Eglises d'Asie

L’Eglise catholique au Kerala au centre d’un scandale après l’arrestation pour viol d’un de ses prêtres

Publié le 08/03/2017




Dans l’Etat du Kerala, au sud-ouest de l’Inde, un prêtre catholique, le P. Robin Matthew Vadakkumchery, a été incarcéré après avoir été mis en examen pour avoir violé et mis enceinte une adolescente âgée de 17 ans. Les faits, amplement relayés par les médias depuis la fin du mois de février, suscitent indignation et …

… polémique dans le pays, ainsi qu’un scandale au sein du diocèse concerné dont sept membres sont soupçonnés d’avoir cherché à étouffer l’affaire.

Le prêtre, âgé de 48 ans, était vicaire à la paroisse Saint-Sebastian de Kottiyoor, qui appartient au diocèse de Mananthavady, un diocèse syro-malabar (l’un des trois rites de l’Eglise catholique en Inde). Le prêtre faisait également office de directeur adjoint d’une école attenante où la victime était élève. D’après la police, la jeune fille, âgée de 16 ans au moment des faits et considérée comme une mineure selon la loi indienne, a été violée à plusieurs reprises par le prêtre dans le presbytère où il était logé et est tombée enceinte l’an dernier. Le 7 février, dans un hôpital catholique, le Christu Raj Hospital, l’adolescente a accouché d’un enfant qui a été confié à un orphelinat tenu par des religieuses. C’est une lettre anonyme envoyée le 25 février aux autorités pour révéler l’accouchement secret qui a mis l’affaire en lumière et a abouti à l’inculpation du prêtre, arrêté le 28 février par la police.

Polémique par médias interposés

Ces faits ont tout d’abord provoqué une polémique par médias interposés. L’hebdomadaire India Today s’est ainsi chargé de traduire les déclarations controversées du Sunday Shalom, un magazine soutenu par une association catholique. D’après ce journal, le prêtre accusé, le P. Robin Vadakkumchery, aurait « oublié sa position » en commettant les viols : « Le prêtre a un corps humain et des tentations. Il a dû oublier sa position pour quelques instants. » Les extraits traduits prennent même l’adolescente à partie : « Ma fille, as-tu oublié ce que représente un prêtre ? Pourquoi ne l’as-tu pas arrêté ou corrigé ? »

Le site d’information The News Minute, implanté dans le sud de l’Inde, a rapporté d’autres propos tenus par le P. Paul Thelekat, membre du Conseil épiscopal du diocèse de Mananthavady, propos qui eux aussi ont choqué. « Le consumérisme est une situation qui affecte la planète entière et les prêtes n’en sont pas exempts, a-t-il commenté. Cette crise est d’abord apparente dans le célibat et la virginité, puis devient une crise de fidélité dans le mariage avec des affaires extra-maritales et pré-maritales. » D’après lui, « les femmes sont traitées comme des objets par les médias et la publicité » et « le corps est déshumanisé ».

Menée par les médias indiens, cette chasse aux déclarations polémiques manifeste une défiance croissante à l’égard des dérives religieuses dont l’Inde est occasionnellement le théâtre. Ce n’est pas la première fois qu’un prêtre catholique est accusé d’abus sexuels au Kerala, avec deux affaires similaires déjà révélées depuis le mois d’octobre.

Ces propos ont en partie masqué les déclarations des responsables de l’Eglise catholique au Kerala. Mgr José Porunnedom, évêque de l’éparchie de Mananthavady, a ainsi demandé pardon à la jeune victime et à sa famille. « J’endure votre souffrance et votre agonie, a-t-il déclaré. La perte de respect et les dommages spirituels que cet incident a causés à l’Eglise sont énormes. Je ne sais comment consoler l’enfant et ses parents. Je me joins à leurs larmes. Je ne peux que vous demander pardon. » L’évêque a également retiré au prêtre mis en examen toute charge pastorale.

« L’Eglise ne protégera aucun membre du clergé impliqué dans l’affaire »

Le scandale s’est néanmoins élargi avec la révélation de tentatives de certains membres de la communauté catholique locale d’avoir cherché à étouffer l’affaire et à protéger le prêtre coupable. « Il y a des preuves de la complicité de l’Eglise », s’insurge ainsi le Huffington Post India. Ces révélations entachent profondément la réputation d’une Eglise très influente dans la région. Fondée, selon la Tradition, au Ier siècle par l’apôtre Thomas sur la côte malabare, la côte sud-ouest de l’Inde, l’Eglise syro-malabare compte près de quatre millions de fidèles, principalement présents au Kerala (1).

Le 4 mars, des responsables de l’hôpital où a accouché la jeune fille et des religieuses de l’orphelinat à qui a été confié l’enfant ont été accusés d’avoir soutenu le prêtre coupable en refusant d’informer la police de la situation et en organisant le transfert secret du nouveau-né entre l’hôpital et l’orphelinat. Au total, sept personnes sont concernées. Quatre d’entre elles sont actuellement en fuite et la police tente de les localiser.

D’après l’agence d’information catholique Ucanews, des témoignages locaux font état de « responsables religieux qui essaient de soutenir les accusés en fuite ». Le cardinal George Alencherry, archevêque majeur de Ernakulam-Angamaly et chef de l’Eglise syro-malabare, a pourtant déclaré à un journal local que l’Eglise « ne protègera aucun membre du clergé impliqué dans l’affaire. Tous les accusés doivent être punis selon la loi ». Le porte-parole du diocèse de Mananthavady, le P. Thomas Joseph Therakam, a été limogé après avoir été au centre de la controverse concernant le transfert de nouveau-né.

Cité par Ucanews, le P. Mathew Perumattikunnel, vicaire général de Mananthavady, a déclaré qu’une enquête interne était ouverte au sein du diocèse. Selon lui, aucune plainte n’a jamais été formulée par le passé contre le prêtre accusé de viol. Ce dernier aurait occupé plusieurs fonctions importantes, notamment au sein de Deepika, un journal catholique réputé, et de Jeevan Television, une télévision catholique.

Sous l’assaut des critiques, le diocèse de Mananthavady a publié cette semaine une liste de douze directives visant à établir une plus grande transparence. Le diocèse a notamment décidé d’installer des caméras de surveillance dans toutes ses églises et ses presbytères, et met en place des cellules dédiées pour recueillir des plaintes éventuelles. Parmi les autres mesures, il a été également décidé que les femmes et les jeunes filles seront interdites d’entrée dans les résidences des prêtres. Dans le cadre de ses activités pastorales, un prêtre ne pourra entendre une personne en confession ou pour des conseils que dans une pièce dont les portes auront été laissées ouvertes.

(eda/vd)