Eglises d'Asie – Philippines
Mindanao : assassinat du P. Fausto Tentorio, missionnaire italien auprès de l’ethnie manobo
Publié le 18/10/2011
… dans la localité d’Arakan, pour se rendre à la réunion hebdomadaire des prêtres du diocèse à l’évêché. Agé de 59 ans, le P. Fausto Tentorio, membre de l’Institut pontifical des Missions Etrangères (PIME), dont le siège est situé à Milan, est mort sur le coup.
Selon les témoignages recueillis sur place, le meurtrier du missionnaire italien, qui portait un casque de motard, s’est approché de sa victime sur laquelle il a tiré huit coups de feu avant de s’enfuir sans précipitation à moto. Le chef de la police locale a déclaré que les enquêteurs ne disposaient d’aucune piste pour le moment. « Nous ne connaissons ni le mobile ni l’identité du tueur et nous n’avons pas d’information quant à un éventuel commanditaire », a déclaré l’inspecteur en chef Benjamin Rioflorido, du bureau de police d’Arakan.
Très rapidement averti de la nouvelle, l’évêque du diocèse de Kidapawan, Mgr Romulo Cruz, s’est déclaré « horrifié » par un « crime sans nom ». « Nous sommes si tristes et choqués que cet assassinat ait pu se produire ainsi en plein jour », a-t-il ajouté, demandant à ce que les autorités « agissent avec célérité afin que justice soit rendue ».
Présent aux Philippines depuis 1978, le P. Fausto Tentorio s’était attaché à défendre les droits des Manobos, un des peuples autochtones de la grande île de Mindanao. Malmenés par l’afflux de colons venus des régions plus septentrionales des Philippines, des Visayas notamment, les Manobos ont dû passer en l’espace de quelques générations d’une économie de cueillette à une économie agricole supposant la propriété privée de la terre. En favorisant l’alphabétisation, la santé, la formation agricole, le P. Tentorio visait à redonner une identité à ce peuple, travail qui n’allait pas sans difficultés. En octobre 2003, le missionnaire avait échappé à un guet-apens, sans que l’on sache précisément qui, de l’armée, des grands propriétaires terriens ou bien des clans rivaux au sein des peuples autochtones, avaient commandité ses agresseurs (1).
Selon Leonardo Reovoca, conseiller municipal d’Arakan, le missionnaire était un ardent défenseur du respect du droit et de l’ordre dans la vallée de l’Arakan. Il avait ainsi été récemment nommé à la tête de la commission anti-criminalité de la ville. « Je peux témoigner de l’engagement du P. Tentorio contre les projets d’exploitations minières ou d’autres entreprises qui n’étaient pas respectueuses de l’environnement ou qui enfreignaient les droits des peuples autochtones », a précisé Leonardo Reovoca à l’agence Ucanews (2).
Pour le P. Giovanni Re, supérieur régional des PIME, le P. Tentorio était avisé et ne prenait pas de risques inconsidérés. Il connaissait les risques que son ministère impliquait et, s’il avait réchappé à un guet-apens en 2003, c’est justement parce qu’il était prudent et avait la confiance des populations locales, notamment des Manobos, qui l’auraient averti en cas de danger. « Son assassinat constitue une surprise car la situation était calme depuis quelque temps », s’étonne le P. Re.
Du côté de la rébellion islamique, le MILF (Front moro de libération islamique) a très rapidement condamné l’assassinat, déclarant y voir un signe de la dégradation morale et spirituelle du pays. « Nous condamnons ce meurtre en les termes les plus fermes. Cet acte est une action barbare qu’aucun être ou groupe civilisé ne saurait décemment entreprendre », a déclaré Muhammad Ameen, président du secrétariat du MILF.
Le P. Tentorio est le troisième missionnaire PIME à être assassiné sur l’île de Mindanao. En 1985, le P. Tullio Favali, curé de paroisse à Tulunan, dans le diocèse de Kidapawan, avait été tué par un groupe d’hommes armés. En 1992, le P. Salvatore Carzedda, curé de Siocon, dans le diocèse de Zamboanga del Norte, était abattu à coups de revolver par des inconnus circulant à moto.