Eglises d'Asie

Les jésuites mettent fin à des décennies de pénurie d’eau

Publié le 12/02/2018




Des projets jésuites d’approvisionnement en eau courante des régions rurales de Timor-Leste transforment la vie des villageois en profondeur, après des décennies de pénurie.

Durant des décennies, les gens d’Urmera, du district de Liquica à Timor-Leste, ont pris l’habitude de se lever tôt chaque matin pour gravir les quatre kilomètres qui mènent au sommet d’une colline afin d’y puiser de l’eau. Ils devaient prendre de vitesse des centaines d’autres villageois venus puiser dans deux anciens puits, enterrés là durant l’occupation indonésienne. Souvent, ils devaient faire la queue et attendre longtemps avant de pouvoir puiser leur eau.
Domingos da Silva était l’un d’eux. L’homme de 67 ans se levait à 5 heures du matin, poussait un chariot remplit de bidons jusqu’en haut de la colline afin des les remplir, puis recommençait l’opération l’après-midi. Tout cela a pris fin en octobre 2016 grâce à un projet lancé par le Service social Jésuite (JSS), qui a permis de faire venir l’eau potable littéralement jusque devant sa porte.
Environ quarante familles du village de Domingos en ont bénéficié. « Nous avons patienté si longtemps pour cela ! Cela nous a délivrés d’un poids énorme. Maintenant, nous n’avons pas à nous inquiéter pour la cuisine, pour boire, pour nous laver ou pour nos cultures », se réjouit-t-il. « Maintenant, j’ai le temps et la force pour d’autres choses importantes, comme trouver de l’argent pour ma famille. » Ses revenus sont justes, car il doit payer l’éducation de son fils au collège Saint-Ignace de Loyola de Kasait, à environ 15 kilomètres à l’ouest de Dili.
Maintenant, il vend du bois de chauffage tous les jours. Il vend également du maïs et d’autres légumes, parfois au marché local, parfois de porte à porte.
Pour Izelda de Espiritu Santo et sa famille, le projet d’approvisionnement en eau a également transformé la vie des habitants. « Le jour où l’eau courante a commencé à fonctionner a été l’un des moments les plus heureux de ma longue vie », confie cette femme âgée qui avait l’habitude d’aller chercher l’eau à tour de rôle avec ses douze enfants. « L’eau n’est plus un problème. Ce qui nous préoccupe davantage, maintenant, est de subvenir correctement à nos besoins. » Les habitants ont des cultures mais les sécheresses prolongées ont empêché la famille de se reposer sur les récoltes pour assurer un revenu régulier. C’est pourquoi son mari âgé travaille toujours dans une industrie de volailles à Dili.
Marselinus Oki, un ingénieur recruté pour le projet des jésuites, explique que les gens ne les remercieront jamais assez pour ce qui est devenu une étape importante dans leurs vies. L’émotion était si vive que chaque étape du projet était célébrée. « Alors que nous nous apprêtions à creuser les puits, se souvient l’ingénieur, les gens s’étaient rassemblés pour le succès de l’opération. Quand l’eau est arrivée, ils étaient fous de joie et remerciaient Dieu de leur donner enfin à boire. »

Près de 300 000 personnes sans eau courante

Les pénuries d’eau demeurent un problème sérieux à Timor-Leste, particulièrement dans les zones rurales. Il en résulte souvent un assainissement des eaux médiocre. À cause de la sécheresse, les toilettes sont presque inexistantes. Durant la saison des pluies, les bactéries provenant des excréments se répandent. L’eau de pluie récoltée s’infecte et cause, en particulier chez les enfants, des diarrhées et d’autres maladies. D’après un recensement de 2015, plus de 830 000 personnes, parmi la population de 1,1 million d’habitants de Timor-Leste, vit dans les zones rurales. Environ 78% des gens vivant dans les zones urbaines ont accès à l’eau potable, mais seulement 64% des gens des régions rurales en bénéficient, selon Rui de Sousa, directeur des services d’eau et d’assainissement de Timor-Leste.
« Le but du gouvernement est d’approvisionner en eau courant toutes les communautés d’ici 2030 », explique-t-il. Pour l’instant, le gouvernement ne s’occupe que des zones urbaines. Pour les zones rurales, il se tourne vers des partenaires internationaux comme l’agence japonaise pour la coopération internationale (JICA), vers la banque Asian Development, vers l’Australia Fund et des ONG ainsi que d’autres groupes d’Église. Le père Erick John Gerilla, directeur général du JSS (services sociaux jésuites) à Timor-Leste, explique que l’approvisionnement en eau courante est l’une des priorités de l’organisation. En quatre ans, dix châteaux d’eau ont été construits, dont quatre pour des écoles dans les districts de Dili et de Liquica, confie le prêtre philippin.
Selon le père Gerilla, le projet jésuite pour l’eau courante a directement aidé 2 300 personnes (414 familles), ajoutant que le chiffre pouvait être doublé en comptant toutes les personnes utilisant le réseau occasionnellement. Cinq nouveaux projets sont en cours cette année, et cinq autres sont projetés pour 2019. Chacun coûte entre quinze et dix-huit mille dollars. « Avec davantage de châteaux d’eau, nous pouvons aider davantage de gens », explique-t-il.

Des habitudes tenaces

Construire des châteaux d’eau, des puits, et d’autres installations, peut ne prendre que quelques jours. « Mais le défi le plus important est de changer le comportement des gens », précise le prêtre. « Ils ont l’habitude de vivre chacun de leur côté, en clans ou systèmes familiaux. Alors quand il s’agit de les amener à s’impliquer dans la vie de la communauté, cela peut prendre des mois. » Les gens ont utilisé l’eau, jusqu’à aujourd’hui, pour les besoins de base comme boire, cuisiner, se laver, arroser les plantes ou encore donner à boire au bétail. « Nous encourageons maintenant les gens à aller plus loin, en construisant des toilettes, ou encore en apprenant à utiliser l’eau pour devenir davantage autosuffisants. »
Selon le prêtre, un autre problème vient du fait que beaucoup de personnes gagnent leur vie en vendant du bois de chauffage. Pour cela, ils coupent des arbres, qui aident pourtant à retenir l’eau. « Nous leur avons parlé des effets que peut avoir la coupe des arbres sur les puits. Nous leur disons que l’eau est une ressource naturelle, et qu’un jour elle finira par s’assécher si cela continue », regrette le prêtre. « Nous recherchons une alternative au bois de chauffage pour générer des revenus », ajoute-t-il. En attendant, il a été demandé aux gens de planter des arbres près des pompes à eau pour permettre de maintenir le niveau d’eau. Le service social jésuite, confie le père Gerilla, aide en fournissant des semis et de jeunes arbres.

(Source : ucanews)