Eglises d'Asie

Mindanao : un évêque écrit à la présidente pour dénoncer le guet-apens auquel un de ses prêtres a échappé, évitant ainsi une mort certaine

Publié le 18/03/2010




Le 20 octobre dernier, Mgr Romulo Valles, évêque de Kidapawan, diocèse situé au centre de l’île de Mindanao, a écrit à la présidente du pays, Gloria Macapagal-Arroyo, pour lui demander d’ouvrir une enquête sur le guet-apens auquel un de ses prêtres a récemment échappé, évitant ainsi une mort certaine. Selon l’évêque, le guet-apens avait été tendu par un escadron d’hommes issus des tribus indigènes locales et apparemment armés par les forces militaires gouvernementales.

La lettre de l’évêque était accompagnée d’une description des faits. Le 6 octobre dernier, le P. Fausto Tentorio, missionnaire italien des PIME, présent depuis dix-huit ans auprès des populations indigènes de la vallée de l’Arakan (1), chevauchait, en compagnie de quatre membres de son équipe pastorale, en direction des villages de Kitao-tao. Arrivé dans un de ces villages, le prêtre italien fut accueilli par des habitants le mettant en garde contre la présence d’un groupe d’indigènes armés, se faisant appeler “Bagani” et disant être placés “sous la juridiction” du 73e bataillon d’infanterie de l’armée. Ayant eu vent la veille de la présence de ce groupe et ayant été informé que ces hommes voulaient lui couper la tête avant de faire rôtir ses oreilles, le P. Tentorio fit un détour pour arriver au village de Malinao, où les villageois furent “heureux de [le] voir vivant”. Durant la nuit, que le P. Tentorio passa dans une hutte en compagnie d’une quinzaine de villageois, des “Banganis” vinrent demander où était le prêtre. Certains tentèrent de fouiller dans les huttes mais en furent empêchés par les villageois. Le P. Tentorio resta caché sous des couvertures puis dans un meuble en bambou jusqu’à ce que des villageois d’un autre village persuadent les “Banganis” de partir festoyer autour d’un cochon rôti. Le lendemain matin, trois cents personnes escortèrent le missionnaire et ses adjoints jusqu’à leur mission de l’Arakan.

Dans sa lettre à la présidente, Mgr Valles a demandé que les “Banganis” soient “immédiatement” désarmés et que la lumière soit faite sur ce qui ressemble à “un sinistre complot”. Au cours de ces années passées dans la région, le P. Tentorio a consacré son action à la mission de l’Arakan, au service aussi bien des chrétiens, des musulmans que des populations autochtones. Il a en particulier contribué à aider les “lumad” (les autochtones) à s’organiser car “ils sont parmi les plus pauvres et les plus exploités”.

Par ailleurs, Mgr Valles a qualifié de “vile tactique” l’accusation portée contre le P. Tentorio selon laquelle il aiderait la rébellion communiste. Il a rappelé que le prêtre et ses adjoints pastoraux s’efforçaient d’informer les communautés autochtones des “conséquences” pour elles de signer des contrats avec les grandes plantations agricoles. Dernièrement, des investisseurs et un maire de la région ont souhaité créer une nouvelle plantation d’huile de palme et se sont heurtés à l’opposition d’un groupe de “lumad”. Selon Mgr Valles, le P. Tentorio pourrait avoir été menacé parce que lui et ce groupe de “lumad” sont “les seuls à éduquer les autochtones et à les mettre en garde” contre les contrats qui leur sont proposés.

Depuis cet incident, le P. Tentorio est retourné dans la vallée de l’Arakan et son évêque lui a ordonné de rester à l’abri, au centre du “poblacion” où sa sécurité est assurée. Mgr Valles a déclaré ne pas vouloir que le missionnaire subisse le même sort que son confrère, le P. Tullio Favali, assassiné il y a dix-huit ans par une milice anticommuniste à Tulunan (2).