Eglises d'Asie – Vietnam
Libérée avant l’achèvement de sa peine, une célèbre dissidente s’exile aux Etats-Unis
Publié le 21/09/2015
… où se mêlaient personnalités américaines et dissidents vietnamiens exilés. Les premiers mots prononcés par Ta Phong Tân ont été des remerciements au personnel diplomatique des Etats-Unis et de l’Union européenne ainsi qu’aux ONG de défense des droits de l’homme qui l’ont soutenue.
Ta Phong Tân est loin d’être la première prisonnière politique à être directement envoyée vers les Etats-Unis après sa libération. Le dissident, lui aussi très célèbre, Nguyên Van Hai (nom de blogueur : Dieu Cay, « La pipe du laboureur »), avait été pareillement libéré de sa prison en octobre 2014 et transporté en avion jusqu’à Los Angeles.
Ta Phong Tân, née en 1968 dans la province méridionale de Bac Liêu, est une figure à la fois originale et emblématique de la dissidence vietnamienne. En effet, lorsqu’elle commence à en faire partie en 2004, elle est encore membre du Parti communiste vietnamien et cadre des services de la Sécurité publique. Dans un blog intitulé « Justice et Vérité » (Công lý và Sự thật), la jeune femme, convertie au catholicisme, diffuse des rapports sur les affaires de corruption à l’intérieur de la Sécurité publique. Ces critiques ouvertes du communisme lui valent bientôt son exclusion du parti et sa révocation, en 2006, des services de police. Ses censeurs lui reprochent ses idées erronées, ses calomnies, ses diffamations. Arrêtée au mois de septembre 2011 avec d’autres blogueurs, la dissidente est déjà bien connue à cette époque et son arrestation déclenche un vaste mouvement de protestation au sein des ONG internationales de défense des droits de l’homme et de diverses instances diplomatiques, comme celles des Etats-Unis et de l’Union européenne.
Une semaine avant la date prévue pour le procès de Ta Phong Tân, le 30 juillet 2012, un événement dramatique suscita une grande émotion dans la population du pays. Dang Thi Kim Liêng, la mère de la prisonnière de conscience, vint s’immoler par le feu devant le siège du Comité populaire de la province. Elle mourut des suites de ses brûlures alors qu’on la transportait à l’hôpital. Les réactions furent très nombreuses dans le monde et le procès de la dissidente fut reporté à une date ultérieure.
Il eut lieu le 24 septembre 2012, et l’ancien cadre de la Sécurité publique fut condamné à dix ans de prison ferme et cinq ans de résidence surveillée. Deux autres blogueurs furent condamnés lors de ce même procès, qui selon The Economist ressemblait étrangement aux procès staliniens de la défunte Union soviétique. Pendant sa détention, effectuée dans des conditions très dures, la dissidente reçut, à l’initiative de Hillary Clinton, un prix destiné à récompenser les femmes « ayant fait preuve de courage et de qualité de dirigeante ». Plusieurs autres récompenses lui ont été décernées pour son action au service des droits de l’homme et de la liberté d’expression.
(eda/jm)