Eglises d'Asie

Les saris des Missionnaires de la Charité sont tissés par des lépreux

Publié le 02/09/2016




Ce dimanche 4 septembre, les catholiques et bien d’autres personnes de par le monde auront les yeux tournés vers Rome, où le pape François présidera la cérémonie de canonisation de Mère Teresa, fondatrice des Missionnaires de la Charité. Dans une lointaine banlieue industrielle de Calcutta, l’attention sera particulièrement forte au …

Gandhiji Prem Nivas. Cette modeste manufacture de tissu a la particularité d’être en même temps une léproserie et les personnes qui y travaillent sont des lépreux à qui le travail donne à la fois un salaire et une fierté retrouvée. Fondée en 1979 par les Missionnaires de la Charité, la léproserie-manufacture tisse un seul produit : le tissu blanc bordé de bleu dont les religieuses de Mère Teresa font leur célèbre sari.

L’article ci-dessous, publié le 1er septembre 2016 dans les colonnes du Hindustan Times, un des grands quotidiens indiens, a été traduit en français par Marguerite Jacquelin.

Le regard et le visage de Shefali Roy, une septuagénaire aux yeux habituellement ternes, s’illuminent lorsqu’elle nous explique que les Missionnaires de la Charité du monde entier qui viendront au Vatican pour assister à la canonisation de Mère Teresa, le 4 septembre, porteront toutes le sari emblématique blanc bordé de bleu de la future sainte.

Ces saris sont particuliers, et quel que soit le prix qu’un acheteur potentiel soit prêt à débourser, ils sont impossibles à trouver sur le marché. Ils sont tissés et cousus par les pensionnaires d’une léproserie sise dans une ruelle sale de Titagarh, de North 24-Parganas, un district de l’Etat du Bengale-Occidental, en Inde. Titagarh se trouve à 20 km de Calcutta et fait partie d’une région industrialisée au XIXe siècle bordant le fleuve Hooghly, un défluent du Gange.

Shefali Roy est l’une des patientes à la fois les plus anciennes et les plus âgées du Gandhiji Prem Nivas, un établissement dirigé par les Missionnaires de la Charité. Il y a quarante ans, diagnostiquée de la lèpre et forcée de quitter sa maison à Cooch Behar, elle avait trouvé refuge à Nivas avec sa fille, comme beaucoup d’autres lépreux avant elle et après elle.

« Vous ne pouvez pas imaginer comme nous étions heureux et fiers de voir Mère Teresa porter un sari que nous avions fabriqué nous-mêmes. La société nous a rejetés en marge à cause de notre maladie, mais les saris que nous fabriquons sont portés par des Missionnaires de la Charité partout dans le monde. Mère Teresa a porté le sien jusqu’à son dernier souffle. Et maintenant, toutes les sœurs le portent », explique-t-elle, assise dans une chambre dont les murs sont couverts de photos de la future sainte et du pape François.

Histoire de l’établissement 

Le Gandhiji Prem Nivas a été fondé en 1979 lorsque les Missionnaires de la Charité venaient à Titagarh pour soigner des lépreux dans un petit campement médical situé à l’abri d’un arbre. Ce petit campement s’est ensuite transformé en une cabane de fortune, capable d’accueillir quelques pensionnaires. Aujourd’hui, c’est un véritable établissement, dont la première pierre a été posée par le ministre-président du Bengale-Occidental de l’époque, Jyoti Basu.

Le travail commence tous les jours à 8 h du matin. Plus de 400 lépreux – hommes et femmes confondus – travaillent toute l’année pour produire environ 4 000 saris artisanaux. Ces saris sont ensuite envoyés au quartier général des Missionnaires de la Charité, à Calcutta, avant d’être distribués dans le reste du monde. Aujourd’hui, il existe plus de 5 500 Missionnaires de la Charité, présentes dans plus de 130 pays du monde.

« Toutes les sœurs, y compris Sœur Marie Prema, l’actuelle supérieure générale de l’ordre, porteront le sari fabriqué par les malades de notre léproserie pour la canonisation de Mère Teresa », explique Frère Marinus, le responsable de la maison.

Dimanche sera un grand jour pour tous les malades et ouvriers de la léproserie. Ils marqueront cette journée à leur manière, humblement, en priant, et en se retrouvant peut-être autour d’un petit dîner festif si les fonds le permettent. Même si ce sera un dimanche, jour de congé pour les ouvriers qui se trouvent dans les camps de lépreux environnants, les responsables de la maison ont prévu d’installer un écran géant pour projeter la cérémonie de la canonisation et que tout le monde puisse la suivre en direct.

Cependant, à deux jours de la canonisation, les tisserands ne saisissent pas encore tout à fait la complexité et la gravité de l’événement. « Nous ne savons pas exactement ce que représente cette canonisation. Nous savons juste que c’est quelque chose de très important et que Mère Teresa sera mise à l’honneur », avoue Shefali Roy.

(eda/ra)