Eglises d'Asie

Polémiques religieuses sur fond de surenchère dans l’aide apportée aux victimes du tremblement de terre

Publié le 04/05/2015




Dix jours après le tremblement de terre qui a frappé Katmandou et la région alentour, le bilan continue de s’alourdir : 7 200 personnes y ont trouvé la mort et le gouvernement népalais a prévenu dimanche que le bilan définitif serait « beaucoup plus élevé », des régions dévastées restant inaccessibles …

… aux secours. A mesure que les secours affluent dans le pays, des polémiques font surface, notamment sur le plan religieux.

Selon les informations de l’ONU, le séisme de magnitude 7,8 qui a fait trembler la terre le 25 avril dernier a affecté, à des degrés divers, huit des 28 millions de Népalais. Six cent mille habitations ont été détruites ou endommagées et le décompte des victimes, tuées ou blessées, continuera d’augmenter à mesure que les zones les plus isolées du pays seront atteintes par les secours.

Dix jours après la secousse, les autorités népalaises ont toutefois déclaré que la phase d’urgence était passée et ont demandé aux secouristes étrangers de quitter le pays. L’aéroport de Katmandou, doté d’une piste unique, est saturé et le défi est désormais, dans la capitale, d’héberger au mieux les sinistrés, installés pour l’instant dans seize camps répartis dans et autour de la ville. Toutefois, si la capitale retrouve un semblant d’activité normale, il n’en va pas de même dans les districts de montagne les plus touchés par le tremblement de terre et restés isolés du fait de la rupture des voies de communication et de transport.

A court terme, l’un des nombreux défis qui se posent aux autorités est de mettre en œuvre les mesures nécessaires afin de protéger la population, notamment pendant la mousson (qui dure habituellement de juin à septembre), a prévenu, le 2 mai, Rownak Khan, un responsable de l’Unicef, le fonds des Nations unies pour l’enfance. « Les hôpitaux sont saturés, l’eau se fait rare, des corps restent enterrés sous les décombres et les gens continuent de dormir à la belle étoile… Cela constitue un terreau idéal pour les maladies », a mis en garde Rownak Khan. Selon l’Unicef, trois millions de personnes ont besoin d’une aide alimentaire.

Dans ce pays himalayen, les rivalités géostratégiques régionales sont restées très présentes jusque dans l’organisation des secours. La Chine populaire a ainsi été très prompte à réagir pour envoyer sur place secouristes et équipes médicales ; mais elle a aussi tenté, en vain, d’empêcher le débarquement d’équipes de secours taïwanaises. C’est toutefois l’Inde, avec qui le Népal partage des liens culturels et religieux très étroits, qui a été la plus rapide à intervenir : ses avions de transport militaires et ses hélicoptères de secours ont été les premiers à se poser à Katmandou après le tremblement de terre.

Dès le 27 avril, Dattatreya Hosabale, l’un des principaux responsables du Rashtriya Swayamsewak Sangh (RSS, Corps national des volontaires), groupe nationaliste hindou étroitement lié au BJP (Parti du peuple indien, au pouvoir à New Delhi), était à pied d’œuvre à Katmandou pour « coordonner les activités d’aide et de secours » de la branche népalaise du groupe, connue localement sous le nom de Hindu Swayamsewak Sangh (HSS). Dattatreya Hosabale y a rencontré le Premier ministre du Népal, Sushil Koirala, par ailleurs président du Parti du Congrès népalais. Il s’est notamment plaint de la mesure prise par les autorités népalaises visant à ce que les aides et les secours venus de l’étranger passent par le canal de l’administration népalaise. Sur les réseaux sociaux, le RSS faisait valoir l’ampleur de la mobilisation de ses sympathisants et l’importance des fonds mobilisés et des actions engagées pour venir en aide à la population népalaise.

Dans un pays dont 81 % des habitants sont hindous et qui était une monarchie hindoue jusqu’en 2006, l’accent mis sur l’aide humanitaire apportée par des hindous à d’autres hindous n’est pas neutre. Les membres du RSS sont ainsi mis en garde, sur les réseaux sociaux, contre « les vautours chrétiens » et les agences occidentales qui profitent des opérations de secours pour venir faire œuvre de prosélytisme auprès des victimes du tremblement de terre.

Une brève du journal satirique canadien The Lapine, selon laquelle 100 000 exemplaires de poche de la Bible avaient été expédiés à Katmandou « pour venir en aide aux millions de Népalais désespérés après le séisme qui a ravagé leur pays », a ainsi été prise au pied de la lettre par plusieurs médias indiens (India TV et News Nation notamment). L’information était sans doute d’autant plus crédible que l’envoi des bibles était présenté comme émanant de l’Association internationale des Gédéons, organisation chrétienne évangélique connue pour distribuer des bibles partout, notamment dans les hôtels et les hôpitaux.

Au Népal, pays où des partis politiques pro-hindou militent pour la mise en place d’une législation anti-conversion, de telles incompréhensions ne sont pas neutres. A l’Assemblée constituante (qui par ailleurs ne cesse de reporter le jour où ses membres s’accorderont enfin sur la future Constitution du pays), des partis, à l’image du Rastriya Prajatantra Party-Nepal (RPPN), militent pour le retour à une monarchie hindoue et ne font pas mystère de leur hostilité à l’encontre des minorités religieuses. Les membres du RPPN ne cachent pas non plus leurs liens avec la Nepal Defence Army (NDA), un groupe terroriste reconnu responsable de plusieurs attentats meurtriers contre les chrétiens et les musulmans ces dernières années, dont l’attentat à la bombe perpétré en mai 2009 à la cathédrale de l’Assomption à Katmandou.

(eda/ra)