Eglises d'Asie – Népal
Inquiétude de la petite communauté catholique à l’approche des élections locales
Publié le 25/04/2017
… chrétienne s’estime menacée ».
L’incident s’est déroulé durant la nuit du 18 avril, deux jours après la célébration de Pâques. Selon le P. Rai, « un nombre inconnu » de personnes a tenté cette nuit-là de pénétrer dans la cathédrale, un vaste édifice moderne d’inspiration gothique et incorporant des éléments architecturaux hindous et bouddhistes. Ne parvenant pas à entrer dans le lieu de culte, ils ont incendié la porte ouest de la cathédrale, désormais partiellement endommagée, avant de chercher à faire effraction dans le presbytère, attenant à la cathédrale. Faute là encore de pénétrer dans les lieux, ils ont mis le feu à un véhicule et à deux motocyclettes garés dans un abri. « Nous étions douze à dormir au presbytère cette nuit-là. Nous avons dû faire appel aux pompiers pour éteindre le feu, qui a complètement détruit les véhicules », précise encore le P. Rai dans un mail.
Pas de revendication
La police a ouvert une enquête mais aucun élément probant n’a encore été trouvé ou communiqué. En 2009, la cathédrale, située à Lalitpur, dans la banlieue de Katmandou, avait déjà été la cible d’un acte terroriste. Le 23 mai de cette année, alors que le lieu de culte était plein pour l’office, une bombe avait fait deux morts et des blessés, et l’attentat avait été revendiqué par un groupuscule hindouiste, NDA (Nepal Defense Army), affirmant lutter pour la restauration d’un Etat hindou. Cette fois-ci, aucun tract ou aucun indice pouvant laisser penser à une revendication n’a été trouvé sur place.
« Nous sommes très inquiets. Etant donné que rien n’a été laissé [pour identifier les incendiaires], nous ne savons pas s’il s’agit d’une attaque à caractère personnel ou bien d’une action menée par une organisation ayant des visées politiques », explique le P. Silas Bogati, ancien curé de la cathédrale. La paroisse a publié un communiqué pour condamner l’acte malveillant et souligner que l’Eglise catholique au Népal « est investie depuis plus de dix ans dans le travail social » et qu’elle continuera son œuvre « en dépit des attaques la visant ».
L’incendie volontaire est intervenu quelques jours avant ce 25 avril, deuxième anniversaire du jour où un violent et meurtrier séisme a frappé le Népal. Le 25 avril 2015, un tremblement de terre de magnitude 7,8 faisait près de 9 000 morts, 22 000 blessés et de considérables dégâts matériels – dont beaucoup n’ont toujours pas été réparés depuis. Mais cet incendie survient surtout peu avant les élections locales, qui auront lieu en deux étapes, le 14 mai puis le 14 juin prochains, et qui seront suivies, si tout se déroule comme prévu, par des élections législatives le 22 janvier 2018.
Un contexte institutionnel et électoral fragile
Pour cette nation himalayenne de près de 30 millions d’habitants, ces élections locales sont un test crucial. Plus de 14 millions d’électeurs sont appelés à désigner quelque 36 000 élus locaux, au sein de 744 grandes circonscriptions. Les candidats se répartissent entre 79 partis politiques et, jusqu’à ce lundi 24 avril, les habitants des plaines du sud du pays, les Madhesis, qui représentent environ la moitié de la population du Népal, refusaient le système électoral choisi par Katmandou, y voyant une menace pour la protection de leurs droits et de leur identité. Un accord a finalement été trouvé ce 24 avril entre le gouvernement et le parti d’opposition Sadbhavana, qui réclame cependant des compensations pour cinq manifestants qui ont été tués au début de ce mois dans le sud-est du Népal.
Le scrutin du 14 mai, le premier du genre depuis près de vingt ans au Népal, marquera une étape cruciale dans la mise en place des institutions républicaines prévues par la Constitution qui a été finalement adoptée en 2015 à l’issue d’un douloureux processus. Des opérations électorales qui se dérouleraient dans le calme et l’ordre seraient le signe que la période d’instabilité ouverte en 1996 par dix années d’insurrection maoïste puis, en 2008, l’abolition de la monarchie, touche à sa fin.
Les institutions et la vie politique locales sont toutefois loin d’être stabilisées. Dans ce pays dont plus de 80 % des habitants sont hindous, des revendications fortes existent pour faire du pays une nation au caractère hindou affirmé. En avril 2016, le gouvernement a ainsi annoncé que Noël ne serait plus un jour férié. Un peu avant, en février, le Parlement avait lancé une consultation populaire à propos d’une future loi anti-conversion qui punirait de cinq ans de prison et de 50 000 roupies d’amende (415 euros) toute personne reconnue coupable d’avoir convertie une personne à autre religion ; les peines d’emprisonnement et le montant de l’amende encourues – qui représente plus de la moitié du revenu annuel moyen des Népalais, en 2014 (648 euros) – indiquent l’importance de l’enjeu des conversions, perçues comme une menace pour l’identité de cette ancienne monarchie hindoue. Aujourd’hui, ce projet de loi a été écarté et le gouvernement en place, dirigé par l’ancien leader maoïste Prachanda, tient à affirmer le caractère laïque des nouvelles institutions républicaines et fédérales, mais, au voisinage d’une Inde où la droite nationaliste hindoue est au pouvoir, des partis politiques népalais se plaisent à imaginer une République népalaise aux couleurs de l’hindouisme, pas forcément respectueuse de ses minorités religieuses.
Au Népal, où 81,3 % de la population est hindoue, les principales minorités religieuses sont constituées des bouddhistes (9 % de la population), des musulmans (4,4 % de la population), sunnites dans leur très grande majorité, et des chrétiens (1,41 %), dont 8 à 10 000 de catholiques (soit 0,03%).
Les Eglises protestantes – essentiellement évangéliques et pentecôtistes – sont aujourd’hui présentes dans chacun des 75 districts du pays, même si le nombre de leurs fidèles est sujet à caution.
(eda/ra)