Eglises d'Asie

A Guwahati, dans l’Assam, contre la pollution sonore, des zones de silence autour des écoles, des hôpitaux… et des lieux de culte

Publié le 11/05/2017




Le 13 mai, dans le district de Guwahati, capitale économique de l’Etat d’Assam, expirera le délai de quinze jours dont bénéficient les services de la voierie pour installer la signalisation afférente aux zones de silence. En effet, le 28 avril dernier, la municipalité de ce district du Nord-Est de l’Inde a publié un décret établissant …

… des zones de silence dans un rayon de cent mètres autour de certains lieux : les écoles, les hôpitaux, les tribunaux, les bâtiments administratifs… et les lieux de culte. Dans un Etat où la population musulmane est particulièrement nombreuse (34 % des 31 millions d’habitants de l’Assam, contre 14,2 % au plan national), cette décision a été vivement contestée.

« Ce décret sera appliqué avec fermeté », a assuré Madhaiyaan Angamuthu, commissaire-adjoint du district, à The Assam Tribune, en précisant qu’un rapport mensuel serait rédigé par une Commission de contrôle de la pollution sonore. Il a en outre rappelé que ce document avait pour ambition d’appliquer une loi ancienne, publiée le 14 février 2000, relative à la lutte contre la pollution sonore dans l’Union indienne. A Guwahati, cette législation n’était, jusqu’à présent, pas mise en œuvre.

Une loi ancienne que le gouvernement BJP entend faire appliquer

En Inde, le bruit constitue un problème de santé publique : selon une étude parue en juin 2000, à Dehli, ville la plus bruyante d’Inde selon le Hindustan Times et une des villes les plus bruyantes du monde, un sexagénaire sur quatre est atteint de surdité. La loi de 2000 se justifie par la nécessité d’agir contre « l’augmentation du niveau de bruit dans les lieux publics [en raison de leurs] effets délétères sur la santé physique et le bien-être psychologique des personnes ».

Selon la loi du 14 février 2000, une zone de silence se définit par la pression acoustique maximum tolérée ; le seuil est fixé à 50 décibels en journée et à 40 décibels la nuit (entre 22h00 et 6h00). Cette zone se distingue des zones industrielles, commerciales et résidentielles où les seuils sont plus élevés. Est en outre précisé qu’« une zone d’au moins 100 mètres autour des hôpitaux, des établissements scolaires et des tribunaux peut être déclarée zone de silence » (alinéa 5 article 3). Pour autant, les lieux de culte ne sont pas mentionnés dans ce texte législatif ; c’est bien la municipalité de Guwahati qui a pris l’initiative de les inclure. « Tous les lieux de culte, y compris les temples, les gurdwaras [temples sikhs], les mosquées, les églises, les monastères », précise la circulaire.

Cette décision n’est néanmoins pas isolée : dans d’autres Etats de l’Union indienne, des zones de silence autour des lieux de culte ont déjà été instaurées. Certaines municipalités font en outre respecter la nécessité d’obtenir une autorisation écrite des autorités pour installer des haut-parleurs, prévue par la loi de 2000 : certaines mosquées se sont ainsi vues confisquer ces dispositifs, installés sans autorisation.

La lutte contre la pollution sonore constitue une des promesses électorales du Bharatya Janata Party (BJP – Parti du peuple indien). Dans son programme, le BJP indique vouloir prendre des « mesures énergiques afin de diminuer le niveau de pollution auditive ». Au niveau national, ce parti a été au pouvoir au sein d’un gouvernement de coalition, l’Alliance démocratique nationale, de 1999 à 2004, et il l’est à nouveau depuis 2014. Il a donc participé à l’adoption de la loi du 14 février 2000. Lors des dernières élections législatives régionales en Assam, organisées en mai 2016, le BJP a remporté le scrutin dans cet Etat, pour la première fois et à la surprise générale. Et c’est à la demande du gouvernement de l’Etat d’Assam que la municipalité de Guwahati a pris la décision de publier ce décret. Le BJP semble donc déterminé à faire appliquer rigoureusement les dispositions de cette loi, quelques semaines après avoir indiqué vouloir limiter à deux le nombre d’enfants par famille dans cet Etat. Un membre de l’opposition avait alors déclaré que ce projet constituait « une violation des droits fondamentaux [qui] affectera un grand nombre de musulmans, les minorités et les pauvres ».

Une atteinte à la liberté religieuse ou une « nécessité sociale » ?

Outre la volonté d’appliquer les zones de silence à « tous les lieux de culte », le calendrier dans lequel s’inscrit la publication de ce décret paraît surprenant : elle intervient quelques jours après une polémique survenue sur les réseaux sociaux. Sur Twitter, le chanteur Sonu Nigam se plaignait d’être « réveillé par l’azaan » [prière du matin des musulmans]. Il lui avait alors fallu préciser sa pensée : il avait expliqué ne pas critiquer les prières psalmodiées par les muezzins, mais l’utilisation de haut-parleurs à des heures matinales.

A l’annonce de la mise en place de zones de silence autour des lieux de culte, Hafeez Ahmed Hawari, un leader musulman local, a indiqué qu’il s’agissait d’une « [attaque contre] les lieux de culte ». « Nous sommes dans un pays libre, et la liberté de religion existe. Dans ce pays, toutes les religions ont le droit de proclamer leur foi », a-t-il affirmé. Les réactions d’autres responsables religieux, eux aussi concernés par cette mesure, sont plus nuancées. Pour Mgr John Moolachira, archevêque catholique de Guwahati, « les zones de silence sont une nécessité sociale ».

Une étude réalisée en avril 2011 par l’Université de Manipur indique que la pollution sonore dépasse largement les seuils légaux à Guwahati. Selon cette étude, la pollution observée est due au développement « rapide et désorganisé » de cette ville dont la population croît rapidement.

Outre la mise en œuvre de zones de silence, la municipalité de Guwahati entend faire respecter l’interdiction d’utiliser le klaxon ou d’effectuer des travaux de construction la nuit, dans les zones résidentielles. A travers le pays, les initiatives se multiplient pour lutter contre la pollution sonore. A New Dehli, les autorités ont engagé un dialogue avec l’Organisation des industries automobiles indiennes pour limiter le volume sonore des klaxons.

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(eda/pm)

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