Eglises d'Asie

Célébration du 75ème anniversaire des relations diplomatiques avec le Vatican en présence du vice-président

Publié le 26/10/2017




A Taipei, la nonciature apostolique célébre aujourd’hui le 75ème anniversaire des relations diplomatiques entre le Vatican et la République de Chine, Taiwan. Une figure politique de premier plan participe à la messe d’action de grâce qui a lieu à cette occasion en l’église de la Sainte-Famille : le vice-président de la République, Chen Chien-jen, catholique pratiquant.

L’archevêque de Taipei et président de la conférence épiscopale régionale chinoise (nom officiel de la Conférence des évêques catholiques de Taiwan), Mgr John Hung Shan-chuan, a fait savoir à Eglises d’Asie que ces cérémonies se voulaient une reconnaissance de la qualité des liens entretenus entre Rome et Taipei, des liens fondés sur des valeurs communes, telles que la paix et la liberté.

A Rome, l’ambassade de Taiwan auprès du Saint-Siège a organisé ces célébrations, le 5 octobre dernier, au sein de l’Université pontificale, de manière tout à fait exceptionnelle, comme le souligne Radio Taiwan International (1). Pour les autorités taiwanaises, cela constitue un indicateur de la solidité de ces relations bilatérales. Et à cette occasion, Mgr Paul Gallagher, secrétaire du Saint-Siège pour les relations avec les Etats, a d’ailleurs réitéré sans détour le soutien du Saint-Siège envers Taïwan, assurant ce dernier de la volonté du Vatican d’être « un partenaire engagé ». « Même si le monde s’est beaucoup transformé, l’esprit d’amitié et de coopération [entre nos deux pays] n’a jamais changé a-t-il déclaré » selon CNA, l’agence d’information officielle de Taiwan.

Le Vatican, seul Etat européen à entretenir des relations diplomatiques avec Taiwan

Nouées le 23 octobre 1942 entre le Saint-Siège et la République de Chine, les relations diplomatiques ont survécu à la reprise de la guerre civile chinoise (1946-1950) et à l’expulsion de Chine continentale du nonce apostolique par le gouvernement communiste en 1951. Le représentant du Saint-Siège s’est alors établi à Taiwan, auprès du gouvernement de la République de Chine défait et replié sur l’île. Mais, au nom du principe de la Chine unique, toute nation qui entretient des relations diplomatiques avec Pékin ne peut le faire avec Taipei, et réciproquement. Depuis, le Saint-Siège fait partie des rares Etats à reconnaitre officiellement Taiwan. Ce pays ne compte désormais plus que vingt Etats dans le monde avec lesquels il entretient des relations diplomatiques, le Vatican étant, parmi eux, le seul Etat européen (2).

Alors que Taiwan se retrouve de plus en plus isolé sur la scène internationale, le Vatican est représenté, depuis 1971 (3), non plus par un nonce apostolique, mais par un prélat ayant le rang de chargé d’affaires. Tandis que Pékin et Rome cherchent à parvenir à une normalisation de leurs relations, la rupture de relations diplomatiques avec Taiwan constitue l’une des exigences de Pékin à l’égard du Saint-Siège.

Lors d’une conférence de presse organisée le 21 octobre dernier, Wang Zuoan, le directeur des Affaires religieuses, a d’ailleurs rappelé ces deux exigences traditionnelles, la seconde d’entre elle étant la non-ingérence du Saint-Siège « dans les affaires intérieures de la Chine, y compris sous prétexte de religion ».

Chen Chien-jen, un vice-président bien introduit au Vatican

Les cérémonies entourant cet anniversaire interviennent quelques jours après la fin du 19ème Congrès du Parti communiste chinois, à l’occasion duquel Xi Jinping, reconduit au poste de secrétaire général du Parti pour un nouveau mandat de cinq ans, a rappelé le principe de la Chine unique et le consensus de 1992 établi cette année-là entre Pékin et Taipei, selon lequel Taïwan et le continent font partie d’une même Chine. L’actuelle présidente se refusant à reconnaître cette entente depuis son élection en mai 2016 explique la décision de Pékin de suspendre les « mécanismes de communication » avec Taipei.

Selon les observateurs, alors que Taiwan comptant environ 300 000 catholiques pour une population totale de 23,5 millions d’habitants, la présence du vice-président Chen Chien-jen aux célébrations organisées par la nonciature apostolique témoigne de l’importance accordée par les autorités taiwanaises aux relations diplomatiques avec le Saint-Siège. En novembre 2016, à deux mois des élections, Tsai Ing-wen, la candidate du Parti démocrate-progressiste (DPP), le parti des indépendantistes aux élections présidentielles, avait annoncé que Chen Chien-jen serait son colistier. Un choix alors considéré comme judicieux, dans la mesure où l’intéressé, bien introduit au Vatican (il a été fait chevalier de l’Ordre du Saint Sépulcre en 2010 et de l’Ordre de Saint Grégoire le Grand en 2013), pourrait peser d’un poids bienvenu en cas de pression éventuelle de Pékin sur le Saint-Siège pour que ce dernier rompe les relations diplomatiques entretenues avec Taipei.

Du côté des fidèles taiwanais, on préfère laisser les tractations diplomatiques aux responsables politiques. Pour eux, l’essentiel est ailleurs : ils espèrent que leurs frères et sœurs de Chine continentale pourront vivre librement leur foi, en union avec l’Eglise universelle. Et, si un accord sino-vatican leur paraît encore lointain, ils reconnaitront dans la signature d’un tel accord le souffle de la sagesse divine. Mais ils confient qu’un abandon des liens entre Taipei et Rome leur serait difficile à accepter.

(eda/fxb)