Eglises d'Asie

Les évêques catholiques sud-coréens incitent à l’abandon de l’énergie nucléaire

Publié le 26/04/2017




Le 10 avril dernier, lors d’une conférence de presse, l’organisation Solidarité catholique contre le nucléaire, qui regroupe les associations catholiques engagées sur les questions environnementales, rendait publique une pétition dans laquelle elle invitait la Corée du Sud à imiter l’Allemagne, un pays …

… qui a renoncé à l’énergie nucléaire après Fukushima. Ce texte est assez court : une page, mais fait preuve d’une certaine ambition : il aspire à recueillir un million de signatures. Parmi les premiers signataires : la Conférence des évêques catholiques de Corée (CBCK).

Selon certains observateurs, il existe un certain consensus dans le pays pour s’efforcer de réduire la production d’électricité d’origine nucléaire et développer les énergies renouvelables.

Multiplication des initiatives catholiques en faveur de l’abolition de l’énergie nucléaire

L’énergie nucléaire fait régulièrement l’objet de controverses en Corée du Sud, notamment depuis un scandale de corruption relatif à l’utilisation de pièces contrefaites en 2012. Plus récemment, c’est la sécurité des installations nucléaires qui a été remise en question. En effet, deux séismes de magnitude 5,1 et 5,8 se sont produits le 12 septembre dernier. Ces tremblements de terre, les plus importants depuis 1978 (date à laquelle le pays a commencé à mesurer l’activité sismique), ont conduit à l’arrêt temporaire des quatre réacteurs de la centrale nucléaire de Wolsong, située sur les côtes de la province du Nord-Gyeongsang.

Dès lors, les initiatives se sont multipliées pour accélérer la sortie du nucléaire. Quelques jours après le séisme, une soixante de militants chrétiens coréens et japonais ont effectué un pèlerinage de Busan (site du réacteur nucléaire le plus ancien de Corée) à Samcheok (où des réacteurs sont en cours de construction). Ce pèlerinage, premier du genre à avoir lieu en Corée, a été financé, selon l’agence d’informations Ucanews, par le Comité épiscopal coréen pour l’écologie et l’environnement et la Conférence épiscopale du Japon.

Le soutien de l’Eglise du Japon aux partisans coréens de l’abolition du nucléaire n’est pas une surprise : le 11 novembre 2016, la Conférence des évêques du Japon (CBCJ) a publié une déclaration réclamant l’abolition universelle de l’énergie nucléaire. La CBCJ, consciente du caractère « inhabituel » de cette démarche (il est en effet rare qu’une conférence épiscopale s’adresse au monde entier), déclarait que « ce que le Japon a enduré depuis le désastre de Fukushima nous convainc de la nécessité d’informer le monde entier des dangers de l’énergie nucléaire et d’appeler à son abolition universelle ».

L’importance de l’énergie nucléaire en Corée

Les tremblements de terre de septembre 2016 ont par ailleurs conduit certaines organisations de la société civile, comme l’organisation Solidarité catholique contre le nucléaire, à élaborer une feuille de route destinée à substituer en Corée du Sud les énergies renouvelables à l’énergie nucléaire. Cette feuille de route, adressée aux candidats à l’élection présidentielle qui se tiendra le 9 mai prochain, recommande notamment de ne pas construire de nouvelles centrales nucléaires, de démanteler les réacteurs anciens et d’arrêter d’exporter le savoir-faire nucléaire coréen.

Neuvième consommateur mondial d’énergie en 2014, la Corée du Sud est loin de parvenir à assurer son indépendance énergétique : 96 % de ses besoins sont couverts par des importations. Le parc électronucléaire, qui couvre un peu moins du tiers de la production coréenne d’électricité, est composé de 25 réacteurs (répartis dans sept centrales) ; trois réacteurs supplémentaires sont en cours de construction, selon l’Agence internationale de l’énergie atomique en 2016.

Sixième parc nucléaire, la Corée du Sud ne se contente pas de construire des centrales sur son territoire : elle exporte aussi son savoir-faire. En témoigne la signature d’un contrat de 20 milliards de dollars en 2009 avec les Emirats arabes unis pour construire quatre réacteurs nucléaires – un marché sur lequel les entreprises françaises étaient candidates.

Des répercussions politiques ?

Pour des raisons de santé publique, le gouvernement actuel souhaite réduire l’activité des centrales à charbon, considérées comme responsables de la pollution aux particules fines. Il s’est ainsi engagé à arrêter le fonctionnement de dix de ces centrales et à ne pas en construire de nouvelles.

Concernant l’énergie nucléaire, celle-ci n’est pour l’instant pas au cœur des préoccupations politiques de la péninsule. Pour autant, dans un pays où les catholiques représentent plus de 10 % de la population et où l’engagement de l’Eglise est apprécié, il paraît difficile de mesurer l’audience qu’aura la pétition signée par la CBCK. Toujours est-il que, selon The Korea Herald, Moon Jae-in, candidat du Parti démocratique à l’élection présidentielle, s’est engagé le 22 avril dernier à arrêter la construction de réacteurs nucléaires et à mettre un terme à l’activité de la tranche n° 1 de la centrale de Wolsong. Il a, en outre, indiqué vouloir réduire la part du nucléaire à 20 % de la production coréenne d’électricité d’ici 2030. Moon Jae-in, en tête dans les enquêtes d’opinion, est de confession catholique.

(eda/pm)