Eglises d'Asie

Les bénédictins du monastère de Thiên An, près de Huê, à nouveau agressés

Publié le 03/07/2017




Mercredi dernier, le 28 juin 2017, un groupe de 150 personnes a pénétré dans la propriété du monastère bénédictin de Thiên An, situé à quelques kilomètres Huê, et y a abattu une croix. Les religieux qui tentaient de s’interposer ont été …

… été agressés ; l’un d’entre eux a été sérieusement blessé. La scène a été filmée et circule sur les réseaux sociaux. Ces violences s’inscrivent dans le cadre d’un conflit foncier ancien. Cette croix, érigée il y a trois ans dans les jardins du monastère, avait été abattue en 2015 et en 2016, ce dont témoignent les bras brisés du Christ en croix. Elle avait été redressée par les religieux le 26 juin dernier.

Agressifs et déterminés, des voyous ont pénétré dans la propriété du monastère, armés de barres de fer, de briques et de bâtons, indique l’agence Reuters. Ils ont notamment mis à terre une croix, érigée à proximité des terrains confisqués par les autorités à la fin des années 1990. Pris à partie, des religieux ont été malmenés. « [Les assaillants] ont jeté des pierres sur les prêtres et battu trois ou quatre d’entre eux », rapporte à Radio Free Asia un des témoins de la scène. Ce dernier indique par ailleurs avoir reconnu des agents de la police locale, habillés en civil, au sein du groupe d’intrus : « J’ai pu voir un chef de la police locale et son adjoint. »

Un religieux a été sérieusement blessé lors de ces violences à l’issue desquelles il est resté inconscient. Il a depuis repris connaissance, mais ressent encore des douleurs à la tête et à la poitrine. Des voyous ont empêché les moines de conduire le blessé à l’hôpital et des motocyclettes, moyen de transport habituel au Vietnam, ont été confisquées. Des témoins rapportent également la présence de policiers, sur la route menant au monastère, bloquant l’accès aux lieux.

Le monastère de Thiên An (‘Paix Céleste’), fondé en juin 1940 par des bénédictins français de la Pierre-qui-Vire (Yonne), se situe sur une colline, à l’intérieur d’une pinède, à une dizaine de kilomètres de la ville de Huê. Il s’étendait alors sur un terrain de 107 ha que la communauté avait peu à peu défriché et aménagé ; elle y avait développé non seulement une église, un cloître, des bâtiments résidentiels et de travail, mais aussi un bois, un potager, une ferme, une orangeraie et un lac, créé par les moines pour alimenter en eau les villages alentours et leurs plantations.

Un conflit foncier ancien

Ce n’est pas la première fois que les bénédictins du monastère catholique de Thiên An font les frais d’une agression organisée par les autorités locales.

Depuis la fin des années 1990, un conflit foncier oppose les religieux aux autorités vietnamiennes. Ces dernières avaient pour projet de réquisitionner une partie du vaste terrain du monastère pour y construire un parc de loisirs. Le 27 avril 2000, les représentants du Comité populaire du district de Huong Thuy, dont dépend le monastère, avaient fait connaître à la communauté religieuse l’ordre de réquisition de 50 ha émis par le gouvernement (décision n°1230/QD-TTg, en date du 24 décembre 1999). Quelques mois plus tard, en septembre 2000, les religieux avaient rendu public deux courriers, adressés aux autorités régionales et au Premier ministre, dénonçant cette décision, qui privait les religieux de leur moyen de subsistance et ne respectait pas la procédure établie par la loi relative à l’utilisation des terres. Le clergé de Huê avait apporté son soutien aux bénédictins.

Un parc de loisir avait finalement été construit en 2002, à 400 mètres du monastère. Suite à de nombreux accidents, il avait rapidement été fermé ; il est, depuis, laissé à l’abandon. Les autorités n’ont néanmoins pas renoncé à leur projet de développer des activités économiques sur ces terrains. En 2009, le prieur de Thiên An expliquait au quotidien françaisLa Croix que « les autorités [voulaient] revendre [le centre de loisirs] à un groupe hôtelier », suite à l’échec commercial du premier projet. Depuis lors, les autorités essaient d’intimider les bénédictins, afin que ces dernières se résignent et renoncent à leurs droits sur ces terrains. La communauté fait l’objet d’une surveillance permanente de la part des autorités locales, dans la mesure où des vendeurs ambulants sont installés à l’entrée du monastère et rapportent au gouvernement les faits et gestes de la communauté et de leurs hôtes.

Un défi lancé au nouvel évêque de Huê

Selon les observateurs, ce nouvel épisode de violences à l’encontre de la communauté bénédictine constitue un défi lancé au nouvel évêque de Huê, Mgr Joseph Nguyên Chi Linh, à la tête de ce diocèse depuis moins d’un an. Le 16 juin dernier, celui-ci avait visité le monastère de Thiên An et s’était notamment rendu, à cette occasion, devant la croix récemment abattue. Par ailleurs président de la Conférence épiscopale du Vietnam, Mgr Linh avait, au début du mois, fait parvenir aux autorités civiles les « remarques sincères et franches » de la conférence sur la loi relative aux croyances et à la religion qui entrera en vigueur le 1er janvier prochain.

Les autorités locales n’ont pas souhaité commenter les faits. Des vidéos et des photos, publiées sur les réseaux sociaux, témoignent de la violence des faits. Au Vietnam, les problèmes liés à la propriété foncière sont nombreux, aussi bien en milieu urbain (notamment à Hanoi, capitale politique du pays, et à Saigon, capitale économique) que rural, et particulièrement conflictuels. Récemment, les habitants de Dong Tâm, village situé à une trentaine de kilomètres de Hanoi, s’étaient fait remarquer dans le cadre d’un conflit foncier d’une intensité peu commune. Suite à l’expropriation d’une partie du village par les autorités au profit d’une entreprise de téléphonie mobile, Viêttel, pour y construire une résidence, les habitants avaient retenu en otage une trentaine de policiers.

A plusieurs reprises, l’association Liên Tôn (‘Fédération des religions’), qui rassemble des membres de différentes religions (catholicisme, protestantisme, caodaïsme, bouddhisme Hao Hao, …), a dénoncé l’attitude des autorités gouvernementales à l’égard des religions. Elle avait notamment protesté contre des violences perpétrées, en janvier 2016, au sein du monastère de Thiên An.

(eda/rg)