Eglises d'Asie

Arunachal Pradesh : des Missionnaires de la Charité s’efforcent d’arracher de jeunes enfants aux effets néfastes des superstitions ancestrales

Publié le 18/03/2010




Dans le district isolé de Tirap de l’Etat d’Arunachal Pradesh où travaillent les Missionnaires de la Charité, l’abandon ou le meurtre de jumeaux et de bébés atteints de malformations appartiennent désormais à un passé révolu. Cette pratique était autrefois très commune chez les peuples Wanchu et Nocte qui habitent cette partie de l’Inde. Selon un fonctionnaire des relations publiques de la région, dans le passé, les membres de ces ethnies croyaient que la naissance de jumeaux ou d’enfants handicapés était un fâcheux présage susceptible de faire mourir les parents ou d’apporter la famine, l’incendie ou la pauvreté au village. Aujourd’hui, les infanticides ont en partie disparu des villes, de leurs environs aussi bien que des villages relativement faciles d’accès. Cependant, ils sont loin d’être rares dans les localités reculées.

Selon un religieux travaillant dans la région depuis plusieurs dizaines d’années, le changement a eu lieu progressivement à partir de 1993, date à laquelle les religieuses ont fondé leur première maison pour indigents à Borduria, une ville à prédominance catholique près de Khonsa. Un haut responsable administratif de la région, Wanglin Lowang Dong, rappelle que l’influence des Eglises, l’éducation dispensée par elles, le travail effectué par les organisations d’étudiants ont largement contribué à la transformation des esprits sur ce sujet. Il a également souligné que des organisations hindoues comme les missions Ram Krishna et Swami Vivekananda ont aussi pris leur part dans la lutte contre ces croyances superstitieuses. Cependant, c’est surtout aux Missionnaires de la Charité qu’il faut attribuer le sauvetage de centaines de vies d’enfant, a-t-il souligné.

Actuellement, la maison des religieuses s’occupe de quinze jumeaux et de quelques enfants handicapés physiques. Sa supérieure, Sour Clarina Baa, membre d’une ethnie minoritaire, rappelle qu’à son arrivée dans la région, le fléau de l’infanticide était rampant en dépit des campagnes entreprises pour le dénoncer. La plupart des enfants sauvés par les sours étaient ensuite envoyés pour adoption à Calcutta, où se trouvait le siège de la congrégation. Pour sa part, le P. George, curé de la paroisse de Borduria, affirme qu’en dépit des progrès accomplis, la bataille contre la superstition ambiante est loin d’être gagnée. Il est nécessaire de rester vigilant et de s’informer sur toutes les naissances sinon les infanticides risqueraient de se perpétuer. Une religieuse de Borduria se souvient d’avoir été appelée, il n’y a pas si longtemps, dans un village nocte. “En arrivant sur place, dit-elle, j’ai vu une mère couchée d’un côté détournant déjà ses yeux de ses deux bébés destinés à être abandonnés.” Aujourd’hui, les religieuses continuent de prendre en charge les enfants que les parents désirent abandonner. Cependant, avant cela, elles s’entretiennent avec ceux-ci pour essayer de leur faire comprendre combien cette pratique est détestable. Il arrive qu’après le départ des religieuses, les parents reviennent vers elles pour leur réclamer leurs enfants.

Selon le P. George, c’est la pauvreté et l’ignorance qui sont les vraies causes de ces superstitions. En réalité, les enfants sont tués ou abandonnés parce qu’ils constituent des bouches particulièrement difficiles à nourrir. La nourriture est rare et seuls sont maintenus en vie ceux qui ont la santé suffisante pour contribuer au labeur des champs. La famine et l’analphabétisme sont des fléaux sévissant en permanence dans cette région. Avec 45 %, l’Arunachal Pradesh a le taux d’analphabétisme le plus élevé des Etats de l’Inde du Nord-Est. Dans le district de Tirap, ce taux atteint 70 %.