Eglises d'Asie

Après la réunification allemande qu’en est-il de la Corée?

Publié le 18/03/2010




L’écroulement du Mur de Berlin et la réunification de l’Allemagne ont fait des vagues jusque dans la péninsule coréenne. L’événement que constitue cette réunification a été discuté ici avec ardeur pendant toute l’année passée. Trois rencontres entre les premiers ministres de la Corée du Nord et du Sud ont eu lieu; on y a parlé de réunification. Des groupes musicaux ont visité chacun à leur tour la capitale de l’autre et ont chanté la main dans la main une chanson de réconciliation composée ensemble par des compositeurs du Nord et du Sud. Des joueurs de football ont repris le championnat national, depuis longtemps interrompu, ce championnat qui avait procuré autrefois à la nation non divisée des événements sportifs nombreux. Et les spectateurs qui participaient l’année passée aux Jeux asiatiques à Pékin applaudissaient ensemble les exploits des deux équipes.

Les gestes symboliques utilisés lors de ces manifestations ont fait penser à de nombreux Coréens que la réunification de leur pays était désormais possible. A ce sujet, le résultat d’un sondage d’opinion est tout à fait éloquent: 61% des Coréens du Sud sont d’avis que la réunification est du domaine des choses possibles. En 1988, il n’y avait guère plus de 30% de Coréens du Sud qui étaient de cet avis. Questionnés sur le nombre des années d’attente jusqu’à la réunification, 70% des Coréens du Sud répondaient que cet événement interviendrait au cours des 10 à 20 années qui viennent.

Malgré l’optimisme grandissant, les Coréens du Sud pensent que le chemin vers l’unification de la Corée sera plus difficile que celui de l’Allemagne. Les prédispositions de l’Allemagne pour la réunification étaient meilleures que ne le sont celles de la Corée. Les Allemands de l’Est savaient, à cause de visites qu’ils faisaient et recevaient, et à cause de la télévision occidentale, que le niveau de vie économique de leurs voisins était bien plus élevé.

Ici, sur la péninsule coréenne, le citoyen moyen de chaque côté de la ligne de démarcation a vécu pendant plus d’une génération sans réellement connaître les conditions de vie de l’autre côté. Malgré les souffrances de millions d’êtres humains des

aux côtés de la ligne de démarcation demandant la possibilité de rencontrer les membres de leurs familles, l’échange de lettres et la visite à la famille ne sont pas encore permis. Il y a eu, depuis 1985, quelques cas isolés de visite à la famille dont on s’est servi pour les besoins de la propagande.

Il est vrai que, depuis 1987, quelques changements positifs sont intervenus, surtout en Corée du Sud, concernant la politique de réunification. Le gouvernement du président Roh est plus ouvert et donne accès à des informations qui peuvent favoriser la réunification. La télévision sud-coréenne par exemple transmet maintenant chaque semaine une sélection de programmes nord-coréens. Et des journaux nord-coréens, autrefois accessibles en Corée du Sud uniquement aux membres des services de sécurité, y sont maintenant vendus librement. Des livres sur la Corée du Nord et sur le marxisme-léninisme ont inondé les librairies sud-coréennes, lorsque, il y a trois ans, les restrictions ont été levées. Si l’on considère la rigidité idéologique du passé, ces changements intervenus en Corée du Sud, sont considérables.

Cette détente, malheureusement, n’a pas son pendant en Corée du Nord. Le Coréen du Nord, encore aujourd’hui, ne peut lire et voir dans les médias que ce que son gouvernement veut bien lui montrer. Le résultat de plusieurs dizaines d’années de contrôle total de l’information par le régime de Pyongyang a pour effet que le Coréen du Nord croit aujourd’hui encore qu’il jouit de conditions de vie meilleures et de plus de liberté que ses compatriotes du Sud. Le contrôle de l’information a été renforcé encore à la suite des événements en Europe de l’Est. Les dirigeants de Pyongyang craignent apparemment que le vent de changement, qui souffle en Europe de l’Est, ne sape la base de leur pouvoir. La plupart des experts doutent que des soulèvements populaires tels que nous les avons vus en Allemagne de l’Est et dans d’autres Etats d’Europe de l’Est puissent se produire en Corée du Nord dans un proche avenir. On pense généralement que de tels soulèvements n’auront de toute façon pas lieu en Corée du Nord avant la mort de Kim II-Sung.

La situation extérieure à la péninsule coréenne en revanche est plus encourageante. Selon la politique nouvelle de Mikhaïl Gorbatchev, il a été envisagé dès l’an passé d’établir des relations diplomatiques complètes entre l’Union soviétique et la Corée du Sud. Le président soviétique pense sans doute que ce genre d’ouverture aidera les efforts de la perestroïka. La Chine a commencé, il y a quelque temps, à faire du commerce avec la Corée du Sud, et semble être convaincue maintenant que des relations commerciales avec ce pays sont plus intéressantes que l’alliance idéologique et militaire avec Pyongyang.

Et la Corée du Nord, afin de trouver une solution à ses problèmes économiques, a décidé, dès l’année passée, de discuter sérieusement avec le Japon en vue de normaliser la situation diplomatique. Pyongyang a également procédé à une série de discussions avec Washington.

Ces faits montrent que les intérêts des superpuissances entourant la péninsule coréenne évoluent. Bien que ces puissances ne se soient pas prononcées clairement en faveur de la réunification, leur action politique a certainement fait naître une ambiance bien plus positive que celle qui caractérisait l’époque de la guerre froide. C’est ainsi que les Coréens du Sud espèrent que ces changements inhabituels concernant les relations

politiques et économiques entre les deux parties de la Corée et avec les quatre géants qui l’entourent, soient assez soutenus, permettant de porter les conditions internes dans les deux Corées à maturité.

Les points fondamentaux de désaccord entre les deux Corées concernant la réunification se réduisent à la question de savoir comment procéder. Tandis que la Corée du Sud aimerait réaliser d’abord ce qui est facile à faire, à savoir l’échange de personnes et de biens matériels, procédant ensuite aux questions d’intégration politique, la Corée du Nord veut d’abord régler les choses difficiles à savoir le contrat politique global et le départ des troupes américaines stationnées en Corée du Sud.

La raison principale qui fait que les nombreuses discussions, menées jusqu’à présent, n’ont donné aucun résultat tangible, réside avant tout dans le fait que les deux partenaires se méfient l’un de l’autre et redoutent les conséquences inévitables de la méthode choisie pour avancer vers la réunification.

Les Coréens du Sud doutent que Pyongyang ait renoncé à son but longtemps poursuivi de réaliser une réunification sur la base de son idéologie socialiste. Nombreux sont ceux qui pensent que le vieux Kim II-Sung voit dans les troubles sociaux provoqués par l’industrialisation rapide et la démocratisation de la Corée du Sud, une chance pour une future révolution socialiste.

Les Coréens du Nord en revanche pensent que la méthode proposée par le gouvernement de Séoul a pour but de réunifier la péninsule sur la base d’une idéologie capitaliste. C’est ainsi que l’insistance trop ferme sur la méthode à suivre de chacun des deux partenaires n’a finalement conduit qu’à renforcer la méfiance. Ce que nous devons faire c’est donc accepter le fait que la coexistence pacifique est une condition préalable à toute négociation significative concernant la réunification.

La leçon la plus importante que les Coréens du Sud devraient apprendre de l’expérience allemande semble être le fait que la dynamique conduisant à la réunification doit prendre son départ de l’intérieur. C’est ainsi que, pour obtenir une réunificatin pacifique et rapide, la Corée du Sud doit surtout rendre son économie forte et son système politique démocratique et assez stable pour convaincre Kim II-Sung d’abandonner ses visées aventuristes et anachroniques.

Aussi longtemps que la possibilité d’une révolution communiste existe dans le Sud, Kim et ses successeurs ne renonceront pas à leurs rêves qui les poussent à vouloir libérer le Sud.

Même un contrat très élaboré entre les puissances qui entourent la péninsule coréenne ne garantirait pas une forme durable de réunification du pays. Les Coréens doivent être conscients que le ciel aide ceux qui s’aident eux-mêmes.

La Corée a été une nation unifiée depuis le milieu du 7ème siècle jusqu’à la division décidée par les Américains et les Soviétiques après la 2ème guerre mondiale. La Corée a donc une expérience d’unité beaucoup plus longue que l’Allemagne qui ne fut unifiée qu’en 1871. Les Coréens ont tous la même langue et la même culture; ils sont tous de la même souche… comme les Allemands. Sur le plan de l’économie, les deux Corées peuvent se compléter. L’économie très active de la Corée du Sud manque de main

d’oeuvre et a besoin de marchés, tandis que la Corée du Nord a besoin d’argent, de technologie et d’une administration plus efficace.

En revanche, contrairement à l’Allemagne, les deux Corées ont mené une guerre moderne, fratricide et destructrice. Les cicatrices de la guerre et l’inimité idéologique marquent encore profondément l’esprit des Coréens du Nord et du Sud. La réunification de l’Allemagne et l’effondrement des régimes communistes en Europe de l’Est ont néanmoins montré à beaucoup de Coréens qu’aucun obstacle dressé par l’homme n’est insurmontable, si le peuple est persévérant et assez courageux pour profiter du moment favorable de l’histoire. Pour le fils d’un réfugié du Nord qui a une soeur vivant en Corée du Nord, ainsi que pour des millions de Coréens séparés, réclamant la réunification de leurs familles, les dernières années de ce siècle risquent bien d’être une longue période où alterneront espoir et désespoir.