Eglises d'Asie

Appel à l’ONU pour la « décolonisation » de la Papouasie indonésienne

Publié le 28/05/2014




Les ONG de défense des droits des aborigènes et les Eglises chrétiennes dénoncent la persistance des violations des droits de l’homme et demandent une enquête internationale dans la partie indonésienne de la Papouasie. 

A l’occasion de la session du comité spécial de l’ONU chargé de la décolonisation dans la Région Pacifique, différentes ONG et Eglises chrétiennes militant pour l’autodétermination des provinces de Papouasie en Indonésie (1) ont critiqué « l’inertie des Nations Unies » vis-àvis de l’aggravation alarmante de la situation des droits de l’homme dans ces régions et ont lancé un appel urgent à la communauté internationale et à l’ONU.

Le « Comité des 24 » des Nations Unies pour l’éradication du colonialisme (2) s’est réuni du 21 au 23 mai en session à Nadi, aux îles Fidji, afin d’étudier les cas de 17 territoires de la région Pacifique.

Mais, malgré des demandes répétées de leurs représentants, les provinces indonésiennes de la Papouasie ne figuraient pas sur la liste des territoires examinés par le comité, une liste qui a été publiée la semaine dernière. La réaction des organisations militant pour la « décolonisation » de la partie occidentale de l’île de Nouvelle Guinée a été immédiate.

« Il est aujourd’hui notoire que l’Act of Free Choice signé en 1969 par la Papouasie occidentale (2) était une farce, qui a bénéficié du soutien des Nations Unies », a déclaré sur les ondes de Radio New Zealand International, le 21 mai, Joe Collins, président de l’Australia West Papua Association (AWP), ajoutant qu’il était temps que l’ONU « reconnaisse et répare ses erreurs ».

« Les Nations Unie ont le devoir, et même plus, l’obligation morale, de venir en Papouasie indonésienne voir sur place ce que 51 ans d’administration [de Djakarta] ont fait pour les populations locales dont les ressources naturelles ont été exploitées et les droits de l’homme violés », a t-il poursuivi.

Deux jours avant l’ouverture de la session du « Comité des 24 », le 19 mai, Radio New Zealand International avait déjà relayé l’appel de la Conférence des Eglises chrétiennes du Pacifique, demandant aux représentants des Nations Unies d’ajouter la Papouasie indonésienne à la liste des territoires à examiner.

« Cela fait longtemps que nous demandons aux pays des îles Pacifique et à leurs représentants du C 24 d’écouter les voix qui s’élèvent du peuple papou et de placer la Papouasie indonésienne sur la liste de ces pays », a déclaré Netani Rika, porte-parole de la Conférence. Il a rappelé que, lorsque les responsables chrétiens s’étaient réunis l’année dernière aux îles Salomon, ils avaient réitéré leur conviction selon laquelle les populations du Pacifique devaient avoir droit à l’auto-détermination.

Les Eglises chrétiennes en Papouasie (protestantes comme catholique) dénoncent régulièrement, aux côtés des ONG de défense des droits indigènes, les violations des droits de l’homme et les exactions de l’armée et de la police indonésiennes envers les populations papoues.

Le P. John Jonga, prêtre catholique connu pour être un défenseur ardent de la cause papoue, affirme que les exécutions extrajudiciaires et les violences envers les aborigènes ont encore augmenté depuis le début de l’année 2014. Malgré les menaces de mort dont il est régulièrement la cible, le prêtre, originaire de Florès, prend une part active à la défense des droits des autochtones, et milite aux côtés de l’Organisasi Papua Merdeka (OPM) pour l’amélioration des conditions de vie des Papous, revendiquant leur droit à la possession de leurs « terres ancestrales », ainsi qu’à l’accès aux soins de santé et à l’éducation.

De nombreuses autres déclarations sont venues appuyer ces appels à l’ONU. The International Forum for West Papua (IFWP), basé à Brisbane en Australie, a lancé une pétition à l’intention du comité spécial des 24, demandant une intervention urgente des Nations Unies pour que soit reconnu aux Papous d’Indonésie le statut de « population colonisée ». Lors du référendum controversé de 1969, a rappelé le président du Forum, Amatus Douw, seuls 10 % de la population avaient été autorisés à choisir entre l’indépendance ou l’annexion par l’Indonésie.

L’IFWP a également appelé les membres du Melanesian Spearhead Group (les îles Fidji, La Papouasie – Nouvelle Guinée, les îles Salomon, le Vanuatu, ainsi que le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) de Nouvelle Calédonie) à faire pression sur les Nations Unies pour faire reconnaître la situation du peuple papou.

« Les peuples des territoires sous régime colonial ont le droit de choisir leur propre avenir, et nous appelons tous nos frères du Pacifique, quels qu’ils soient, à se lever et à les soutenir dans ce combat légitime », a déclaré quant à lui, le 21 mai, Peter Emberson, porte-parole de l’Alliance des ONG de la région Pacifique, au magazine Islands Business. « Ces peuples ont été torturés, tués, emprisonnés et contraints à la marginalisation politique, économique et sociale, mais ils n’ont pas cédé. »

Enfin, dans le but de dénoncer un « Etat usurpateur », le 5 mai dernier, Usama Usman Yogoby, président du Solidarity of Human Rights, Law, and Democracy the Civilians of West Papua (SHDRP), a appelé la population papoue à boycotter les élections présidentielles indonésiennes qui se tiendront lieu le 9 juillet prochain.

« La situation du gouvernement de la République d’Indonésie en Papouasie occidentale est celle d’une occupation illégale, a-t-il déclaré. Les populations vivent comme des minorités, traquées comme des animaux, menacées et réduites à des conditions de vie inhumaines par les autorités indonésiennes. »

Décrivant le « joug de l’oppression indonésienne » comme un « esclavage », le président du collectif d’ONG appelle au boycott des élections ainsi qu’à « toute participation à la vie politique » en signe de protestation. « Cette terre de Papouasie occidentale nous appartient : elle est notre Terre-Mère qui nous a été léguée par nos ancêtres, génération après génération (…). Par ce boycott, nous marquons la volonté de la Papouasie de pouvoir choisir son destin », a-t-il déclaré.

(eda /msb)