Eglises d'Asie

La béatification de 17 martyrs du Laos célébrée à Vientiane augure d’un avenir renouvelé pour l’Eglise locale

Publié le 12/12/2016




Dimanche 11 décembre, 3ème dimanche de l’Avent, il n’y a eu qu’une seule et unique messe célébrée dans tout le Laos. Les quatre évêques et les 21 prêtres que compte cette petite Eglise catholique étaient tous regroupés à Vientiane, où, dans l’église du Sacré-Cœur, l’unique lieu de culte catholique de la …

… capitale, ils ont célébré, en présence de près de 6 000 fidèles et d’une dizaine de prélats étrangers, la béatification de 17 martyrs de l’Eglise du Laos.

Au cours d’une cérémonie longue de trois heures, de jeunes Laotiens ont retracé par des mises en scène stylisées la vie, le parcours et le martyre des 17 prêtres et laïcs laotiens et missionnaires étrangers proclamés « bienheureux » par l’Eglise. Ouverte en 2004, promulguée en juin 2015 par le pape François, la cause de ces martyrs est particulière en ceci que, assassinés, exécutés ou morts d’épuisement entre 1954 et 1970, ces derniers ont trouvé la mort dans le contexte de la décolonisation et des luttes pour l’indépendance nationale, luttes menées notamment par le Pathet Lao communiste, dont les héritiers directs sont toujours au pouvoir à Vientiane, au sein du Parti révolutionnaire populaire lao.

Dix missionnaires français parmi les dix-sept martyrs béatifiés

Ce 11 décembre, les 400 places de l’église du Sacré-Cœur étaient bien insuffisantes pour contenir la foule des fidèles venus assister à la cérémonie. L’assemblée résonnait des langues utilisées par la petite communauté catholique du Laos, une communauté d’à peine plus de 50 000 fidèles (0,7 % de la population totale) : le laotien, mais aussi le kmhmu’, le hmong ou bien encore le vietnamien. Tout l’espace à l’entour de l’église était occupé par les fidèles, jusque dans les rues avoisinantes où de vastes toiles de tente avaient été déployées pour permettre à cette foule de se recueillir à l’abri du soleil, resplendissant ce matin-là.

Le pape François avait délégué le cardinal philippin Orlando Quevedo pour être son représentant à la cérémonie. Missionnaire Oblat de Marie Immaculée (OMI), le cardinal Quevedo a mis en relief dans son homélie le message du pape au sujet de la fidélité de ces « témoins héroïques du Seigneur Jésus Christ et de son Evangile de paix, de justice et de réconciliation, au prix de leur vie ». Autour de lui avaient pris place les quatre vicaires apostoliques du Laos (Luang Prabang, Paksé, Savannakhet, Vientiane) ainsi que onze évêques venus des pays voisins, Cambodge, Thaïlande et Vietnam. Les supérieurs généraux des Missions Etrangères de Paris (MEP) et des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée (OMI) étaient à leurs côtés – sur les 17 martyrs, cinq sont des Pères des MEP et six des OMI (au total dix Français et un Italien) (1).

Eloge de l’action de l’Eglise par un haut responsable gouvernemental

Les évêques du Laos tenaient à ce que la béatification de ces 17 martyrs se fasse chez eux. Pourtant, jusqu’au dernier moment, il n’était pas certain que les autorités du pays ne reviennent pas sur l’autorisation donnée par elles à ce que cette messe du 11 décembre ait bien lieu à Vientiane. Dans bien des régions du pays, notamment dans les régions montagneuses et les localités éloignées des grands centres urbains, toute activité religieuse chrétienne reste encore interdite ; dans les deux vicariats du Nord, le manque de prêtres est préoccupant. Mais, selon les propres termes des évêques du pays, l’Eglise du Laos est « encore une jeune plante bien fragile ; elle a besoin de trouver des ‘tuteurs’, des appuis surnaturels solides » ; ils ont mis en avant le fait que tout comme l’Eglise de Rome est fondée sur le témoignage de Pierre et Paul et de nombreux martyrs, l’Eglise du Laos voyait dans ses propres martyrs un fondement solide pour sa croissance et sa vie quotidienne.

A priori, le pari n’était pas gagné d’avance, étant donné la susceptibilité habituelle des autorités communistes envers tout ce qui touche aux religions, et plus particulièrement au christianisme, perçu comme une religion soutenue depuis l’étranger. Le bon déroulement de la cérémonie de béatification, marquée selon les témoins par une atmosphère de paix, de joie et de recueillement, a toutefois montré que leur pari était réussi. A la fin de la célébration et « au grand étonnement de l’assemblée », ainsi que le rapporte le P. Roland Jacques, OMI et vice-postulateur de la cause des 17 martyrs, le directeur adjoint du Front Lao pour l’édification de la nation, organisme d’Etat placé sous la direction du Parti et du ministère de l’Intérieur qui chapeaute les religions, a fait longuement l’éloge de la doctrine et de l’action de l’Eglise catholique au Laos. Le responsable politique est allé jusqu’à développer les termes mis en avant par le pape François, disant tout ce que la nation attendait de cette Eglise pour le bien commun.

Vers des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et le Laos ?

Comme en réponse, le nonce apostolique, le Sud-Coréen Paul Tschang In-nam, qui réside à Bangkok et n’est accrédité à Vientiane qu’en qualité de délégué apostolique, n’a pas hésité à saisir la main tendue : il fit à son tour des vœux pour que l’harmonie et la collaboration se développent, de sorte « que tout le peuple du Laos puisse se développer dans l’unité malgré les différences religieuses » ; au nom du Saint Père, il a espéré que des relations diplomatiques pleines et entières puissent être prochainement établies entre le Saint-Siège et le Laos.

Dans ce contexte, la présence dans l’assemblée de membres des familles et de proches des martyrs a été remarquée. Une présence d’autant plus notable que les autorités laotiennes avaient fait comprendre à l’Eglise locale qu’elles ne tenaient pas à une venue massive d’étrangers sur place pour la cérémonie. Quelques-uns venaient du Laos, tel Mgr Tito Banchong, administrateur apostolique de Luang Prabang et neveu du catéchiste Paul Thoj Xyooj (1941-1960), ou Mgr Louis-Marie Ling, vicaire apostolique de Paksé et seul survivant de l’embuscade qui coûta la vie à son cousin le catéchiste Luc Sy (1937-1970). D’autres venaient de France, tel le P. Yvon L’Hénoret, OMI, cousin du P. Vincent L’Hénoret (1921-1961), OMI et missionnaire au Laos comme lui, ou bien les nièces des PP. Noël Tenaud (1904-1961) et Marcel Denis (1919-1962), tous deux MEP.

Présent à Vientiane ce 11 décembre, le vice-postulateur de la cause des 17 martyrs, le P. Roland Jacques, OMI, dresse en ces termes le bilan de cette journée qu’il qualifie de « mémorable » : « Voici une Eglise humble et toute petite qui ose affirmer publiquement son existence, sa fierté, et son immense respect pour ceux qui, au siècle dernier, ont irrigué de leur sang les graines d’Evangile plantées dans le sol laotien. Voilà une Eglise qui ne se cachera plus, et qui trouvera chaque jour davantage sa place et son rôle au sein de la nation [laotienne] et de la chrétienté tout entière. »

(eda/ra)