Eglises d'Asie – Vietnam
POUR APPROFONDIR – A propos de l’Institut pontifical Pie X de Dalat : interview de Mgr Pierre Nguyên Van Nhon, évêque de Dalat et président de la Conférence épiscopale du Vietnam
Publié le 25/03/2010
Cet établissement fondé en 1959 et animé par les jésuites a formé de très nombreux prêtres et une bonne partie de l’épiscopat actuel. Il avait arrêté ses activités au cours de l’été 1977 et était passé entre les mains de l’État en 1980. Il a été la première propriété d’Eglise dont la restitution a été demandée officiellement par la Conférence épiscopale. Dès 1993, les évêques ont signifié au gouvernement leur intention de recouvrer cette propriété, Ils ont ensuite répété cette demande à plusieurs reprises. Les autorités de Dalat ont entrepris des travaux visant à transformer une partie de la propriété en parc public de la culture de la ville de Dalat. En tant qu’évêque de Dalat où est situé l’Institut pontifical et en tant que président de la Conférence épiscopale, Mgr Nguyên Van Nhon a déjà protesté auprès des autorités de tous les niveaux. Il affirme dans son interview, que la Conférence épiscopale continuera ses efforts pour récupérer ce centre de formation du clergé. Le texte vietnamien a été mis en ligne sur le site de la Conférence épiscopale du Vietnam (1). La traduction française a été réalisée par la rédaction d’Eglises d’Asie.
Introduction : L’Institut pontifical Saint Pie X était un lieu de formation pour les prêtres des diocèses de l’Eglise au Sud-Vietnam avant 1975. Or, un parc public de la culture de la ville de Dalat est en train d’être construit sur ce terrain. Pour éclairer cette affaire et fournir des informations à nos lecteurs, à l’occasion des fêtes d’ouverture de l’année sainte à So Kiên, le 24 novembre 2009, le responsable de l’information pour le site de la Conférence a rencontré Mgr Pierre Nguyên Van Nhon, évêque de Dalat, président de la Conférence épiscopale et il l’a interviewé au sujet de l’Institut pontifical Pie X.
Question : Nous sommes récemment allés à Dalat. En passant devant l’Institut pontifical, nous avons aperçu de nombreux ouvriers s’activant à des travaux sur cette propriété. À nos questions, il a été répondu que, très prochainement, un jardin public de la culture de la ville de Dalat allait ouvrir ses portes sur cette propriété. Pouvez-vous nous nous dire quelle est votre opinion sur cette affaire ? En premier lieu, pouvez-vous nous faire connaître quelle a été l’origine de l’Institut pontifical ?
Mgr Nguyên Van Nhon : Il y a un an, au début du mois de décembre 2008, les anciens de l’Institut pontifical se sont rassemblés à Dalat pour célébrer le 50ème anniversaire de sa naissance. C’est avec une grande joie que nous nous sommes rencontrés et avons partagé ensemble de nombreux souvenirs dans un esprit de fraternité entre maîtres et élèves. A cette occasion nous avons eu la chance d’accueillir notre ancien directeur spirituel, le P. Paul Deslierres. Il a été présent à l’Institut depuis les premières années jusqu’au jour où il a quitté le Vietnam à la fin du mois d’août 1975. L’Institut pontifical est resté un souvenir vivant dans l’esprit de beaucoup.
Les évêques du Sud-Vietnam avaient demandé au Saint-Siège de fonder un grand séminaire au Vietnam qui puisse délivrer des diplômes de niveau universitaire. Le Saint-Siège accepta et confia à la Compagnie de Jésus la tâche d’accomplir cette œuvre. Le 3 septembre 1958, la première classe de 24 séminaristes issus de huit diocèses était rassemblée dans un bâtiment cédé par l’université de Dalat et portant le nom de Séminaire pontifical du Cœur immaculé de Marie. L’encadrement était composé de quatre personnes appartenant à quatre nationalités différentes, française, italienne, espagnole et canadienne. L’année suivante, l’institution change de nom pour s’appeler « Institut pontifical Saint Pie X ».
Quand les bâtiments de l’Institut pontifical furent-ils construits ?
Dans les années 1960, une nouvelle construction fut entreprise. C’était un bâtiment à étages, imposant et vaste, conçu par l’architecte Tô Công Van et édifié sous la surveillance du P. de Lauzon, jésuite. Le délégué apostolique, Mgr Mario Brini, posa la première pierre le 1er août 1961, et ce fut Mgr Francesco De Nittis, représentant de la Délégation apostolique, qui présida l’inauguration le 23 avril 1964.
Excellence, veuillez nous indiquer quel était le statut légal de cette institution lorsqu’elle fut construite ?
Le 21 septembre 1964, le décret intitulé N° 604-BCTN/GND/HTC.3 a donné à la délégation du Saint-Siège au Vietnam la propriété perpétuelle du terrain (N° 54, page 20) dans la ville Dalat. La superficie de la propriété s’élevait à 79 200 m².
Pouvez-vous nous informer des activités de l’Institut pontifical après son inauguration ?
Chaque année, il a accueilli de grands séminaristes choisis dans les diocèses du Sud-Vietnam, pour être formés dans la faculté de théologie. Chaque étudiant suivait un programme d’études de huit ans, un an de propédeutique, trois ans de philosophie et quatre ans de théologie. Au total, 18 classes ont suivi ce programme et, à partir de 1967, chaque année, une promotion de prêtres sortait de cet établissement.
Connaît-on le nombre d’évêques et de prêtres qui sont sortis de l’Institut pontifical ?
Quatorze prêtres formés dans cette institution ont été ordonnés évêques. Dans ce nombre, à l’exception de Mgr Pierre Nguyên Van Nho décédé, treize exercent encore aujourd’hui leur ministère épiscopal dans l’Eglise du Vietnam. Les prêtres issus de l’Institut pontifical sont au nombre de 306 (227 prêtres séculiers et 79 religieux).
Pouvez-vous nous faire connaître à quel moment cette Institution a cessé ses activités et pourquoi ?
Dans le cadre de la situation politique de notre pays après le 30 avril 1975, situation qui était celle de l’ensemble des grands séminaires au Vietnam, l’Institut pontifical a cessé ses activités au cours de l’été 1977. Au début de l’année 1980, l’établissement a été transmis (bàn giao) à l’Etat.
Mais à l’époque où le Vietnam adhérait à l’OMC (Organisation mondiale du commerce), à l’ASEAN (Association des nations de l’Asie du Sud-Est), au moment où s’ouvraient des relations diplomatiques entre le Vatican et l’Etat vietnamien, quelles ont été les initiatives de la Conférence épiscopale du Vietnam ?
Lorsque notre pays est entré dans la période dite de « renouvellement » (Dôi Moi), pour répondre aux besoins de la formation d’un clergé de haut niveau dans l’Eglise, à partir de la fin de l’année 1993, la Conférence épiscopale a adressé à l’État vietnamien des requêtes lui proposant de restituer l’établissement de l’Institut pontifical à l’Eglise. Depuis lors, chaque fois que l’occasion s’en est présentée, la Conférence épiscopale ainsi que le diocèse de Dalat ont rappelé aux autorités cette proposition.
Quelle a été la réaction de la Conférence épiscopale en constatant qu’une partie du terrain de cet établissement est transformée en parc public de la culture de la ville de Dalat ?
Quand il a constaté que des travaux étaient et seraient entrepris sur une partie de la propriété pour construire un parc public de la culture, l’évêché de Dalat, au nom de la Conférence épiscopale, a adressé une requête aux diverses instances du pouvoir dans la province de Lâm Dông, proposant d’arrêter les travaux. Par la suite, l’évêché de Dalat a reçu du Comité populaire de la province de Lâm Dông, la lettre N° 8860/UBNG-DC, début décembre 2008. Elle demandait à l’évêché d’approuver les travaux de construction d’un parc public de la culture de la ville de Dalat.
Ensuite, au nom de la Conférence épiscopale du Vietnam, le 19 décembre 2008, j’ai adressé une lettre au directeur du Bureau gouvernemental des Affaires religieuses pour lui faire connaître les besoins de l’Eglise et l’informer de la requête envoyée le 22 novembre 2008 par l’évêché aux diverses instances du pouvoir de la province de Lâm Dông qui leur proposait d’arrêter les travaux déjà entrepris ou encore à entreprendre, pour édifier un parc public de la culture de la ville Dalat sur une partie de la propriété de l’Institut pontifical. Je l’ai aussi informé de la lettre 8860/UBND.DC, dans laquelle le Comité populaire de la province proposait à l’évêché de donner son accord aux travaux…
Tout récemment, lorsque je me suis aperçu que les travaux entrepris sur la propriété de l’Institut pontifical redoublaient d’intensité, au nom de la Conférence épiscopale, le 2 novembre 2009, j’ai envoyé une requête au chef du gouvernement pour qu’il examine, une fois encore, le désir de la Conférence épiscopale, qui est de pouvoir utiliser à nouveau cet établissement en vue de former des prêtres. L’Institut pontifical étant situé sur le territoire de la province de Lam Dông, j’ai également envoyé une lettre au président du comité populaire de la province, lettre dans laquelle je mentionnais la requête ci-dessus pour que le président prenne en compte notre légitime aspiration.
Nous sommes très désireux de former de futurs prêtres pour l’Eglise. Dans les années passées, les autorités ont créé les conditions nécessaires pour que, sur l’ensemble du pays, les grands séminaires reprennent leurs activités normales. Nous avons apprécié ces efforts. Cependant, en dehors des grands séminaires existants, un établissement comme l’Institut pontifical reste nécessaire à l’Eglise, car conformément à l’orientation de la Conférence des évêques du Vietnam, ce lieu devrait élever les études et les recherches spécialisées à un niveau analogue à celui des grandes universités de l’Eglise dans le monde. Je pense qu’à une époque où notre pays se transforme et ouvre ses portes au monde dans l’espoir de se développer dans tous les domaines, la création des conditions nécessaires au développement de l’Eglise est une chose entièrement raisonnable.
C’est pour cela que, à la proposition du Bureau permanent de la Conférence épiscopale et des trois archevêques de Hanoi, Huê et Hô Chi Minh-Ville, nous allons continuer d’exposer au Chef du gouvernement cette très ardente aspiration de l’Eglise catholique du Vietnam.