désarmement nucléaire total, compte tenu de tous les problèmes provoqués par la puissance atomique », peut-on lire dans le communiqué de la Conférence des évêques catholiques du Japon (CBCJ), qui pour l’occasion a fait traduire son message en anglais, en allemand et en coréen, afin d’élargir la portée de son message.

Un devoir de questionnement et de responsabilisation

Revenant sur leur message de 2011, dans lequel les évêques japonais avaient déjà demandé la fermeture immédiate des centrales nucléaires au Japon, quasiment toutes situées en bord de mer et souvent sur des zones sismiques, les évêques ont clairement pris position contre la politique actuelle du gouvernement nippon de relancer le nucléaire, en réitérant leur demande de fermeture des centrales. Ils ont également insisté sur la responsabilité à protéger « la maison commune », la terre, citant l’encyclique du pape François Laudato Si sur la sauvegarde de la création, en appelant les citoyens à reconsidérer la question éthique du stockage de déchets radioactifs dangereux, qui pèse aujourd’hui injustement sur les générations futures. « Nous devons nous interroger sur notre responsabilité à faire peser sur les générations futures, le stockage de déchets radioactifs dangereux comme le plutonium. »

La Conférence épiscopale japonaise appelle également à développer une alternative au nucléaire. « Le développement et la recherche dans le domaine des énergies renouvelables, combinés à une baisse de notre consommation d’énergie, nous permettraient de remplacer progressivement notre production d’énergie nucléaire, en recherchant un mode de vie simple, axé sur l’esprit de pauvreté, tel que les Evangiles nous y invitent », recommandent-ils. Sans naïveté, ils sont bien conscients « qu’il n’est pas facile d’abolir le nucléaire et d’apporter des changements dans la société, lorsqu’en face nous avons affaire à des intérêts économiques colossaux, alliés des politiques, qui ne recherchent que les bénéfices économiques », précisent-ils sans détours.

Si pendant les trois années qui ont suivi la catastrophe de Fukushima, les Japonais ont appris à réduire leur consommation d’électricité, du fait des restrictions imposées par la fermeture des réacteurs et de l’augmentation de 20 à 30 % des factures énergétiques, il semble que, depuis un an, la tendance soit à une reprise de la consommation électrique. « Après avoir connu trois années de restrictions électriques, les Japonais acceptent difficilement de continuer à restreindre leur consommation et leur mode de vie, bien qu’en même temps, ils ne soient pas favorables à la reprise du nucléaire», analyse un missionnaire au Japon (1).

Un appel lancé à l’Eglise catholique du monde entier

« Nous devons reconsidérer notre mode de vie et notre manière de consommer, mettre en valeur la dignité humaine et approfondir nos relations à Dieu, la société et la nature. Chaque citoyen du monde a une part de responsabilité et de solidarité à avoir dans la préservation de l’environnement et dans la protection de la vie dans son ensemble, qui est l’œuvre de Dieu », affirment-ils. Selon eux, les dangers du nucléaire sont mondiaux, car lorsque survient un accident, la contamination radioactive s’étend bien au-delà des frontières géographiques. De plus, compte tenu du contexte international actuel, « les centrales nucléaires sont potentiellement en danger, car elles peuvent devenir la cible d’attaques terroristes ».

« C’est pour cela que nous, évêques catholiques du Japon, appelons tous les citoyens qui partagent notre maison commune, la terre, à se donner la main, à se rassembler et à agir ensemble dans la solidarité pour mettre fin au nucléaire civil. Nous nous tournons en premier vers l’Eglise catholique à travers le monde, afin de développer ensemble coopération et solidarité. Ainsi nous pourrons former une solidarité internationale qui transcende les religions, les races et les nations. » Les évêques japonais invitent également les conférences épiscopales du monde entier à comprendre les dangers liés au nucléaire, à aborder la question d’un point de vue biblique et à se positionner publiquement, à l’exemple du voisin coréen qui, en novembre 2012, avait pris position aux côtés des évêques japonais pour que les deux pays renoncent à l’énergie nucléaire.

« Jésus-Christ nous invite à nous aimer les uns les autres (Jn 13,34). Cet appel ne concerne-t-il pas aussi notre responsabilité et notre devoir de protéger la terre, la maison commune de notre humanité présente et future ? », interroge la CBCJ.

La catastrophe de Fukushima, la pire catastrophe nucléaire civile depuis celle de Tchernobyl en 1986, va coûter quelque 170 milliards d’euros au Japon, pour l’indemnisation des victimes et le démantèlement de la centrale de Fukushima Daiichi, touchée par un violent séisme puis par un tsunami dévastateur, le 11 mars 2011.

(eda/nfb)