Eglises d'Asie

« Faire face au problème de la drogue en promouvant une culture de la vie » : entretien avec le cardinal Luis Antonio Tagle, archevêque de Manille

Publié le 11/10/2017




De passage en France, le cardinal Luis Antonio Tagle, archevêque de Manille, s’est confié à l’hebdomadaire Famille chrétienne. Notamment sur son admiration pour la foi des chrétiens cachés au Japon et sur la réponse apportée par l’Eglise catholique au problème de la drogue aux Philippines.

L’archevêque de Manille, le cardinal Luis Antonio Tagle, était de passage à Lisieux les 30 septembre et 1er octobre derniers, à l’occasion de la fête de sainte Thérèse, une sainte très populaire aux Philippines. L’hebdomadaire Famille chrétienne l’a rencontré et publie cette semaine son interview (n° 2074 daté du 14 octobre 2017).

Elevé au cardinalat en 2012, à 55 ans, ses larmes lors de son accolade avec Benoît XVI avaient alors fait le tour du monde, au point qu’il avait été présenté par certains vaticanistes comme un « Wojtyla asiatique », et comme un « papabile » pour un futur conclave à venir. Très attaché au projet du pape François d’une « Eglise pauvre et pour les pauvres », il avait reçu le Saint-Père lors de sa visite aux Philippines en janvier 2015.

Dans cet entretien, le cardinal Tagle se confie sur les origines de sa vocation, sur son admiration pour la foi des chrétiens cachés au Japon, et précise les raisons pour lesquelles les cloches des églises du diocèse de Manille sonnent le glas, depuis mi-septembre.

Nous reproduisons ici des extraits de cette interview, à retrouver dans sa version complète dans Famille chrétienne.

 

Famille ChrétienneÀ Manille, dans la papamobile, le pape François vous avait glissé à l’oreille que l’avenir de l’Église était en Asie. C’est aussi votre avis ?

Cardinal Luis Antonio Tagle : Je l’espère, bien sûr. Aux yeux du pape, c’est parce que l’Église d’Asie a beaucoup souffert et souffre encore aujourd’hui. Les souffrances, le martyre sont un don pour les Églises d’Asie, je suis convaincu de cela. C’est très difficile à expliquer rationnellement mais, d’une certaine façon, là où les souffrances sont les plus grandes, jusqu‘à la persécution, se trouve la force d’être au plus proche de Jésus.

J’ai toujours été édifié par les chrétiens cachés au Japon. Pendant pas moins de deux cent cinquante ans, le christianisme y a été interdit. Pas de prêtres, pas de missionnaires. Mais pendant ces deux cent cinquante années ils ont gardé la foi. On ne doit pas chercher l’Église dans les grands bâtiments, les grandes écoles présentes partout en Asie, mais là où elle est réellement présente, en silence, à travers les martyrs.

Depuis mi-septembre, à votre demande, les cloches des églises du diocèse de Manille sonnent chaque soir le glas afin de manifester votre opposition à la politique antidrogue du président Duterte. Quel est le sens de cette démarche ?

Il faut préciser que je ne m’oppose pas spécifiquement au président, car nous sommes d’accord avec lui sur le fait que le trafic de drogue est un énorme problème dans le pays. De très nombreux jeunes, des familles entières, sont détruits par la drogue. Mais l’Église aux Philippines dit aussi que l’on doit y faire face en promouvant une culture de la vie, et non avec la violence [l’extension de la loi martiale dans le pays, Ndlr]. Il n’y a pas que la drogue, mais aussi l’alcool, le trafic d’êtres humains, la cyber prostitution, l’esclavage.

Lorsque j’étais enfant, il y avait la vieille tradition du De profundis : celle de faire sonner le glas de toutes les églises à 8 h du soir en mémoire de tous les défunts. On a souhaité raviver cette tradition, pour faire mémoire chaque jour de ceux qui meurent et, en même temps, nous rappeler que nous sommes appelés à la vie et non à tuer.

Vous êtes venu jusqu’à Lisieux, quel rapport avez-vous avec sainte Thérèse ?

C’est l’un des saints les plus populaires aux Philippines. Peut-être parce qu’elle nous est proche, dans le temps, et qu’il existe des photos d’elle, extrêmement vivante.

Son Histoire d’une âme est très lue (connue) aux Philippines. Lorsque j’étais étudiant, je me disais : on peut donc être quelqu’un de normal et être un saint ! Les saints sont parfois très éloignés de nous, mais pas sainte Thérèse, elle est toute proche de nous, elle a pleuré comme nous, elle était une petite fille comme les autres. Séminariste, j’ai lu ses écrits et j’ai aussi vécu près d’un couvent de sœurs carmélites. Aussi, je rêvais de pouvoir venir un jour à Lisieux et j’en ai eu enfin l’opportunité !

Suite de l’interview sur le site : www.famillechretienne.fr