Eglises d'Asie

La bataille de Marawi marque ses cent jours, la cathédrale libérée

Publié le 05/09/2017




Au bout de 100 jours de guerre contre des alliés de Daesh à Marawi, plus grande ville musulmane située dans le sud de l’archipel philippin, l’armée gouvernementale est parvenue à reprendre plusieurs lieux emblématiques, notamment la cathédrale. Le sort des otages toujours aux mains des terroristes du groupe Maute reste incertain.

L’armée philippine a diffusé des images montrant l’intérieur saccagé de la cathédrale Sainte-Marie. Sévèrement endommagé, l’édifice tient néanmoins encore debout. « La cathédrale n’est pas complètement détruite. Les murs ont été endommagés à cause des balles », rapporte la porte-parole militaire, la capitaine Jo-ann Petinglay. Des munitions ont été retrouvées sur place, de quoi penser que le bâtiment a pu servir de cache d’armes aux assaillants.

Le 23 mai dernier, les assaillants avaient incendié la cathédrale, après avoir enlevé le P. Chito Suganob, vicaire général de la cathédrale, ainsi que quinze paroissiens, en pleine messe. Le même jour, les combattants du groupe Maute, fondé par deux frères originaires de la région radicalisés au Moyen-Orient, avaient tenté de s’emparer de la plus grande ville musulmane de l’archipel en attaquant plusieurs lieux emblématiques, comme leur ancien lycée, sous administration protestante, ou encore un hôpital réputé pour embaucher autant de chrétiens que de musulmans.

Des jihadistes retranchés en haut des mosquées

En plus de la cathédrale et d’un pont vital pour le ravitaillement ennemi, les soldats gouvernementaux sont parvenus à quelques jours d’intervalles à reprendre l’ancien quartier général des terroristes, logé dans la Grande mosquée. Un tunnel y a également été découvert, creusé semble-t-il par les assaillants. Dans un communiqué daté du 2 septembre, le palais présidentiel a salué l’avancée de l’armée face aux assaillants ainsi que la reprise « d’une zone majeure » de la ville. Selon les autorités, le groupe Maute a positionné en haut des minarets des mosquées de la ville des tireurs embusqués. Officiellement l’armée exclut de cibler tout édifice religieux dans ses frappes aériennes. Des rescapés affirment de leur côté avoir vu leur propre maison bombardée. L’armée gouvernementale a par ailleurs indiqué la présence de femmes et d’enfants parmi les combattants.

Otages : l’évêque de Marawi craint un bain de sang

Au sujet des civils pris en otages par les terroristes, leur nombre exact tout comme leur sort restent incertains. « D’après les informations nous parvenant, le P. Chito Suganob est toujours en vie », indiquait le 1er septembre le brigadier général Rolando Bautista, à la tête des unités déployées à Marawi, interrogé par le site d’informations InterAksyon. Apprécié des communautés chrétiennes et musulmanes, le prêtre qui s’était laissé pousser la barbe est décrit localement comme farouchement attaché à la paix et au dialogue interreligieux.

Alors que l’armée espère bientôt lancer l’assaut final sur la ville, l’évêque de Marawi, Mgr. Edwin de la Pena, interviewé par Radio Veritas, station affiliée à l’Eglise catholique philippine, redoute un bain de sang : « Dès lors que l’armée décidera de lancer l’assaut final, la vie de nos otages pourrait être sacrifiée et cela est considéré comme un dommage collatéral […]. Cette idée m’est insupportable. J’appelle tous les chrétiens à s’y opposer […]. J’espère que cette épreuve prendra fin en épargnant beaucoup d’autres vies. »

Après avoir écarté toute négociation avec les terroristes, le président des Philippines, Rodrigo Duterte, a tenu des propos contradictoires, tantôt se défaussant en affirmant avec fracas qu’il n’empêchera pas l’armée de bombarder ni les mosquées ni les bastions terroristes où sont retenus les otages, tantôt sommant les militaires de patienter précisément pour protéger la vie de ces mêmes otages.

Au total, la bataille de Marawi a tué près de 800 personnes dont plus de 600 terroristes et déplacé au moins 300 000 personnes à Marawi et ses environs immédiats. Le 5 septembre, les corps de 27 civils non identifiés ont été enterrés dans une fosse commune.

Ordonnée dans toute le sud du pays sur l’île de Mindanao, aussi grande que l’Irlande, la loi martiale, qui dote l’armée de pouvoirs renforcés, a été prolongée jusqu’à la fin de l’année par le Congrès. L’épiscopat s’est publiquement exprimé contre cette mesure, peu avant l’élection du nouveau président de la conférence des évêques, l’archevêque de Davao. Mgr. Romulo Valles est décrit comme un ‘ami’ de Rodrigo Duterte.

(eda/md)